Dossier Start-up : comment gérer son burn rate ?

Chaque mois, les jeunes pousses en quête de monétisation accusent des pertes et calculent, parfois avec anxiété, le laps de temps au bout duquel la trésorerie sera épuisée et le moment auquel il faudra recourir à une nouvelle levée de fonds. Ce burn rate peut s'avérer compliqué à prévoir et à gérer, mais il est indispensable de l'estimer pour évaluer les besoins de financement de la start-up.

Combien lever ?

Evaluer le burn rate pour ne pas trop diluer

"La levée de fonds doit permettre à la start-up de passer un cap, explique Marc Fournier Managing Partner chez Serena Capital. Selon lui, cela peut être gagner des parts de marché, lancer une nouvelle version du produit, embaucher des collaborateurs clés, franchir un point d'équilibre, se développer à l'international..." Trois scénarios se présentent alors, explique le VC. D'abord, le montant levé ne permet pas d'arriver au point suivant, auquel cas la start-up se retrouve confrontée à une crise. Deuxième hypothèse : l'argent permet exactement à la société d'atteindre son objectif. Enfin, dans le troisième cas, la société dispose de plus de cash que nécessaire et s'est donc trop diluée lors de son tour de table. Il est donc nécessaire d'évaluer avec le plus de précision possible ses besoins avant de lever.

"Le montant de la levée dépend de beaucoup de facteurs, en fonction des besoins à X mois, note Mickael Froger, CEO de la solution de gestion de flux e-commerce Lengow. Il faut prendre en compte les salaires, les charges structurelles... Et prendre en compte la future augmentation de personnel, la location de locaux plus grands ou encore l'ouverture de nouveau bureaux en France ou à l'étranger."

Tenir environ un an, si la start-up n'enregistre aucun chiffre d'affaires. C'est l'objectif que s'est fixé Ludovic Gallen, cofondateur du comparateur de prix et assistant de courses TopDrive. La start-up a levé 500 000 euros en juillet 2014 et a depuis accéléré son accès B2B avec Data-impact. Pendant dix mois, les cofondateurs avaient financé la start-up sur fonds propres. Puis, au moment de lever des fonds, ils ont estimé leurs besoins de financement en sous-pesant plusieurs critères. D'abord, en évaluant les frais fixes : charges RH, techniques, et charges annexes (avocats, taxes...), "que l'on a souvent tendance à sous-estimer".

Eviter la dilution et ne pas trop lever

Mais surtout, les dirigeants ont choisi de ne pas lever une somme trop importante. Objectif, au-delà de la volonté de peu se diluer : "rester en mode start-up", assure Ludovic Gallen. "Nous voulions rester cohérent avec notre business plan et rester lean, avec des charges les plus basses possibles. Nous voulions 'avoir le mur du cash' pas trop loin devant nous, c'est-à-dire ne pas avoir une trésorerie énorme. Sinon, on se laisse porter, et on risque de ne pas respecter le plan de chiffre d'affaires, le timing. On s'attarde sur le service, on veut trop le perfectionner, et on s'accroche moins à ses objectifs. Il faut avoir le couteau entre les dents, avoir besoin de générer du chiffre."

Scénario médian, voire pessimiste

Pour lui, le montant de la levée doit être calculé sur des perspectives modestes, un scénario médian, et non pas un chiffre d'affaires prédictif. "Il faut un tapis de deux mois au moins, au cas où le projet prend du retard pour une raison ou une autre." L'entrepreneur doit donc arbitrer entre "se donner des contraintes et prévoir les facteurs exogènes qui peuvent ralentir le projet".

Et se baser sur des perspectives très modestes de chiffre d'affaires est primordial. C'est également la méthode prônée par Grégory Thurin, CEO de PurchEase, un SDK qui permet de retrouver l'ensemble des achats effectués à partir de la photo d'un ticket de caisse. Surtout lors d'un premier tour de table pour lequel, selon lui, il est impossible de prédire un burn rate précis. "A ce stade, on n'a pas de visibilité, analyse-t-il. On lève de l'argent sur un projet qui commence à prendre forme, mais on doit encore aller chercher des clients, ou de l'audience pour une start-up B2C... Et ça ne se passe jamais comme prévu. En général, on multiplie par 0,8 à 10 fois le chiffre d'affaires prévu dans le business plan." Son conseil ? "Lever ce que l'on peut, avec la valorisation que l'on arrive à obtenir, puis s'adapter." Car, à ce stade, le plus important, au-delà de la prédiction, est la gestion du burn rate.