EnchèreClic, un ovni qui ne peut plus se faire discret

EnchèreClic se classe dix-septième site marchand français en audience. Mais qui est ce nouveau venu, lancé en juin dernier, qui s'est aussi rapidement taillé une place dans le e-commerce hexagonal ? La réponse, officiellement en Floride, se cache plus probablement en Italie.

Les 2,8 millions de visiteurs uniques enregistrés par EnchèreClic en janvier font du site le dix-septième site marchand français en audience d'après Nielsen, CtoC comparateurs de prix mis à part. Une performance, pour ce site qui n'existait pas il y a un an et semble s'être hissé sans effort au niveau de mastodontes tels qu'Auchan. 

 

EnchèreClic est un site d'enchères à la baisse dont le principe ne manque pas d'intriguer... et manifestement de convaincre : celui qui enchérit le moins emporte le produit mis en vente. Comme il ne s'agirait pas que les utilisateurs misent tous un centime, celui qui gagne l'enchère est celui qui a placé la somme la plus basse mais seule à ce niveau. Exemple : sept personnes placent 0,01 euro, quatre personnes placent 0,02 euro, une seule personne place 0,03 euro. C'est cette dernière qui l'emporte.En pratique, l'iPhone 3G 16 Go, d'une valeur marchande de 559 euros, est par exemple parti le 8 mars dernier à 1,95 euro, auquel l'acheteur a dû ajouter 19 euros de frais de port. "Les utilisateurs peuvent faire plus d'une enchère. Chacun construit sa stratégie en fonction du 'service d'information' qui lui est envoyé suite à son enchère, du nombre de 'crédits' requis pour participer à l'enchère et de l'étude des enchères terminées sur les mêmes produits", précise Michele Rossi, directeur marketing de BeWebCom, maison-mère d'EnchèreClic.En dépit des apparences, EnchèreClic est très loin de vendre à perte. La société se rémunère en effet ailleurs que sur les prix finaux d'adjudication. Et d'abord en vendant les "crédits" nécessaires à l'internaute qui souhaite enchérir. Après les 200 premiers crédits offerts, équivalant à 2 euros, l'utilisateur en achète pour 15 euros au moins, à un tarif dégressif. "Le parcours le plus fréquent est d'aller voir les produits en vente, de s'inscrire, d'utiliser les crédit offerts pour placer une enchère, puis d'acheter des crédits", remarque Michele Rossi. En moyenne, les utilisateurs achètent pour pas moins de 50 euros de crédits.

"Tout le monde ne désire pas une Oméga à 3 000 euros. Mais pour 10 euros, pourquoi pas ?"

EnchèreClic tire également ses revenus des statistiques démographiques vendues à de grandes entreprises, sous forme d'informations du type "pour telle console de jeux, la classe d'âge née en 1983 est prête à payer trois fois plus cher que les autres." "Le chiffre d'affaires d'EnchèreClic se répartit équitablement entre les deux sources de revenus", explique Michele Rossi.

En moyenne sont vendus trois ou quatre produits par jour, soit une centaine par mois. BeWebCom met en vente les articles les plus demandés par les acheteurs, principalement du matériel électronique. Mais le modèle d'enchère inversée permet aussi des incursions vers des produits a priori moins réclamés. "Tout le monde ne désire pas une Smart à 14 500 euros ou une montre Oméga à 3 000 euros. Mais pour 10 euros, pourquoi ne pas essayer ?", relève en effet Michele Rossi.

Le nombre d'acheteurs en France s'élèverait selon le directeur marketing de BeWebCom à 600 000, que rejoindraient des milliers de nouveaux inscrits chaque jour. Mais ce que lesdits acheteurs ne savent pas, c'est s'ils sont ou non en compétition avec ceux de asteclick.com en Italie, bidandclick.com au Royaume-Uni, subastaclick.com en Espagne, auktionclick.com en Allemagne, bidshopclick.com aux Etats-Unis... Autrement dit, tous les sites d'enchères inversées que gère BeWebCom.

 

La vente actuellement en cours - une Smart ForTwo coupé passion - expirera exactement au même moment dans chacun de ces pays. Autant dire que si les utilisateurs se battent sans le savoir contre le monde entier - ce que les sites ne précisent pas - leurs chances de l'emporter sont bien faibles. Autant dire aussi que lorsqu'EnchèreClic se déclare rentable, on le croit bien volontiers.

Si BeWebCom est d'origine italienne - ses dirigeants sont d'ailleurs installés en Italie -, son siège est officiellement basé en Floride. "Nous n'avons absolument aucun bureau en Europe", assure ainsi Michele Rossi, qui explique travailler dans les locaux milanais de la société britannique GoClic, le prestataire de BeWebCom qui achète les produits qui seront ensuite mis en vente. "Sur la quarantaine de collaborateurs de BeWebCom, la moitié travaille depuis l'Europe et les autres en Amérique du Nord et du Sud", admet-il.

Outre ses différents sites d'enchères inversées, BeWebCom possède BeWebMedia, plate-forme publicitaire qui revendique une cinquantaine de partenaires distribuant ses publicités en Europe de l'Ouest et en Amérique du Nord, mais également des sites de rencontre (oasislove.com) et des sites de blogs et de forums.

Les sites d'enchères inversées apportent à BeWebCom des millions de clients venus d'Allemagne, d'Italie, d'Espagne, de Suède, d'Autriche, du Royaume-Uni, d'Irlande, des Etats-Unis, du Canada et des pays hispanophones d'Amérique Latine. "Et à partir du moins de juin, nous nous étendrons à la Pologne, la Hongrie, la République tchèque, la Slovaquie, la Russie, la Lituanie, la Lettonie, l'Estonie et l'Ukraine", précise Michele Rossi. En France, BeWebCom compte lancer en mai un webmail gratuit sans publicité ainsi qu'un site d'information et de communiqués de presse. Avant d'ouvrir, en décembre prochain, un bureau parisien pour sa division publicité BeWebMedia.

"Sur la quarantaine de collaborateurs de BeWebCom, la moitié travaille en Europe"

BeWebCom demeure toutefois très discret sur son volume d'affaires, s'imposant le secret avant une introduction au Nasdaq prévue dans le courant de l'année, selon le site. Une information extrêmement bien contrôlée, puisque les traces laissées par la société sur Internet se bornent à une adresse à Delray Beach, en Floride.

Et pendant que Michele Rossi martèle que la société est américaine, la chambre de commerce de Floride déclare ne disposer d'aucune information confirmant l'activité de BeWebCom dans cet Etat. Le département technique d'EnchèreClic est d'ailleurs indiqué dans les Abruzzes italiennes, les serveurs étant ceux de Leaseweb, aux Pays-Bas. Quant aux actionnaires de BeWebCom, ils sont américains, européens et hongkongais. 

Si la progression de la société semble toute tracée - Michele Rossi table sur une croissance de 15 % du marché des enchères inversées en Europe -, de nombreux aspects restent bien mystérieux. Et il reste encore à déterminer si EnchèreClic succède à Vente Privée comme le nouveau bon plan du Net... ou à Pere-Noel.fr, comme la nouvelle arnaque à éviter.