L'e-commerce est-il rentable ? Combien de temps cette course va-t-elle durer ?

Le but de cette course ? Faire partie des 3 à 5 e-commerçants qui, selon de nombreux spécialistes, devraient s'imposer. "Il y a beaucoup trop de gros e-commerçants par rapport à la taille du marché français. Dans les autres pays, ils ne sont pas 7 ou 8 mais 3 ou 4", estime Pierre Kosciusko-Morizet, qui pronostique une consolidation. "Soit par des rachats, soit parce que les très gros vont s'échapper du peloton, soit parce que certains seront revendus à la découpe comme Alapage, qui n'était pas rentable." Pour le patron de PriceMinister, cette phase devrait durer 5 ans environ. Il n'exclut pas non plus que des acteurs de la distribution traditionnelle rachètent de gros e-commerçants : des leaders pour prendre position rapidement ou des challengers afin de les faire grossir. "Carrefour par exemple a dit qu'il désirait réaliser des acquisitions", précise-t-il.

Chez Pixmania, Jean-Emile Rosenblum prévoit qu'à terme, 2 ou 3 e-commerçants réalisent un chiffre d'affaires de quelques milliards d'euros, quand 8 à 10 sites marchands seront à quelques centaines de millions d'euros. Or comme l'indique Pierre Kosciusko-Morizet, "cette phase de croissance forte et de transfert des clients vers le Web oblige tout le monde à être positionné fortement sur le prix". David Larramendy, chez Mistergooddeal, se montre plus que sceptique quant au bien fondé de cette course qu'il rapproche d'une "fuite en avant".

Pour lui, elle entraîne les acteurs dans une spirale déflationniste pernicieuse alors qu'à terme, il ne sera jamais possible de devenir incontournable sur Internet. "Même si 3 ou 4 s'échappent du peloton des chiffres d'affaires, il restera toujours possible de comparer leurs prix à ceux de leurs concurrents". Pierre Kosciusko-Morizet n'est donc pas certain non plus que cette course à la part de marché prendra fin dans cinq ans. "Et en tout état de cause, la problématique prix restera toujours présente sur Internet."

Mistergooddeal revendique pour sa part une stratégie différente des autres pionniers du Web marchand français. "Nous sommes plus petits car nous sommes centrés sur l'équipement de la maison et l'électroménager et ne cherchons pas à tout vendre, explique David Larramendy. Les produits sont moins sexys donc moins bataillés, par conséquent les marges sont meilleures. Nous nous satisferons d'être bons sur ce segment, dont nous détenons déjà 25 % en ligne." Notons tout de même que depuis son rachat par M6 en 2005, l'e-marchand n'a pas véritablement réussi à décoller... en dépit d'ailleurs d'une page d'accueil n'affichant pas moins de 14 onglets de catégories de produits.

Pour Jean-Emile Rosenblum, la principale incertitude entourant la course à la taille critique concerne Amazon : "Les e-commerçants français arriveront-ils à le bloquer ? Aujourd'hui, la France est le seul pays au monde où Amazon n'est pas ultra-leader." Ce que Gauthier Picquart explique par le fait que les acteurs hexagonaux sont plus puissants que les autres acteurs locaux.