L'e-commerce est-il rentable ? L'international, dernier grand axe de développement

"Quand on a atteint le taux de pénétration dont bénéficient les principaux e-commerçants en France, le paysage est un peu bloqué, surtout avec l'arrivée sur le marché de la distribution traditionnelle", note Marc Lolivier, à la Fevad. La France dispose certes encore d'une bonne marge de progression par rapport aux Etats-Unis en matière de taux d'équipement Internet des foyers, de nombre de sites marchands et de comportements d'achat en ligne. L'international n'en constitue pas moins un axe stratégique de développement pour les sites marchands français.

A ceci près que les e-commerçants semblent très rapidement déchanter. Comme le souligne David Larramendy, chez Mistergooddeal, "il est incroyablement difficile de transposer son modèle économique dans un autre pays." L'exemple typique étant celui des pays anglo-saxons, où les prix sont bas toute l'année et la notion de soldes beaucoup moins attirante pour les consommateurs qu'en France.

PriceMinister est présent au Royaume-Uni depuis un an. "Le marketing coûte nettement plus cher qu'ici. Mais nous pensons qu'à terme, ce sera un gros pays pour nous." Pierre Kosciusko-Morizet estime qu'avant d'aller à l'international, il faut avoir amorti sa structure IT en France. "Et encore, on ne va que dans les pays où l'e-commerce est mûr."

Pour sa part, Rue du Commerce avoue avoir quasiment laissé tomber son Avenida del Commercio espagnol. "Nous n'investissons pas, car il n'y a pas de marché, explique Gauthier Picquart. La crise en Espagne est largement plus dure qu'en France. Déployer des efforts incroyables pour faire 20 millions de chiffre d'affaires n'a pas de sens." Le patron de Rue du Commerce juge que l'international est aussi cher que compliqué... et que le phénomène ne fera qu'empirer. " Même Amazon y va pays par pays, attendant que le marché grossisse." Amazon qui a accepté de continuer de perdre de l'argent pour arriver à se faire une place aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, en Allemagne... et a fini par y devenir leader, souligne malgré tout l'entrepreneur.

L'exemple de Cdiscount, qui s'est récemment retiré du Royaume-Uni et d'Allemagne après six mois seulement, est également frappant. Quitter un marché en ayant uniquement eu le temps d'y investir, sans attendre des retombées qui n'arrivent le plus souvent qu'au bout de deux ans, en dit long sur le coût d'une implantation à l'étranger.

Chez Mistergooddeal, qui a mis fin à son expérience belge, David Larramendy estime que "Vente-Privée, très fort, y parviendra peut-être". Le patron du site de ventes événementielles, Jacques-Antoine Granjon, ne manque pourtant jamais de rappeler combien coûtent cher ses activités espagnoles, italiennes et bien sûr britanniques. David Larramendy se dit également "bluffé" par la réussite commerciale de Pixmania, présent dans 26 autres pays d'Europe.

L'un des seuls sites français à s'être forgé une vraie présence au niveau européen, Pixmania réalise en effet 65 % de son chiffre d'affaires hors de France. Une performance que son DG Jean-Emile Rosenblum explique par une prise en compte très anticipée du développement à l'étranger : "Notre SI et notre logistique étaient prêts dès le début. Lorsque nous avons commis des erreurs, nous étions encore petits, cela nous a donc coûté moins cher. Aujourd'hui nous sommes complètement optimisés pour l'Europe : leaders en Europe du Sud, challengers en Allemagne et au Royaume-Uni, très bons en Scandinavie et même bien placés pour profiter de l'essor de l'e-commerce dans les pays de l'Est lorsqu'il interviendra." Par effet de bande, sa position internationale renforce même le site dans l'Hexagone : si on l'y attaque, il peut y réduire ses marges plus facilement que les autres puisque le marché français ne représente que 35 % de son chiffre d'affaires.