Alerte ! Le chasseur Marini dégaine à nouveau sa taxe e-commerce...

L'histoire de l'E-commerce est-elle une histoire de chasse à courre sans fin ? A nouveau, le sénateur Philippe Marini dépose une proposition de loi dite Tascoé visant à instaurer une taxe sur la publicité en ligne, ainsi qu’une taxe sur le chiffre d’affaires des sites e-commerce. Examinée par la Commission des finances du Sénat, elle passera en séance le 31 janvier prochain.

C'est un secret de polichinelle : quel que soit le gouvernement en place, et a fortiori en période de crise, la chasse à l'évasion fiscale devient le sport favori de nos parlementaires. L'objectif est plus que louable. Le problème devient néanmoins sérieux quand le chasseur, piqué de revenir bredouille, se met à tirer sur tout ce qui bouge.

A vouloir attraper les baleines blanches qui peuplent les océans du e-commerce français et européen, les chasseurs de taxes en tout genre sont en passe de perdre le discernement nécessaire au bon fonctionnement d'un secteur économique porteur. D'emplois, entre autres.

A maintes reprises depuis ces dernières années, dans le viseur de nos chasseurs de taxes, la bande de GAFA. Etablies en Europe chez les moins-disant fiscaux comme le Luxembourg ou l'Irlande, les Google, Amazon, Facebook ou autre Apple échappent à l'impôt sur les sociétés en France. 

C'est un gibier qui court vite dont la chasse est complexe. Parfois on l'appâte par quelques subventions parce que l'emploi est aussi une priorité. Mais cela ne règle en rien la question de l'évasion fiscale. Et Amazon court toujours. Et puis, au-delà de leur implantation géographique, ce qui gêne, c'est qu'ils sont "virtuels". 
J'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer dans une précédente chronique sur les incidences supposées de cette "virtualité".

Périodiquement, l'Etat ressort donc son arme de dissuasion massive, celle qui éradiquerait sans discernement tout gibier sur le territoire national.

Et la nouvelle proposition Marini en est une !

Le secteur, via la Fevad, consultée par le Sénat la semaine dernière, réaffirme son opposition à cette loi via une lettre à Jean-Marc Ayrault, Premier ministre et Jérôme Cahuzac, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget.

Quand l'Etat français, pour renflouer ses caisses, convoite les retombées potentielles d'un marché qu'il n'a ni inventé, ni favorisé, ni aidé !

Le commerce est déjà taxé, en tant que tel, notamment via la TVA et bien sûr l'impôt sur les sociétés, qui est un des gros soucis puisque les GAFA y échappent, du fait de leur domiciliation fiscale à l’étranger.

Le e-commerce est-il une forme à ce point différente de commerce qu'il puisse justifier légalement de la création d'une taxation nouvelle ? 
Une taxe censée rétablir l'équilibre entre commerce physique et commerce électronique ... alors que la plupart des commerces physiques qui ne l'ont pas encore fait pensent à développer un site internet pour doper leur activité ? 

Une taxe qui permettrait de collecter l'impôt ... sur des sociétés établies hors du territoire national ? 
On atteint le summum de l'absurde.

Comment se tirer une balle dans le pied plus efficacement en se trompant de cible ?

L'autre problème est celui de l'activité transfrontalière, et de sa maîtrise par l'État. 
Ce problème ne sera même pas réglé par cette loi, puisqu'elle ne frappera effectivement que les e-commerçants français, les autres n'offrant aucune prise à la contrainte fiscale interne.
Résultats pervers : sans jouer les diseuses de bonne aventure on peut prédire qu'un secteur en plein développement va régresser, et provoquer l'expatriation rapide d'une grande partie des entreprises et des acteurs du e-commerce. Déjà en marche.

Outre la faute politique et l'inanité de cette position, cette loi est juridiquement vulnérable en cela qu'elle créerait un handicap pour les acteurs installés sur le territoire par rapport à leurs homologues transfrontaliers. 

Quand on ne peut maîtriser le vent, on peut ajuster les voiles !

Les questions que je me pose aujourd'hui sont simples. L'Etat doit-il intervenir de façon aussi absurde pour régler sournoisement les problèmes de perception fiscale qu'Internet lui pose depuis toujours ? Est-il bon de faire abus d'autorité en imposant sur son territoire une loi inique qui rapporterait tout au plus 50 millions d'euros par an sans régler la question de fond et en stérilisant un secteur dynamique ?

Nos chasseurs de taxes n'ont-ils toujours pas compris que la fluidité des échanges électroniques aura toujours le dessus, et que le seul effet prévisible sera de marginaliser l'activité de source française, de précipiter la perte de substance du secteur, voire de stériliser un domaine d'avenir, dans lequel de surcroît nos acteurs nationaux montrent un certain talent ?

A mon humble avis de citoyen de la société civile et bien qu'ayant des intérêts directs dans le secteur du e-commerce, les entreprises de e-commerce sont plus utiles à ce pays que l'honorable sénateur Marini. Nous délivrons des services, nous créons de la valeur et de l'utilité sociales, quand lui et tous les chasseurs de primes et taxes iniques cherchent avec ténacité des artifices pour en faire profiter indûment un Etat boulimique, et incorrigible. 

L'Etat, socialiste ou non, est-il là pour aider les entrepreneurs, ou pour les achever face à la concurrence étrangère ? 
L'Etat est-il là pour aider ses ressortissants, ou pour leur lier les mains au seul motif qu'il n'est plus capable de gérer son budget ?

Reste à souhaiter que la bande de GAFA ne fuie pas ce pays dans un éclat de rire bruyant, entraînant dans son sillage le banc et l'arrière banc que l'on empêche d'investir et d'entreprendre. Le mouvement est en marche, va-t-il s'accélérer ? 

Je reste convaincu qu'il reste quelques fins limiers, proches du gouvernement ou pas, sachant raison garder et que cette loi sera renvoyée en commission. Au-delà du clivage droite/gauche, il s'agit d'une question d'intelligence.

A mon échelle, j'interpelle à mon tour les sénateurs et les différents ministres compétents sur les risques liés à cette nouvelle et énième tentative d’alourdissement de la fiscalité des ventes sur internet. Un peu de bon sens et de courage, que diable, rejetez cette loi !