Pierre-Noël Luiggi (Oscaro) "Oscaro est une entreprise de technologie, de contenu, puis seulement d'e-commerce"

Le fondateur d'Oscaro détaille les raisons du succès de la pépite française de l'e-commerce, numéro 1 mondial des pièces auto, et dévoile ses projets européens.

JDN. Qu'est-ce qui fait la particularité et le succès d'Oscaro ?

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Pierre-Noël Luiggi, fondateur et PDG d'Oscaro © S. de P. Oscaro

Pierre-Noël Luiggi. Lorsqu'on observe la Silicon Valley, on voit des entreprises très concentrées sur les questions financières et on oublie un peu vite que tout part en réalité d'un véritable amour de la technologie. Je suis un geek de l'automobile, un passionné de technologie. Oscaro constitue une révolution technologique à lui tout seul. Sur un site marchand classique, vous avez un certain nombre de références, indépendantes les unes des autres. Sur Oscaro, nous devons dire à quel véhicule correspond chaque référence, ce qui change tout le temps. Au total, notre base de données comprend donc 100 millions de références ainsi combinées avec les 70 000 véhicules différents qu'on dénombre en France.

L'innovation majeure que nous avons apportée dès 2001 a consisté à prendre une base de données SQL plutôt qu'Oracle pour la rendre disponible sur Internet. Nous sommes les seuls au monde à gérer ce genre de base de données. Ce faisant, nous rendons aux consommateurs un droit que les constructeurs leur avaient arraché : celui de réparer leur voiture. Si les gens se rendent sur Oscaro, c'est parce que nous leur donnons tout ce contenu en accès libre. De même que Google indexe Internet, nous indexons la structure des automobiles. Et notre business model consiste à vendre des pièces détachées. Nous sommes donc une entreprise de technologie, de contenu, puis seulement d'e-commerce. Ce qui fait notre succès, c'est d'être profondément ancrés dans le réel. Il n'y a d'ailleurs pas plus réel qu'Internet, qui est une industrie à part entière. Sinon, cela ne marche pas.

 A combien s'élève votre chiffre d'affaires et comment est structuré le capital d'Oscaro ?

En 2013 il atteindra 230 millions d'euros. Nous sommes rentables depuis 2005 et employons actuellement 700 salariés. Nous n'avons jamais levé de fonds et le capital est toujours notre entière propriété, à mes proches et moi. 

Sur quels projets travaillez-vous actuellement ?

Nous avons trois chantiers permanents. Nous avons toujours eu la culture et l'obsession de la long tail. Notre premier challenge consiste donc à accroître encore le nombre de nos références. Nous avons aussi l'obsession de la relation client, qui nous a conduits à créer dès 2003 un call center qui à l'époque passait des heures à expliquer comment acheter en ligne à nos clients, généralement moins technophiles que les CSP+ clients d'autres sites. Nous cherchons toujours à provoquer un "wow effect" à la Zappos. Nous travaillons également sur un chantier big data, dans le cadre duquel nous avons par exemple mis en œuvre le Net Promoter Score. En détectant nos détracteurs, promoteurs et clients neutres, nous savons toutes les semaines comment le marché perçoit notre qualité de service.

Par ailleurs, nous avons récemment automatisé notre logistique. Notre plateforme de Gennevilliers bénéficie désormais d'une innovation fantastique de Boa Concept, le convoyeur modulaire intelligent Plug-and-Carry. Chaque mètre est automatisé et nous avons beaucoup gagné en rapidité d'exécution.

Où en sont vos projets d'expansion à l'international ?

Nous sommes numéro 1 mondial de la vente en ligne de pièces auto en chiffre d'affaires, alors que nous ne sommes actifs qu'en France. Nous venons en effet de dépasser notre premier rival, un acteur américain. Le marché des pièces auto en Europe atteint 100 milliards d'euros par an. Notre challenge pour les cinq ans à venir est donc de réussir hors de France. Nous commencerons dans un an par l'Allemagne, le Benelux, le Danemark, les pays scandinaves et peut-être le début de l'Europe de l'Est. Au début au moins, la gestion logistique sera assurée depuis la France.

Vous avez récemment lancé une campagne de communication plurimédia autour du nouveau film d'animation "Planes" de Disney. Quel est votre objectif ?

Nous voulons faire d'Oscaro l'une des grandes marques de l'automobile du futur, comme Tesla ou Autolib. Oscaro a beau être un pure player, c'est de moins en moins un acteur du Web et de plus en plus un acteur de la vie réelle. Comme Vente-privée, par exemple.

Pour en revenir à "Planes", cette opération qui mettait remarquablement en valeur Oscaro nous a aussi permis de tisser des premiers liens avec Pixar. Nous nous rendons la semaine prochaine à Los Angeles pour discuter de ce que nous pourrions mettre en place à l'occasion de la sortie de Planes 2, l'an prochain.

Comment se développent vos concurrents ?

Je ne m'en préoccupe pas, seuls m'intéressent mes clients. D'ailleurs, mes vrais concurrents sont les constructeurs, qui ont perdu leur monopole en 2002. Savez-vous qu'une Twingo que vous achèteriez en pièces détachées vous coûterait 100 000 euros chez Renault ? Sur Oscaro, les prix sont en moyenne 70% inférieurs à ceux des constructeurs.

Ceux-ci ne sont en effet pas légitimes sur cette activité, puisque ce sont les équipementiers - Valéo, ZF, Robert Bosch et consorts - qui produisent les pièces. Or distribuer n'est pas leur métier. Les convaincre n'a cependant pas été facile ! Il m'a fallu 4 ans pour obtenir mon premier rendez-vous fournisseur... Renault n'a d'ailleurs pas hésité à nous faire convoquer par le juge Van Ruymbeke ! Mais aujourd'hui, pas moins de 300 équipementiers auto sont nos partenaires.

Pierre-Noël Luiggi est fondateur et PDG d'Oscaro. Amateur de voitures dès l'enfance, il travaille à partir de 13 ans au réglage des voitures de course sur le Tour de Corse Automobile. Après un cycle International suivi à l'Institut Supérieur de Gestion et à l'Université de Berkeley, il développe une entreprise spécialisée dans l'immobilier en Corse. Il suit alors un MBA à Sciences Po Paris puis, en 1999, se lance dans l'entreprenariat et fonde Oscaro. Il passe quatre années à bâtir l'activité et nouer des partenariats, pour un démarrage effectif en 2003.