E-commerce : feuille de route d'une expansion internationale réussie Financement et rentabilité : les approches divergent

Reste à décider comment financer son expansion dans de nouveaux pays, quelles ressources mobiliser et quelles pertes s'autoriser. Evidemment, les marges fluctuent beaucoup d'un pays à l'autre et les produits ne sont pas nécessairement les mêmes. Pour guider ses décisions, Vente Privée s'en tient à une politique simple : "Mieux vaut moins de chiffre d'affaires, mais rentable, que plus de chiffre d'affaires pas rentable". Ilan Benhaim précise que sur un nouveau marché, la société s'autorise jusqu'à deux ans de petites pertes. Il remarque d'ailleurs que les e-commerçants qui accumulent de lourdes pertes en s'internationalisant, comme Zalando, font souvent beaucoup d'investissements, ce qui constitue donc aussi une politique assumée. Ce choix dépend donc de l'état d'esprit des actionnaires...

Chez Photobox, la rentabilité peut arriver à des échéances très variables, de 6 mois à... toujours pas depuis 6 ans. "Mais ce dernier cas de figure a une véritable valeur stratégique car nous faisons mal aux locaux, sans influer sur notre position en France et au Royaume-Uni", souligne Sébastien Rohart. Dans le cas contraire, Photobox sait aussi renoncer, comme après une grosse année au Portugal où "il n'y avait pas de marché".

Pour le service en ligne d'impression de photo, l'allocation des effectifs et du financement suit le principe suivant : "Nous ne baissons jamais le niveau d'investissement et de staffing de nos deux marchés historiques. L'international doit se faire avec les ressources qui restent, sans amputer ce socle." En arrivant dans un nouveau pays, Photobox estime obliger aussi ses concurrents locaux à ré-allouer à leur marché domestique des budgets qu'ils consacraient eux-mêmes à leur expansion. "En attaquant leur croissance chez eux, ils s'affaiblissent et seront peut-être un jour à vendre." Or réaliser des acquisitions était précisément l'un des objectifs de sa dernière ligne bancaire. "A condition d'avoir testé le marché nous-mêmes avant, au moins avec un stagiaire et six mois sur Google, rappelle le dirigeant. Pas question d'attaquer un pays via une acquisition sans rien en connaître."

La croissance externe, une occasion d'acquérir des données

A plus grande échelle, la question de la croissance externe se rapproche aussi de celle des données, affirme enfin Olivier Mathiot. "Ce qui coûte cher quand on attaque un nouveau marché, c'est avant tout d'acquérir des clients, résume-t-il. Les données clients deviennent donc une question de concurrence entre les grands groupes." En rachetant le service de messagerie VoIP Viber, Rakuten a aussi mis la main sur une base d'utilisateurs très importante. Ce qu'il va pouvoir utiliser dans le cadre de son expansion, d'autant que le mobile est de plus en plus central dans l'acte d'achat, en ligne comme en magasin. Une richesse que la marketplace peut ensuite remettre au service de ses vendeurs, puisque son rôle, depuis toujours, est de faciliter leurs activités de vente en ligne, notamment transfrontalière.

En témoigne d'ailleurs la proportion de ventes réalisées sur Priceminister-Rakuten par des vendeurs étrangers, s'élevant dans certaines catégories de produits jusqu'à 25%. "Nous voulons encourager la réciproque et aider les vendeurs français à vendre hors de l'Hexagone", ajoute Olivier Mathiot. Le concept de place de marché, qui évite aux marchands de devoir maîtriser tous les aspects de l'e-commerce, apparaît en effet parfaitement adapté à cette nouvelle mission.