"Chez Uber, vous pouvez perdre votre job d'une minute à l'autre" La note du client, une épée de Damoclès

Au-delà de la prime, c'est le contrat avec Uber qui dépend de l'évaluation des chauffeurs. Et lorsque l'un d'eux est suspendu, la sentence tombe d'un coup : son application Uber ne fonctionne plus. "Lorsque ma note est passée sous 4,6, l'application n'a plus marché, se souvient Louis. Uber m'a demandé de passer les voir."

Au siège parisien, Thibaud Simphal rappelle néanmoins qu'il n'est pas dans l'intérêt de la société de déconnecter les chauffeurs. "Nous ne le faisons qu'en cas de non-respect de la loi ou de notre charte de qualité. Lorsqu'un chauffeur passe dans la zone orange, nous demandons à le voir pour comprendre ce qui se passe et l'aider à améliorer son service. Nous ne les déconnectons jamais sur la base d'une seule semaine, nous lui demandons d'abord de venir nous voir et nous regardons ce qui s'est passé."

Effectivement, la start-up multiplie les guides et tutoriels vidéos en ce sens. "Nous sommes obsédés par le taux de turnover, que nous avons beaucoup fait baisser. Et la part des chauffeurs qu'on déconnecte est de plus en plus basse. Certes nous devons faire des efforts pour communiquer encore mieux avec eux, mais nous leur envoyons déjà trois mails de reporting personnels par semaine, répondons toujours à leurs questions dans les 24 heures et nos bureaux sont ouverts pour leur parler et expliquer." Ouverts deux fois par semaine à des horaires précis... mais avec une telle queue que les chauffeurs ont de quoi se décourager.

La pertinence des évaluation mise en cause

Il n'empêche, ce niveau d'exigence en matière de notation est souvent perçu comme de l'intransigeance. "Je ne comprends pas qu'Uber dise que seule une note supérieure à 4,6 sur 5 est acceptable : c'est inhumain, malhonnête et injuste, s'indigne Louis. Et cela nous pousse à tricher, soit dans notre façon de conduire, soit en expliquant le système de notation aux passagers." Uber recommande en effet de ne jamais aborder le sujet de la note avec le passager...

"Si je n'avais eu que ça pour vivre, j'aurais paniqué tous les jours"

Etant donné l'impact fort de leur évaluation sur leurs primes et tout simplement sur leur contrat avec Uber, l'angoisse de perdre son job ne tarde pas. "Il est assez horrible de se dire qu'on peut perdre son boulot d'une minute à l'autre, souligne Louis. Si je n'avais eu que ça pour vivre, j'aurais paniqué tous les jours."

Les évaluations sont-elles pertinentes ? Non seulement les primes et le contrat avec Uber sont conditionnés par ces notes, mais celles-ci ne reflètent pas toujours la qualité du service offert par le chauffeur. D'abord parce que l'utilisateur, qui n'a aucune instruction pour le noter, a tendance à évaluer la totalité l'expérience dans son ensemble. Si la géolocalisation fonctionne mal et qu'il attend 5 minutes le chauffeur qui stationnait un peu plus loin, le client, mécontent, aura tendance à attribuer une mauvaise note... dont pâtira le chauffeur qui n'est pourtant pas responsable.

Uber oppose à ce type de cas de figure une réponse statistique. "Le risque que le client note mal le chauffeur pour une mauvaise raison existe, mais il est le même pour tous les chauffeurs. Sur un volume important de courses, si la qualité est bonne, une mauvaise note n'aura pas d'impact."