Agathe Molinar (Lemon Curve) "Lemon Curve applique à la lingerie les standards de l'e-commerce de chaussures"

Offre élargie, niveau de service élevé, marques propres... Le pure player trace sa route en prenant Spartoo pour modèle, explique sa fondatrice Agathe Molinar.

Quelle est la vocation de Lemon Curve ?

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Agathe Molinar, fondatrice et PDG de Lemon Curve © Olivier Ezratty

J'ai lancé Lemon Curve en octobre 2011 après avoir identifié une opportunité de marché : il n'existait pas encore de site marchand spécialisé dans la lingerie proposant un véritable choix et haut niveau de service. Avec Lemon Curve, j'ai voulu adresser tous les budgets, tous les goûts et toutes les tailles. De 25 marques au moment de l'ouverture, nous sommes passés à 80. Nous couvrons aussi bien les petits prix que le haut-de-gamme, les créateurs que la lingerie "solution" - maternité, sport, gainante... -, en bonnets A à K. L'envoi et le retour sont gratuits sous 100 jours. Je ne réinvente pas la roue, je me suis beaucoup inspirée des modèles mis en place dans la chaussure et bénéficie d'ailleurs de l'expertise de Boris Saragaglia, fondateur de Spartoo, présent au conseil d'administration de Lemon Curve.

Comment progresse votre chiffre d'affaires ?

Nous avons enregistré 500 000 euros de ventes en 2012, 1,8 million d'euros en 2013 et réaliserons en 2014 environ 3 millions d'euros de chiffre d'affaires. Nous travaillons notre rentabilité mais sommes toujours en phase d'acquisition clients. Il fallait arbitrer, j'ai fait le choix d'aller d'abord chercher de la part de marché. Nous avons levé 1 million d'euros en août 2012 auprès de CM-CIC, le fonds historique de Spartoo, et nous visons la rentabilité pour 2016. Nous sommes une quinzaine de personnes et gérons tout en interne sauf la logistique, sous-traitée à Morin. En 2015, nous visons 4,5 millions d'euros de chiffre d'affaires.

Quels sont vos grands chantiers actuellement ?

En 2012 nous avons accru notre offre en augmentant le nombre de marques et de références au sein de chacune. En 2013 nous avons réalisé un gros travail sur le marketing. En 2014, nous nous sommes beaucoup penchés sur l'identité de marque de Lemon Curve. Cela va nous permettre de travailler la fidélité, ce qui sera très important pour aller chercher la rentabilité. Nous commençons à avoir une belle base de clients – environ 60 000 depuis le début – dont nous suivons la fidélité en l'observant pas cohortes. Il s'avère d'ailleurs que les clients acquis en 2014 sont plus fidèles que les clients antérieurs. L'an dernier, nous avons aussi appuyé notre effort en matière d'acquisition en travaillant tous les canaux, ce que nous faisions moins auparavant. Après avoir refondu notre site en juin dernier, nous débuterons peut-être la communication offline en 2015, en fonction de nos budgets.

Aux Etats-Unis, la vague montante des nouvelles e-boutiques de lingerie (True&Co, AdoreMe...) a pris appui sur des services innovants permettant aux consommatrices de trouver la forme et la taille de soutien-gorge qui leur conviendra le mieux. Lemon Curve propose-t-il lui aussi un tel service ?

Notre première priorité était de proposer un choix très large, que nous accompagnons par de nombreux conseils sur les fiches produits. Mais effectivement, nous travaillons actuellement sur un algorithme. A partir des mensurations de l'acheteuse, on peut déduire sa morphologie et donc les formes de soutien-gorge les plus adaptées : emboîtant, en triangle, en corbeille... On en conclut alors les produits à lui présenter.

"Notre algorithme apprend les correspondances de tailles entre les marques"

L'algorithme se nourrit aussi de notre base clients. Par exemple, si une femme achète et ne renvoie pas un 90B chez Aubade et un 85C chez Implicite, nous apprenons ces correspondances de tailles. Et lorsque l'écart est trop important, nous ne le prenons pas en compte car il s'agit sans doute d'un cadeau. Il faut également garder à l'esprit que 70% des femmes rachètent toujours la même marque. La taille ne pose donc pas tant problème que ça. Et cela n'empêche pas une inconditionnelle des Dim 90B de venir quand même sur Lemon Curve, car elle y bénéficiera de plus de services que sur les autres sites.

Qui sont vos concurrents et comment vous positionnez-vous par rapport à eux ?

Nos concurrents sont surtout les généralistes, dont l'offre est bien moins large que la nôtre. C'est par exemple ce qui a conduit La Redoute à nous proposer de placer nos références sur sa marketplace pour compléter son offre. Et la lingerie étant un produit technique, le conseil bien plus poussé que nous apportons fait aussi la différence par rapport à nos concurrents.

Comme Spartoo et d'autres pure players de niche, vous avez lancé une marque propre. D'autres sont-elles prévues ?

Nous avons en effet lancé fin 2013 la marque Lemon Boudoir, qui est très officiellement une MDD et inclut par exemple des parures à 40 euros. Mais nous n'avons pas créé d'histoire pour la développer, pour l'instant il s'agit uniquement d'un test. A l'avenir, nous voulons effectivement lancer des marques propres sur plusieurs positionnements, avec une véritable histoire et un univers spécifique pour chacune. A mon sens, créer une MDD est la suite logique pour un distributeur. Nous travaillons avec des partenaires fabricants qui maîtrisent ce métier et pensons lancer ces nouvelles marques au deuxième semestre 2015 ou en 2016.

Quels sont vos axes de croissance ?

Les marques propres d'une part. L'international d'autre part, auquel nous pensons pour 2016 car nous attendrons d'avoir prouvé la solidité de notre modèle en France avant de le dupliquer à l'étranger. Et bien sûr le travail sur l'acquisition et la fidélisation, afin de nous positionner comme le site de référence de la lingerie. C'est d'ailleurs à cette fin que l'année dernière nous avons organisé des Lingerie Awards.

"Nous envisagerons de relever des fonds au second semestre 2015"

Puisque vous dites vous inspirer de Spartoo, comptez-vous ourir une marketplace ?

Nous y avons pensé pour d'autres types de produits que la lingerie, où notre offre est déjà très étoffée. Mais finalement, nous avons décidé de développer en propre les maillots de bain et cela fonctionne très bien. Quant aux collants et vêtements d'intérieur, pour l'instant nous les vendons aussi nous-mêmes.

Réfléchissez-vous au cross-canal ?

C'est encore trop tôt pour nous. Nous observons néanmoins que cohabitent des acteurs comme Orcanta qui marchent très bien et des réseaux un peu vieillissants. Il faudra sans doute imaginer de nouvelles façons de vendre et nous en discutons de temps à autre avec des industriels. Mais pour Lemon Curve, le moment n'est pas encore venu.

Allez-vous devoir relever des fonds bientôt ?

Nous avions prévu de relever plus rapidement mais notre bonne gestion du cash nous a évité de devoir retourner voir les fonds d'investissements. Nous l'envisagerons pour le second semestre 2015 afin de financer notre expansion internationale.

Agathe Molinar, 29 ans, diplômée de l'ESC Toulouse et de l'ESCP, a construit son parcours universitaire autour de son envie de création d'entreprise. À l'issue de ses études, elle lance en 2009 sa première société, EasyLife Pack, spécialisée dans le déménagement clés en main. Elle la ferme au bout de trois ans pour créer Lemon Curve en 2011, à l'âge de 25 ans.