E-commerce : le 11 Novembre, journée de la plus grande messe commerciale du monde

A moins que vous n’ayez vécu en Chine, ou étudié attentivement son actualité, il est fort probable que le jour des célibataires – ou "Double-Eleven" – n’évoque pas grand-chose pour vous. D’ailleurs ne cherchez pas ce terme sur Google, le moteur ne vous renvoie que des liens relatifs à un studio de développement de jeux vidéo anglais…

Le Double-Eleven c’est tout simplement une formulation du… 11 Novembre (ou 11.11) en Chine. Un terme de plus en plus utilisé pour désigner une fête un peu particulière : celle des célibataires. Vague fête « traditionnelle » qui contrairement à bon nombre de choses en Chine ne se base sur aucune tradition ancienne. Sa seule vertu : avoir été promue par le géant du e-commerce chinois Alibaba qui en a fait, en quelques années, la journée de la plus grande messe commerciale en ligne de Chine et dans le monde…

Car le 11.11 est bien jeune. Lancée en 2009 autour de 27 marchands sur Tmall, la place de marché d’Alibaba, cette journée est très vite sortie de ce cadre confidentiel pour embraser la Chine digitale. L’année dernière, elle a permis au géant chinois de vendre en 24 heures pour plus de 9,3 milliards de dollars de biens en ligne ! Aujourd’hui renommé Global Shopping Festival ou « 11.11 Shopping Festival », l’évènement continue de croître. Et s’apprête à reléguer à l’arrière plan toutes les soldes et autres messes commerciales dans tous les pays.

Jugez plutôt : en 2015, 11.11 réunira plus de 40 000 marchands et plus de 5 000 marques vendant en direct. Issus de plus de 25 pays, pas moins de centaines de millions de produits seront proposés en vente, parfois à des prix extrêmement bradés, allant jusqu’à 80 %. Car le moteur de cet événement repose sur la remise et la recherche de la bonne affaire, concept fondateur du e-commerce.

Admirer ce phénomène et le considérer comme une charmante tradition chinoise serait une erreur majeure. Et ce tout d’abord en raison du phénomène de globalisation d’Internet

Après les fameux Black Friday et Cyber Monday importés des Etats-Unis avec moult efforts de communication et d’implantation, le 11.11 va pour sa part s’infiltrer sans bruit en occident, probablement en bien moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. Car cette année Alibaba fixe le cap sur l’international. Premier témoignage : une implication sans cesse accrue des marques internationales. Parmi les acteurs mis en exergue par le géant chinois cette année, figurent des centaines de marques mondiales et non des moindres : P&G, Unilever, Burberry, Estée Lauder, Zara, Apple, Nike, Uniqlo, Huggies, Macy’s, etc.

Et, dans le même temps, l’évènement va apparaitre hors de Chine pour les acheteurs internationaux via le portail Aliexpress, une grande première ! Cette place de marché dédiée vise à mettre directement en relation des dizaines de milliers de producteurs chinois avec les consommateurs. Une plateforme online qui existe cette année en plus de 15 langues étrangères (dont le français) et qui propose, dorénavant, des applications pour mobile et tablettes supportant non seulement l’OS propriétaire chinois d’Alibaba, mais aussi Android et iOS.

De plus, Alibaba est conscient des enjeux globaux et fait cette année le virage de l’omni canal pour associer à cet évènement en ligne le commerce dit « brick and mortar ». Ainsi, plus de 1 000 marques du secteur de la distribution pour un total de 180 000 points de ventes sont associés à l’événement, majoritairement basés en Chine pour l’instant… Car gageons que le géant chinois n’en restera pas là, tellement il semble enclin à vouloir étendre son empire au-delà de ses frontières.

En effet, depuis son introduction en bourse aux Etats Unis, Alibaba vise à s’ouvrir et à pousser ses pions à l’international. De manière structurée, efficace et systématique, et ce sans même attendre la présence physique locale de ses équipes dans nos pays. Lacune qui sera de toute façon comblée dès le début de l’année prochaine, car Alibaba a annoncé l’ouverture de nombreux bureaux, notamment en Europe et plus particulièrement en France, en Italie et en Allemagne… Et ce sans compter les velléités d’acquisitions des plus grands acteurs mondiaux du e-commerce qu’on lui prête, tant la manne financière dont dispose la société de Jack Ma semble impressionnante.

Notons enfin que le secteur BtoB et les prestataires qui évoluent dans l’écosystème du e-commerce seront également impactés à moyen terme. En effet, la masse des commandes est telle qu’elle impacte tous les éléments de la chaine : paiement, logistique, livraison et bien entendu marchands. Si, en Chine, le système de paiement roi est Alipay (la plateforme maison), rien ne semble encore vraiment émerger à l’international. Mais nul doute que pour percer plus rapidement à l’international, Alibaba devra s’adapter aux habitudes de paiements des consommateurs locaux – sans même parler des problématiques de législation des achats.

Quand à la logistique résultante de cette foire commerciale, elle est sans commune mesure. Jugez plutôt : la poste chinoise estime qu’en un seul jour, le 11.11 devrait générer environ 760 millions de colis envoyés dans le monde. Soit une croissance attendue de plus de 40 % par rapport à l’année dernière. Quand à la logistique – coordonnée par Cainiao, la filiale maison – ce ne sont pas moins de 3 000 sociétés logistiques qui seront coordonnées avec des métriques impressionnantes : 1,7 millions d’employés, 400 000 véhicules, 5 000 entrepôts et près de 200 avions seront requis pour livrer les commandes de cette seule foire commerciale. Et à l’international, la filiale du géant chinois évoque déjà 49 partenaires logistiques internationaux et 74 entrepôts pour les 4 millions de commandes quotidiennes qu’elle attend sur la période de livraison…

Le phénomène s’installe donc pour durer. Mais si le consommateur peut être gagnant en termes d’offres et de prix, l’offre sera pour l’instant fortement chinoise. Avec une vraie question à la clé : comment les marchands, constructeurs, fabricants et autres distributeurs français et internationaux pourront-ils profiter de la manne de cet évènement ? Une question un peu plus large que celle d’une éventuelle présence en Chine, via les places de marché d’Alibaba, et qu’il faudra résoudre pour ne pas laisser échapper un évènement dont nul ne sait prédire l’ampleur et la croissance dans les années à venir…