Stan Laurent (Photobox) "La personnalisation, ça marche... à condition de pouvoir l'industrialiser"

Le PDG de Photobox explique comment son modèle très intégré, son incessante extension de gamme et son internationalisation progressive ont fait du groupe le leader européen de l'e-commerce personnalisé.

JDN. Photobox a annoncé en octobre son rachat par deux fonds britanniques pour 545 millions d'euros, opération qui sera bouclée d'ici janvier. Qu'est-ce que cela change pour vous ?

Stan Laurent, PDG de Photobox © S. de P. Photobox

Stan Laurent. Il s'agit d'abord d'une transaction significative dans le Web européen. Nous en sommes donc fiers, car elle marque le succès de Photobox dans l'univers de la photo et de la personnalisation. Devenir le leader européen était notre ambition depuis un bon moment. Le renouvellement de notre actionnariat va nous permettre de poursuivre notre histoire.

Pour ce qui concerne notre stratégie, nos nouveaux actionnaires pensent comme nous que nous devons rester focalisés sur nos principaux piliers de croissance. D'une part l'extension de notre offre, au travers du lancement de nouveaux produits et du développement de nos plateformes, sur le mobile en particulier. D'autre part notre expansion géographique puisque, française au départ, la société s'est beaucoup internationalisée depuis 10 ans. Nous travaillons ces deux axes aussi bien de manière organique que sous forme d'acquisitions.

 

Comment avance l'élargissement de votre gamme de produits ?

A l'origine nous ne proposions que le tirage photo. Peu à peu, nous sommes devenus un one-stop-shop pour tous les produits photos. Et nous continuons à innover. Par exemple avec des albums photo en argentique, imprimés sur du vrai papier photo. Ou encore, au-delà de la photo, via des acquisitions telles que celle de Moonpig, leader des cartes de vœux au Royaume-Uni, de StickyGram, start-up londonienne qui transforme des clichés Instagram en aimants, et de l'Allemand PosterXXL, spécialiste du grand format et de la décoration murale au sens large.

Par exemple, ce dernier segment a pris beaucoup d'essor ces dernières années. C'est donc un vrai vecteur de croissance pour nous, puisqu'avoir racheté PosterXXL nous permet à la fois de nous développer en Allemagne et de compléter notre offre. Nous faisons aussi un peu de licences, comme avec Pantone, pour toucher les clients attirés par le design. Nous réalisons des tirages photos à l'ancienne. Et depuis peu des coussins personnalisés, qui marchent très bien. Nous croyons beaucoup à cette extension de gamme. Nous allons donc continuer à innover pour notre clientèle actuelle et à nous développer sur de nouveaux environnements pour aller chercher de nouveaux clients.

 

Y compris sur des segments aussi étroits que l'impression de photos Instagram sur des aimants ?

StickyGram, depuis rebaptisé Sticky9, cible en effet une clientèle très particulière, très mobile. Cependant, elle a l'avantage d'être différente de notre cœur de cible. Nous allons donc continuer ce travail-là. En l'occurrence, nous avons conservé le positionnement de Sticky9 et sa spécificité, mais nous avons élargi les sources de photos utilisables au-delà d'Instagram ainsi que la gamme de produits proposés pour l'impression. En outre, nous nous en servons de laboratoire pour tester de nouveaux produits.

 

"L'Europe continentale rattrape son retard sur le mobile"

Où en êtes-vous sur le mobile ?

Ces dernières années, nous avons beaucoup travaillé notre stratégie de distribution mobile. Photobox, Moonpig et PosterXXL disposent à la fois d'un site mobile et d'une application. Nous allons maintenant accélérer la présence sur ce canal de nos autres services.

Jusqu'à il y a six mois, le mobile était un phénomène très britannique. Le Royaume-Uni est d'ailleurs plutôt plus avancé que les Etats-Unis en matière de m-commerce. Mais l'Europe continentale, dont la part des ventes sur mobile était jusqu'ici moitié moindre qu'outre-Manche, chez nous, commence à rattraper ce déficit de clients mobiles. Pour la première fois, avec Photobox, ils ont accès à un écosystème mobile simple. Bien souvent, leurs photos sont déjà sur leur smartphone. Ils n'ont donc plus à les transférer sur leur ordinateur puis à les envoyer dans le cloud. Cette simplification de l'expérience utilisateur constitue une proposition de valeur très forte et donc une réelle opportunité pour nous.

 

Depuis deux ou trois ans, le milieu de l'e-commerce entrevoit dans la personnalisation des produits un potentiel fabuleux. Pourtant, à part chez Photobox, les ventes ne corroborent que très rarement les initiatives des marchands et des marques. Comment l'expliquez-vous ?

Il faut garder les pieds sur terre. La personnalisation, ça marche, à condition qu'on puisse l'industrialiser. Alors, le côté émotionnel apporte beaucoup, car nous développons avec nos clients une relation de service. Nous ne leur vendons pas un article, nous leur permettons de le fabriquer. C'est très puissant. Mais cela doit rester abordable pour eux. Or lorsque vous comparez le coût d'une unité personnalisée dans un magasin avec des produits fabriqués par centaines de milliers en Chine, le rapport est brutal. Si Photobox parvient à adresser le marché grand public, c'est parce qu'en industrialisant la personnalisation, nos prix restent accessibles. C'est d'ailleurs bien pour maîtriser les coûts que nous sommes intégrés verticalement et que notre production est assez centralisée.

 

Quelle est la part de l'international dans vos ventes ?

La croissance internationale a beaucoup contribué au développement de notre activité. Au début, Photoways était 100% française et réalisait toutes ses ventes dans l'Hexagone. Elle a racheté et pris le nom du Britannique Photobox en 2006 et n'a plus cessé de s'internationaliser. De façon organique en lançant la marque Photobox à la conquête de l'Europe de l'Ouest, de l'Australie et du Canada. Et via des acquisitions en Espagne, en Allemagne et au Royaume-Uni. Aujourd'hui, nous enregistrons hors de France environ les trois quarts de notre chiffre d'affaires. Celui-ci s'élève à 375,9 millions d'euros, sur une base pro forma sur 12 mois s'achevant en septembre 2015, qui intègre nos acquisitions récentes. Autrement dit, sur le marché de la personnalisation BtoC, nous sommes quatre ou cinq fois plus gros que nos concurrents les plus proches.

"Le potentiel de la photo reste important"

Or malgré notre avance sur le segment de la photo, le potentiel demeure important. Le marché total des produits photos s'élevait selon FutureSource à 3 milliards d'euros en 2014, dont plus de la moitié sur Internet. En excluant nos activités qui ne relèvent pas de la photo, comme Moonpig, nous estimons entre 15% et 20% notre part du marché de la photo en ligne. Nous pouvons encore la faire croître.

 

Prévoyez-vous de poursuivre vos acquisitions à un rythme aussi effréné qu'en 2014 et 2015?

Aucune acquisition n'est prévue dans les 6 à 12 mois à venir, car nous avons un gros travail d'intégration à réaliser. Nous allons donc prendre le temps de réussir cette consolidation. Mais oui, à terme, compte tenu de notre taille, de notre richesse d'actifs et de la force de notre marque, nous saurons saisir d'autres opportunités.

 

Stan Laurent est le PDG du groupe Photobox. Diplômé de l'ESCP Europe et titulaire d'un MBA de la Harvard Business School, il débute sa carrière à Berlin en 1991 dans une agence allemande de privatisation. En 1995 il est nommé directeur de la stratégie, des finances et des opérations d'AOL France. En 1998 il s'installe à Londres et devient le vice-président senior en charges des ventes, du marketing et du développement stratégique de la start-up britannique QXL, plus tard rebaptisée Tradus.com, qu'il introduit en bourse. En 2002 il réintègre AOL en tant que vice-président exécutif et directeur général pour l'Allemagne. Puis est nommé directeur opérationnel d'AOL Europe en 2006. Cinq mois plus tard, il quitte le groupe et devient PDG du groupe Photobox, au moment où Photoways acquiert Photobox et en prend le nom.