Évolutions et impacts sur l’économie du e-commerce africain

Si 2017 est l'année 1 du e-commerce en Afrique, l'histoire est en encore à écrire dans les années à venir. Notamment, il faut considerer que l'essor du e-commerce va impacter l'ensemble de l'économie.

    

L’essor continu de la data mobile

Pour se développer, les plateformes d’e-commerce ont besoin de pouvoir élargir au maximum leur audience et de donner le moyen aux utilisateurs de prolonger leur temps moyen de visite. L’enjeu est donc celui de la réduction du coût de la data mobile nécessaire associé au temps passé sur le site. Il est probable qu’on assiste à une augmentation des pratiques de subventionnement de cet accès data, que celui-ci soit in fine offert par l’acteur e-commerce ou par l’opérateur. MTN et Jumia ont déjà lancé une telle initiative au Nigeria entre août 2015 et janvier 2016 en ne décomptant pas la data consommée pour accéder au site de Jumia, comme expliqué précédemment. Jumia, de par ses relations proches avec MTN, Tigo et Orange, est en position de répliquer l’initiative dans de nombreux pays. Ces pratiques de couplage des accès Internet et du service d’e-commerce sont bien entendu soumises aux problématiques de neutralité du Net, d’une part, et d’équité concurrentielle, d’autre part. Leur futur dépendra donc également des orientations qui seront prises par les régulateurs et autorités de la concurrence. Ces orientations définiront les modèles de monétisation de la data et impacteront non seulement les acteurs de l’e-commerce mais aussi l’ensemble des acteurs de l’Internet.

L’importance de l’audience générée par les e-commerçants leur donnera un poids de taille dans ces discussions. Quelle qu’en soit l’issue, l’ensemble des acteurs économiques ont intérêt à trouver des modèles fournissant à l’utilisateur un accès à coût réduit, condition nécessaire à un développement accéléré du volume de transaction e-commerce.

 

Le retail physique et le e-commerce, deux modèles complémentaires

L’e-commerce s’implante en Afrique dans un marché marqué par la dominance du marché informel, traditionnel. Or, l’e-commerce est très complémentaire du commerce formel physique (le showroom de Cdiscount au Sénégal générait 50 % du chiffre d’affaires du site). Le développement du commerce formel physique est de ce fait corrélé avec celui de l’e-commerce.

Au-delà de cette corrélation naturelle, l’e-commerce va également permettre de développer des canaux d’approvisionnement et/ou de distribution et ainsi favoriser l’implantation de commerces physiques : centre commerciaux, supermarchés, soit via de nouveaux acteurs utilisant ces canaux, soit par des acteurs déjà présents en Europe.

La pénétration de l’e-commerce au sein de la population va également avoir pour conséquence de changer les habitudes d’achat des consommateurs en les familiarisant aux bénéfices de circuits plus formels. Le référentiel de qualité va également évoluer avec les produits de l’e-commerce et c’est toute la culture de l’achat qui risque d’être petit à petit modifiée via l’e-commerce.

 

Le développement de services logistiques bénéficiant à l’ensemble des secteurs économiques

La faiblesse des infrastructures logistiques reste le principal point de difficulté, comme nous avons eu l’occasion de l’évoquer précédemment. Le développement des flux d’approvisionnements et d’imports internationaux va bénéficier globalement à l’ensemble du commerce du pays.

L’e-commerce devrait par ailleurs être un vecteur de développement majeur des services permettant de livrer le client à son domicile : la logistique du dernier kilomètre. Ce développement s’effectuera sous l’impulsion directe de grands groupes internationaux comme le fait AIG au travers de sa filiale AIG Express. Il s’effectuera également via la création d’une multitude de sociétés locales fournissant cette logistique du dernier kilomètre, en réponse à la demande de nombreux e-commerçants. Le cercle vertueux renforçant la qualité des infrastructures locales devrait être ainsi être amorcé.

 

Du e-commerce des produits au e-commerce des services

L’e-commerce dans les pays africains vient en premier lieu répondre à un déficit de la mise à disposition de produits par rapport à la demande. Il est donc aujourd’hui centré sur des biens de consommation courants et sur des produits difficiles à trouver tels que les produits high-tech.

Il y a fort à parier qu’il ne s’agit que d’une première étape de l’e-commerce qui va progressivement s’élargir à un e-commerce proposant non seulement des produits, mais également une multitude de services. De même que l’e-commerce des produits pourrait griller la politesse aux grands centres commerciaux physiques en se développant beaucoup plus rapidement, l’e-commerce des services pourrait proposer des offres qui, dans de nombreux pays africains, n’ont pas encore été développées dans des agences physiques. L’exemple des services de voyages en ligne précédant le développement d’agences de voyages telles que nous les avons connues en Europe est un exemple emblématique parmi tant d’autres.

L’e-commerce en Afrique vient répondre à une demande en produits supérieure à l’offre actuellement proposée sur le continent. Son développement semble donc structurel. Il devrait se poursuivre sur le long terme et impacter fortement le développement du commerce et de l’économie locale.

Si le développement des services d’e-commerce a dû résoudre de nombreuses problématiques, les limitations sont progressivement levées et tous les ingrédients semblent aujourd’hui réunis pour une croissance soutenue de l’activité dans les années à venir. Les infrastructures logistiques locales restent le principal point de difficulté. Le développement de ces infrastructures est soutenu par l’essor de l’e-commerce et il y a toutes les raisons de penser que les conditions d’un cercle vertueux sont là aussi réunies.

L’Afrique a historiquement toujours été un continent au cœur des échanges commerciaux, que ce soit en lien direct avec chacun des autres continents ou à la croisée des échanges entre l’Europe et l’Asie. Les grands ports par lesquels transitent le commerce maritime international et le canal de Suez continuent à jouer des rôles majeurs dans ces échanges commerciaux.

Le développement de l’e-commerce en Afrique fournit un nouveau canal de distribution de tous types de biens, locaux et internationaux. Il répond à des besoins exprimés par la population et à des enjeux majeurs pour les grands groupes internationaux. La capacité de ces derniers à distribuer leurs produits et services sur le continent africain a longtemps représenté un fort challenge. Il s’agit maintenant d’un objectif clé. La croissance soutenue de la demande sur le continent africain va continuer à accroître cet enjeu. L’essor de l’e-commerce va ainsi contribuer à rendre à l’Afrique son statut de continent central du commerce.

 

Jean-Michel Huet, associé BearingPoint, Olivier Darondel, manager, Sarah Calvados et Simon Dabadie, consultants