Morgan Hermand-Waiche (Adore Me) "Aujourd'hui, nous vendons plus qu'Aubade ou Chantelle aux Etats-Unis"

En cinq ans, cette start-up française installée aux US a atteint les 84 millions de CA grâce à la vente de lingerie en ligne. Le fondateur et CEO explique les dessous de son succès.

En 2014, vous nous expliquiez avoir pour objectif d'atteindre 100 millions d'euros de chiffres d'affaires en 2017. Allez-vous y parvenir ?

Morgan Hermand-Waiche a créé Adore Me en 2011 © Adore Me

Nous avons une croissance exponentielle. Adore Me a énormément grandi depuis 2014 : les revenus ont été multipliés par plus de cinq passant de 15,5 millions en 2014 à 84 millions de dollars en 2016. Et nous sommes effectivement en route pour atteindre les 100 millions de dollars cette année. Aujourd'hui, nous vendons plus qu'Aubade ou Chantelle aux Etats-unis. Nous disposons d'un assortiment de près de 1 000 produits différents. Nous investirons 50 millions de dollars en publicité cette année.

Vous êtes passés d'un modèle économique basé uniquement sur l'abonnement à une offre mêlant vente au détail et abonnement. Pourquoi ?

Le système d'abonnement à 40 dollars par mois que nous proposons permet au client d'acheter des produits à des tarifs préférentiels, avec la possibilité de sauter un mois s'il le souhaite. Mais en grandissant, on a touché le public plus âgé des 35 ans et plus, qui veut commander à la carte. Le nombre de nos abonnés ne représente plus l'essentiel pour nous, car aujourd'hui près de la moitié de nos clients commandent à la carte. C'est une nouveauté depuis 2016.

Vous êtes rentable depuis quand ? 

Nous ne communiquons pas cette information. Mais on ne perd pas d'argent. Nous pilotons la société en réinvestissant tous nos gains.

Avez-vous des ambitions internationales ?

On garde ce projet pour plus tard. Cela va bien finir par arriver en jour, mais pas en 2017. On pourrait passer par une levée de fonds, c'est une possibilité…

Avez-vous une stratégie multicanale ?

Oui, par exemple au niveau de la publicité. En ligne, nous passons par les réseaux sociaux et les moteurs de recherche. Puis par la télévision et la radio. Nous investissons également dans la rue, les taxis et les métros. En termes de distribution, 50 % de nos ventes passent par le site en ligne. En parallèle, nous avons commencé à vendre dans des grands magasins, tels Nordstrom, l'équivalent des Galeries Lafayette aux Etats-Unis, et Lord&Taylor aux Etats-Unis ou Hudson's Bay au Canada.

Votre credo, "sexy at any size", est-il le secret de votre réussite ?

Notre mission à Adore Me est de fournir de la lingerie de qualité à tout le monde, à toutes les tailles, pour tous les goûts et toutes les bourses. Notre ambition est de donner le choix aux acheteurs. Alors que 67 % des femmes aux Etats-Unis portent une taille 46 ou plus, les marques de lingeries n'offrent rien au-dessus de la taille 42. Adore Me est la première marque à s'ouvrir à toutes les femmes.  Cela n'existe pas en France non plus. Même Etam n'offre que 50 à 60 % des tailles que l'on propose. Car créer des lingeries de tailles diverses, est très complexe…

Quels sont les autres différenciateurs qui vous ont amené au succès ?

Un autre grand différenciateur est le prix. On est deux fois moins cher que Victoria's Secret. Par ailleurs, Adore Me est fast fashion, c'est-à-dire que nous offrons de nouvelles collections de 40 à 60 modèles tous les mois. Les autres marques de lingerie ne lancent des nouvelles collections que 4 fois par an. Finalement, Adore Me remet en cause le statut quo de manière permanente : nous sommes en ligne, nous proposons toutes les tailles, tous les styles et à des prix imbattable. On a tout fait à l'envers !

Vous produisez vous-même ?

Aucune entreprise de lingerie aujourd'hui ne fabrique elle-même. Depuis une trentaine d'année, le plus gros de la lingerie est fabriqué en Asie, car cela nécessite un savoir-faire complexe et du volume. Nous produisons aussi en Asie, mais tout le design est fait à New York.

Vous vivez depuis 9 ans aux Etats-Unis. Quel regard portez-vous sur l'élection d'Emmanuel Macron ? Qu'en attendez-vous ?

J'avais rencontré Emmanuel Macron à un petit-déjeuner à New York pendant la campagne. Ce que j'attends de lui, c'est qu'il remette l'entrepreneuriat au cœur de la France et qu'il s'entoure de bons entrepreneurs, car personne à part eux ne peuvent mieux parler des difficultés de créer une boîte. Pourquoi ne pas réaliser une sorte de panel d'entrepreneurs pour réfléchir ensemble  Je le rejoindrais avec plaisir pour ramener ce qu'il y a de meilleur des Etats-Unis.