Julien Nicolas (e-voyageurs SNCF) "46% des ventes Oui.sncf provenaient du mobile cet été contre 30% un an plus tôt"

Le directeur général adjoint d'e-voyageurs SNCF précise la stratégie du groupe sur mobile et évoque les futurs bouleversements tels que la réforme ferroviaire et la loi mobilité.

JDN. Que représente la part du mobile dans la stratégie de OUI.sncf ?

Julien Nicolas, directeur général adjoint de Oui.sncf. © e-voyageurs SNCF

Julien Nicolas. Le 3 octobre, jour de l'ouverture des billets pour les vacances de Noël, 2 ventes sur 3 ont été réalisées depuis un mobile. Les clients désireux d'obtenir leur billet à prix intéressants ont acheté ce jour-là en mobilité, sur le chemin du travail, directement sur l'application OUI.sncf. Cette tendance s'inscrit dans une dynamique que nous observons depuis un moment. Notre audience sur le mobile représente environ 60% à 70% mais la part d'achat reste encore importante depuis un ordinateur. Cet été, nous avons observé que 46% des ventes provenaient du mobile contre 30% un an plus tôt.

OUI.sncf et l'Assistant SNCF sont deux applications destinées à la vente de billets de trains.  Pourquoi ne pas les fusionner ? 

L'application OUI.sncf a été téléchargée près de 20 millions de fois contre 13,6 millions pour l'Assistant SNCF. Lorsqu'on observe ces deux applications, OUI.sncf est sollicité pour les usages propres aux trajets longues distances, à savoir le TGV, Ouigo et le bus. L'Assistant SNCF est davantage pensé pour un usage du quotidien, type TER, Transilien. Pour ne pas complexifier les usages, nous conservons ces deux applications et développons le MaaS, un service de transport multimodal sur l'Assistant SNCF, l'application du quotidien.

Dans quelle mesure OUI.sncf et l'Assistant SNCF sont-elles complémentaires ?

Actuellement, les usages sont bien distincts, mais la complémentarité existe. Par exemple, les billets de TER peuvent être achetés à la fois sur l'Assistant SNCF et sur OUI.sncf. Nous souhaitons mailler les deux applications en intégrant des liens dans la partie post-voyage. Le but est de permettre un basculement sur l'Assistant SNCF pour trouver des activités locales ou des informations propres aux voyageurs. De même, si un voyageur effectue une recherche d'itinéraire Paris-Marseille sur l'Assistant SNCF, celui-ci basculera sur OUI.sncf dans le cas où l'offre OuiGo l'intéresse, par exemple. La plupart de nos clients disposent des deux applications et les bascules sont très simples.

Vous revendiquez la position de premier site e-commerce français. Or, vous exploitez un monopole de ventes de transport, soit du service, face à des concurrents qui vendent des biens et qui développent une stratégie logistique. Est-ce bien comparable ?

Oui, et ce pour plusieurs raisons. Tout d'abord, nous sommes le premier site e-commerce français en termes de volume d'affaires. Tous les acteurs du e-commerce font face à de vraies problématiques et sont confrontés à des challenges spécifiques. Nous ne connaissons pas la supply chain et la logistique mais nous sommes à la fois omnicanal et multicanal. C'est-à-dire que lorsque vous achetez sur notre site, vous pouvez retirer votre billet en borne libre-service, mais aussi l'échanger dans un guichet. Votre ticket vous permet également d'ouvrir l'accès au quai. Un contrôleur peut scanner votre billet pour vous identifier. Cette dimension multicanale est très complexe à gérer. Par ailleurs, nous gérons un nombre impressionnant de flux. Sur la partie paiement, aucun autre e-commerçant ne génère autant de transactions que nous. A l'ouverture des ventes de Noël, nous vendons 40 billets par seconde et nous remplissons un TGV en 20 secondes. Autrement dit, le défi technologique est réel. Certes, nous distribuons une offre issue d'un monopole d'Etat mais nous nous sommes toujours battus en faveur de la multimodalité. Nous n'avons pas besoin de camions pour la livraison mais nos enjeux sur la fraude sont beaucoup plus importants. Quand Amazon dispose de quelques heures avant d'envoyer ou non le produit selon son état, la réception du billet par le client est instantanée, d'où le challenge de notre business.

Comment préparez-vous l'ouverture à la concurrence prévue l'année prochaine dans le cadre de la réforme ferroviaire ?

Cela s'anticipe, mais nos volumes d'affaires sont rassurants. OUI.sncf, le retail du train, dépasse les 4 milliards d'euros de vente de billets de train. Nous devons encore muscler nos résultats car notre secteur va considérablement évoluer. Notre connaissance concernant les habitudes de nos clients nous a permis de mieux développer nos offres, d'analyser la demande sur telle ou telle destination, de cibler au mieux notre stratégie de tarification, et d'étudier l'évolution des comportements. 

La loi mobilité prévoit l'accès aux données de transport concernant la billettique. Comment ces nouveautés bouleverseront votre stratégie ?

Nous aurons accès à de nouvelles data, nous pourrons vendre des prestations sans forcément nouer des accords. En réalité, nous sommes très à l'aise sur ce point. Etant e-commerçant et issu du digital, nous sommes naturellement favorables à un écosystème ouvert. Plus l'écosystème est ouvert, plus nous proposerons des services pertinents aux clients. Nous considérons cette avancée comme une opportunité afin d'agréger plus de services et proposer davantage de solutions. Nous prônons une démarche ouverte à condition de favoriser également l'intégration du paiement. Il existe par ailleurs d'autres distributeurs de trains, mais nous misons sur une bonne expérience client. La concurrence est saine, car elle apporte de l'innovation. Nous faisons aussi le pari de miser sur le marché de la mobilité qui est en croissance.