Comment les DNVB réussissent à vendre plus cher que leurs concurrents

Comment les DNVB réussissent à vendre plus cher que leurs concurrents Positionnées sur des segments de niche, les digitally native vertical brands parviennent à vendre des produits aux prix bien supérieurs que les marketplaces et marques traditionnelles.

"Bon rapport qualité-prix", "prix juste", sont des expressions familières aux consommateurs en quête de bonnes affaires. Et d'une marketplace à l'autre, le montant d'un même produit peut varier du simple au double, promotions oblige. Cette tendance qui a connu son apogée dans les années 2010, a également permis au business model des DNVB de voir le jour.

"Les prix fluctuent toute l'année et surtout, on assiste à une inadéquation entre des marques qui survalorisent les produits, en vendant un branding plus qu'une qualité. Dans cette logique d'hyper consommation, le prix ne signifie plus rien, déplore Geoffrey Bruyère, fondateur de BonneGueule, une communauté sur la mode masculine de 5 millions de visiteurs uniques par mois. La première vague des DNVB est née dans ce contexte. Parmi elles : Le Slip Français, Tediber ou encore Gemmyo. Elles ont construit leur croissance autour de la frustration des consommateurs en martelant un discours différent, celui du prix juste."

Expliquer le prix

D'après Geoffrey Bruyère, les promotions qui visent la mise en avant d'un produit saisonnier, par exemple, peuvent être légitimes, mais d'une manière générale le prix juste ne peut être bradé. Le risque ? Manquer de visibilité auprès du consommateur. "Le prix doit être le même pour tout le monde, et surtout, doit être accompagné d'une explication du produit. Chez Bonne Gueule, nous faisons des reportages vidéos dans nos usines afin d'être auditable par les consommateurs. Ils prennent ainsi conscience que nos vêtements sont fabriqués à la force du labeur et de la sueur. On joue la carte de l'hyper transparence pour prouver que nous ne vendons pas les mêmes produits que nos concurrents et confirmer notre positionnement en matière de prix juste", détaille le fondateur de la marque créée en 2014, sept ans après le blog mode.

Surpris de ne jamais lire aucune information précise sur les vêtements, Geoffrey Bruyère et ses camarades blogueurs ont imaginé l'e-shop de BonneGueule à contre-courant. Traçabilité de la fibre jusqu'à la distribution, en passant par le grammage et le poids, les articles connaissent tous leur lot d'annotations. "Nous éduquons le marché grâce à nos conseillers de vente qui ne sont pas objectivés au chiffre d'affaires mais à la satisfaction client, précise Geoffrey Bruyère. Nos produits en laine sont fabriqués à l'aide d'un plastron et grâce à l'expertise d'un tailleur qui assemble toutes les couches internes du vêtement, conçues en crin de cheval. Notre laine provient d'une entreprise du patrimoine vivant, installée dans le Tarn depuis 155 ans. Cette collaboration nous coûte mais garantit la qualité de nos vêtements dans le temps. Ce sont des produits de luxe mais vendus 30% moins cher que des marques comme Sandro ou The Kooples."

Défendre la qualité

"Même s'il est difficile de généraliser, la plupart des DNVB s'adressent à des marchés premiums et s'attachent à vendre des produits correspondants. Elles privilégient les matières premières, la qualité, mais aussi des attentions comme les retours gratuits qui rendront l'expérience plus premium qu'une marque classique", explique pour sa part Pauline Laigneau, fondatrice de Gemmyo, joailler digital mais aussi physique à travers trois boutiques (Paris, Lyon, Toulouse). Or, platine ou encore saphir, la marque créée fin 2011, défend la qualité de ses produits. "Personne ne dit que les DNVB ne sont pas chères. Chez Gemmyo, notre panier moyen est de 1 000 euros. Mais si l'on compare nos produits à ceux de nos concurrents en termes d'or blanc, nombre de carats et fabrication française, nous estimons que nos prix sont 20, 30 voire 50% moins cher pour la même qualité. Nous travaillons avec des ateliers qui collaborent avec des grandes maisons de la place Vendôme, et ces derniers nous affirment très honnêtement que nos exigences de qualité, par rapport à la concurrence et par rapport à nos prix, sont supérieures", ajoute Pauline Laigneau.

Pourquoi donc ? En vendant ses bijoux sur Internet, Gemmyo s'expose à une mauvaise publicité en cas de raté. Le contrôle qualité doit être extrêmement rigoureux. "En tant que DNVB, on ne souhaite pas faire payer le prix de la marque mais proposer la meilleure qualité possible à travers une expérience qui nous ressemble, poursuit la fondatrice. Sur les markeplaces, les bijoux sont souvent plus fantaisistes, made in China ou autre, et la qualité de la finition est variable. Or, les clients ne s'y rendent pas pour les mêmes raisons. Ils sont en quête du produit le moins cher possible. Nous essayons toujours d'étonner le client par le prix que nous proposons, d'autant plus en joaillerie."

Justifier ses marges

Presque naturellement, la question du prix juste amène celle des marges. En maîtrisant leur canal de distribution, les DNVB économisent évidemment le coût du distributeur. Selon Pauline Laigneau, "une DNVB pratique généralement des marges de x3 ou x4. Quand vous travaillez avec Le Bon Marché ou Les Galeries Lafayette, les commissions sur le prix de vente avoisinent 40%. Autrement dit, si un marchand achète un vêtement 50 euros HT et le revend 100 euros TTC, et que l'on retire la commission du distributeur de 40 euros, le marchand se retrouve déficitaire une fois la TVA décomptée. Mais sans distributeur, il réaliserait une marge de x2. Les DNVB sont donc arrivées sur le marché avec un modèle beaucoup plus performant. Elles développent leur propre canal sur des secteurs de niche et s'extraient ainsi d'une certaine concurrence". Reste ensuite à trouver les clients.