Social shopping : quel retour business pour les marques ?

Social shopping : quel retour business pour les marques ? Véritables vitrines d'exposition, les réseaux sociaux élargissent ces dernières années leur fonction marketing aux enjeux e-commerce. Avec des promesses fortes mais des résultats mitigés.

Si l'on en croit l'étude d'Accenture publiée en janvier, le social commerce représente une manne financière non négligeable, estimée à 1 200 milliards de dollars dans le monde à horizon 2025, contre 492 milliards de dollars en 2021. Facebook Shops, Instagram Shopping, Tik Tok Shopping ou encore Pinterest Shopping incarnent la dimension e-commerce que revêt désormais les réseaux sociaux. A ce propos, l'étude de YouGov réalisée du 5 au 6 janvier 2022, révèle que les consommateurs plébiscitent d'abord Facebook (73%), Instagram (26%) puis Snapchat (11%) pour effectuer des achats via les réseaux sociaux. Toutefois, impossible pour l'heure de conclure une transaction directement sur le réseau social : une fois le produit repéré, le client bascule sur le site marchand de la marque. D'après YouGov, les publicités et contenus sponsorisés sur les réseaux sociaux incitent 67% des Français à consulter le site internet d'une marque. Une statistique favorable pour le trafic des sites marchands, et potentiellement pour leur business. 

Un tracking opaque

En 2016, la marque de sacs et accessoires à partir de matières recyclées et upcyclées Rive droite Paris a lancé son activité en même temps que son compte Instagram. Deux ans avant l'arrivée de la fonctionnalité shopping sur le réseau social, Rive droite Paris a souhaité créer un lien direct avec les consommateurs. "Au départ, Instagram était d'abord un canal d'échange pour connaître les premiers retours des clients et éprouver notre modèle économique", souligne Aurélie Jansem, cofondatrice de la marque. Depuis plus de deux ans, Rive droite Paris dispose de sa boutique sur Instagram Shopping et investit dans l'acquisition payante. "C'est une vitrine supplémentaire qui offre, en un clin d'œil, le panel des prix de nos produits, poursuit Aurélie Jansem. Les consommateurs peuvent ainsi positionner notre marque qui inspire souvent des idées cadeaux et découvrir la vision complète de notre catalogue."

Cependant, la marque peine à déterminer les transactions issues du social shopping. "Entre les mises à jour régulières d'iOS et l'opacité de l'attribution des algorithmes, nous n'avons pas de visibilité sur le tracking précis des réseaux sociaux sur notre e-shop", explique la co-fondatrice. D'où l'adoption d'une stratégie omnicanale et la multiplication des canaux de vente en retail, wholesale et sur les marketplaces pour favoriser l'équilibre du business. Rive droite Paris réfléchit actuellement à reconstituer la provenance de son trafic, en se rapprochant d'entreprises spécialisées.

Mais  pas question pour autant d'abandonner sa boutique Instagram, même si ce canal se positionne loin derrière le trafic direct et le SEO. "La désirabilité de notre marque sur les réseaux sociaux ne se mesure pas, de même que le contenu que nous publions et les opérations menées, justifie Aurélie Jansem. Au global, notre chiffre d'affaires se construit également grâce au social shopping. Malgré les défauts d'Instagram, c'est un simplificateur de business et un lien incroyable avec notre communauté." 

L'IA pour favoriser le commerce de découverte

D'après les données du groupe Meta, Facebook Shops et Instagram Shopping cumulent 1,2 million de boutiques et plus de 300 millions de visiteurs se rendent sur celles-ci chaque année dans le monde. Des volumes conséquents qui témoignent des nouvelles tendances de consommation sur les réseaux sociaux. "On s'inscrit dans l'accompagnement du commerce pour nos partenaires depuis toujours et nous savons que les réseaux sociaux constituent l'endroit idéal où les consommateurs découvrent des marques, abonde Florence Trouche, directrice commerciale France chez Meta. Les réseaux sociaux font partie intégrante du business des entreprises." Le mastodonte du social shopping prône un commerce de la découverte où les spécificités des produits sont mises à l'honneur par l'image ou le format vidéo Reels sur Instagram. De quoi garantir une expérience client fluide jusqu'à l'acte d'achat. 

"A l'instar de la recommandation sur Netflix, nous fonctionnons de la même manière chez Meta. Nous proposons des contenus et des marques sur la base de notre outil de recommandation, explique Florence Trouche. Quelle que soit la marque, celle-ci sera donc au contact de consommateurs qui ressemblent à son ADN." Si la beauté figure parmi les catégories les plus représentées sur les plateformes de social shopping du groupe Meta, la directrice commerciale France assure que d'autres secteurs comme l'automobile ne sont pas en reste.  Meta ne communique pas de chiffres sur les ventes réalisées via ses réseaux sociaux. Selon Florence Trouche, les marques doivent continuer à investir dans la publicité personnalisée pour cibler les bons clients et par ailleurs améliorer leurs performances. "Bien sûr, c'est un processus continu d'apprentissage grâce à l'IA", remarque Florence Trouche. Un processus soumis aux aléas des algorithmes comme le rapporte Rive droite Paris. 

Un retour business limité en fonction du produit

De son côté, la marque d'oreillers, de couettes et linge de lit, Wopilo, créée en 2017, choisit une approche totalement digitale, grâce à son seul e-shop comme canal de vente. "Nous avons donc besoin de chercher nos clients là où ils se trouvent, sur Internet", explique Thomas Hervet, fondateur de Wopilo. La marque est très active sur le volet de l'influence via des codes promotions mais le fondateur évoque les difficultés, sur Instagram Shopping et Facebook Shops, d'appréhender toutes les caractéristiques d'un produit comme un oreiller. "Sur notre site, le panier d'achat dépasse facilement 100 euros, or sans passer par le contenu explicatif de notre e-shop, la découverte de nos produits sur un réseau social s'avère plutôt superficielle pour provoquer un achat", relève Thomas Hervet. Un constat en corrélation avec l'étude de YouGov qui note que 79% des Français achètent pour moins de 50 euros via les réseaux sociaux, soit 10 euros de moins que le panier moyen en e-commerce en France (Fevad). Seuls 2% affirment dépenser plus de 100 euros.

Le social shopping comporte donc des limites pour certaines catégories d'activités comme celle de Wopilo. Dès lors, quel est l'intérêt pour la marque de conserver ses boutiques Instagram et Facebook ? "Cela contribue à la réassurance et au sérieux de Wopilo", répond Thomas Hervet. En 2022, la marque envisage de s'orienter vers le live shopping, plus en adéquation avec son catalogue produits et moins opaque que le social shopping sur les retombées business.