Après La Redoute, la Camif dans la tempête

Deux jours après l'annonce par La Redoute d'un plan social massif, la Camif se déclare en cessation de paiement. En dehors du web, point de salut pour la VPC ? Retour sur un secteur en plein bouleversement.

Mardi 21 octobre, La Redoute annonçait son intention de supprimer 672 postes, soit plus de 13 % de ses effectifs, en fermant en particulier ses 81 points de contact physiques dans les 4 années à venir. Le plan de relance présenté en comité d'entreprise prévoit d'utiliser le web comme principal canal de vente et d'externaliser le traitement des commandes par courrier. La filiale de PPR aurait vu son chiffre d'affaires - 1,5 milliards d'euros en 2007 - reculer de 8 % depuis le début 2008 et enregistré une perte nette de 6 millions d'euros au premier semestre de cette année. Car l'entreprise a beau réaliser 54 % de son activité sur Internet, de ses propres dires, "le déclin de la vente par correspondance traditionnelle n'est pas suffisamment compensé par le développement du web".

Un phénomène qui a fait une nouvelle victime deux jours plus tard. Camif Particuliers, confrontée à de lourds problèmes de trésorerie, a en effet été contrainte de se mettre en cessation de paiement. La société, qui emploie 785 personnes, a enregistré en 2007 un résultat net négatif de -29 millions d'euros, pour un chiffre d'affaires de 372 millions d'euros réalisé à 30 % sur Internet. Sur les huit premiers mois de l'année 2008, ses pertes ont atteint 30 millions d'euros. Le 23 octobre toujours, face aux défauts de paiement de Camif Particuliers, le président de Camif SA Louis Mallet a pris la décision de placer aussi la holding en cessation de paiement.

Cet épisode clôt la longue descente aux enfers de la coopérative créée en 1947 par la Maif pour aider les sociétaires en situation difficile à se rééquiper, après la perte de leurs biens pendant la guerre. En 8 ans, Camif Particuliers a en effet connu quatre plans sociaux. Le premier, en 2001, supprime 200 postes. Le deuxième, en 2006, encore 200. En septembre 2007 est organisé un n-ième "sauvetage" : Camif SA apporte 50 millions d'euros et le fonds Osiris Partners 25 millions, en échange de 66 % du capital de la société. S'ensuit un plan social touchant 340 personnes. Mais fin juin 2008, la trésorerie se dégrade à nouveau. Une recapitalisation de 6 millions d'euros intervient en août, l'objectif annuel de chiffre d'affaires est ramené de 310 à 230 millions d'euros et un nouveau plan social supprime encore 370 postes, plus 140 à Camif SA.

Pour Jocelyne Baussant, déléguée FO à la Camif, une succession de mauvais choix stratégiques a conduit à la situation actuelle. "Il y a trois ans, il a été décidé d'attaquer le marché européen et de doubler le chiffre d'affaires. La somme des investissements faits dans ce sens nous ont fait perdre toute autonomie financière. Pour pallier le différentiel entre charges et chiffre d'affaires, il n'a plus été question ensuite que de réduire la voilure, donc les effectifs. Et puis cet été, le choix a été fait de recentrer notre activité sur le mobilier." Qui rapportait plus, certes, mais dont les ventes baissaient chez tous les VPCistes depuis le début de l'année. Exit donc l'informatique, la high-tech ou encore l'habillement, qui représentaient le quart du chiffre d'affaires de la Camif. "Sauf que les sociétaires n'achètent pas de l'ameublement tous les jours, surtout dans le contexte actuel." Mal accueilli, le catalogue paru en août génère des ventes particulièrement mauvaises en septembre.

Du côté du site marchand, la situation n'est pas bien meilleure. Car si sur un an, l'audience du site de La Redoute progresse d'environ 10 %, celle de Camif.fr ne parvient pas à décoller de 2 millions de visiteurs uniques par mois. Pendant ce temps, l'audience française du VPCiste allemand Quelle.fr fait plus que doubler, dépassant facilement le site de la Camif. Et l'audience du numéro 2 de la VPC, les 3 Suisses, augmentant d'un tiers, commence même à se rapprocher de celle de La Redoute.

Alors que le chiffre d'affaires de la vente par courrier ou par téléphone est en chute constante - 7,6 milliards d'euros en 2004, 6,1 milliards en 2007 -, le e-commerce affiche pour sa part une croissance de 30 % en 2008, totalisant 10 milliards d'euros de ventes en ligne au seul premier semestre, d'après la Fédération du e-commerce et de la vente à distance. Les déboires des VPCistes sont évidemment à rapprocher des succès d'Amazon, Cdiscount, Pixmania et autres Rue du Commerce. Il n'est plus besoin de le prouver : le salut de la VPC passe inéluctablement par Internet.

D'après Jocelyne Baussant, "même si la Camif a pris le virage du web avant La Redoute, il aurait sans doute fallu mettre plus de moyens et de compétences sur ce canal de vente." Et surtout les mettre plus tôt, puisque le nouveau Camif.fr, sorti dans le courant du mois d'août, a amélioré de 25 % le taux de transformation. (Lire +25 % de taux de transformation pour le nouveau Camif.fr, du 29/08/2008.) S'appuyant sur la solution AFS@store d'Antidot, Camif.fr avait de plus profondément amélioré son moteur de recherche et mis en place des outils de gestion des ventes additionnelles. Un budget de communication web venait enfin soutenir le site marchand du VPCiste.

Aujourd'hui, Jocelyne Baussant ne voit plus d'espoir. Les différentes pistes examinées pour procéder à la recapitalisation de la dernière chance n'ont rien donné. "La Maif nous a fermé sa porte il y a bien longtemps", regrette-t-elle, et les discussions avec deux groupes étrangers spécialisés dans la vente à distance, en vue d'une éventuelle augmentation de capital de 10 millions d'euros, n'ont pas abouti. "Désormais, conclut la syndicaliste, ce n'est plus un problème de stratégie, c'est un problème immédiat de fonds. Pourtant, les moyens existent : Niort, où est basée la Camif, est même la 4ème place financière de France. D'autre part, le gouvernement a mobilisé des fonds pour aider les entreprises en difficulté. Pourquoi ne serviraient-ils pas à la Camif, quand près de 1 000 emplois sont menacés ?"

Camif SA a proposé au tribunat de commerce de Niort un "plan d'équilibre pour 2009 et 2010". Verdict lundi 27 octobre.