La loi Chatel bouscule le monde de l'e-commerce "Pourquoi la loi Chatel n'est pas si belle"

Si l'on s'en tient aux grands principes, la loi est "l'expression de la volonté générale ". Les six derniers mois ont pu démontrer qu'en la matière, cela n'était pas toujours le cas. La Loi Chatel en est, en matière d'économie numérique, un très bon exemple. De nombreuses dispositions ont été adoptées, souvent en l'absence de réelles discussions parlementaires, afin de renforcer les obligations pesant sur les divers acteurs de l'internet, du fournisseur d'accès au cyber-marchand.

Hotline gratuite, durée du contrat, coût des appels vers les services de renseignement téléphonique, information du consommateur ou modalités d'exercice du droit de rétractation sont autant de sujets qui ont été réformés. Si sur le fond, ces dispositions sont susceptibles d'être interprétées de diverses manières, sur la forme une critique demeure : celle de l'absence de concertation préalable.

En effet, à aucun moment le Gouvernement n'a procédé à une réelle présentation des mesures envisagées auprès des professionnels du secteur. Aucun échange n'a pu être engagé, préalablement à la discussion parlementaire, entre l'ensemble des parties prenantes. Si l'on ajoute le choix du gouvernement en faveur d'une procédure d'urgence, la prise en compte de cette " volonté générale " n'a jamais pu se faire.

L'aurait-il fallu ? On ne peut que pousser en ce sens. L'économie numérique n'est pas seulement bâtie sur les poids lourds du secteur. A côté des Microsoft, Google, Yahoo, DailyMotion, PriceMinister ou Voyages-Sncf, il existe une multitude d'acteurs, souvent des petites ou moyennes entreprises, qui à leur niveau apportent une pierre à la croissance de ce secteur. Est-on sûr que leur voix a également été entendue ?

Il ne faut pas oublier, qu'en matière de croissance, le phénomène de la "long tail" existe aussi. C'est grâce à cette multitude de mini-activités que le secteur de l'économie numérique sort la tête de l'eau. Seulement, et la loi Chatel laisse ce goût amer, les acteurs ont l'impression que les pouvoirs publics cherchent à les maintenir sous cette ligne de flottaison. En imposant, sans concertation, de nouvelles contraintes aux milliers de petits cybermarchands, sommes nous sûr qu'ils pourront résister ? Si ce n'est pas le cas, c'est autant de "concurrence au service du consommateur" qui disparaitra.

Ce chantier de la concertation, Eric Besson, notre Ministre de l'Internet, l'a ouvert dans le cadre des Assises. Aboutir enfin sur cette question doit devenir l'une des priorités des prochains mois.

Pierre Kosciusko-Morizet, président de l'Acsel, l'association du commerce et des services en ligne