Daniel Broche (Discounteo) "Discounteo lance une offre à mi-chemin entre la délégation et la marketplace"

Les distributeurs qui souhaitent se lancer dans l'e-commerce n'ont pas intérêt à ouvrir leur propre site, ni à vendre sur les grandes marketplaces, explique le PDG de Discounteo.

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Daniel Broche, fondateur et PDG de Discounteo © S. de P. Discounteo

JDN. Vous développez depuis deux ans une approche à la jonction de la délégation et de la marketplace, à destination des distributeurs désirant commercialiser leur catalogue sur Discounteo. Pourquoi mettre sur le marché une offre de plus ?

Daniel Broche. Parce que la délégation e-commerce ne devrait pas s'adresser qu'aux marques. Nombre de distributeurs n'ont pas encore mis le pied dans la vente en ligne, principalement en raison des investissements significatifs en compétences et en infrastructure que cela représente. Ils cherchent aujourd'hui des solutions pour se raccrocher au wagon, c'est-à-dire la brique e-commerce qui manque à leur savoir-faire en commerce. Or les marketplaces comme Amazon et les sociétés de délégation ciblant les marques ne leur conviennent pas : ils ont besoin d'un prestataire de services. Pour notre part, nous détenons le savoir-faire et les partenariats qui leur manquent. Nous pouvons donc les en faire profiter.

Pourquoi n'auraient-ils pas intérêt à ouvrir leur propre site marchand, en se faisant, par exemple, accompagner par une société de délégation ?

Si je suis distributeur et si je veux profiter d'Internet, il n'est pas pertinent d'ajouter encore un site marchand supplémentaire aux 120 000 qui existent déjà en France. Le fait que le chiffre d'affaires moyen des sites marchand français ait été divisé par deux depuis 2005 le confirme d'ailleurs [voir les chiffres de la Fevad, ndlr]. Au contraire, on remarque que les sites qui réussissent sont ceux qui étendent leur offre. L'avenir pour les sites d'e-commerce, c'est l'horizontalisation. Pour les produits de grande consommation en particulier, le sens de la logique économique pour les e-commerçants est de massifier, de concentrer.

N'ouvre-t-on pas un site marchand en propre pour répondre à une exigence du consommateur ?

En observant les comportements d'achat, on constate rapidement que les consommateurs ne sont pas monomarques. Ce qui compte, c'est le produit. Il faut donc en face d'eux des sites multimarques. On a d'ailleurs assisté à beaucoup de déconfitures de marques qui ont essayé de toucher le consommateur en direct. La marque, qui maîtrise le sourcing et le produit, peut déléguer la fonction de vente.

Certains pensent que l'avenir appartient aux marques. Mais dans l'univers de la distribution, il existe déjà des acteurs qui détiennent le savoir-faire consistant à distribuer les marques. Contourner le distributeur n'est pas forcément une bonne idée, en particulier sur Internet.

"D'autres e-marchands vont faire la même chose, c'est le sens de l'histoire"

Vous dites que l'e-commerçant a intérêt à horizontaliser, massifier, concentrer. Mais est-ce aussi l'intérêt du retailer ?

Oui, c'est une approche pleine de bon sens aussi pour le distributeur. Pour lui, aller s'interfacer avec la marketplace d'Amazon est suicidaire s'il n'a jamais fait d'e-commerce avant. En effet, pour pouvoir être scalables, les places de marché ont l'obligation d'imposer un cadre très rigide et des règles très strictes à leurs vendeurs, ce qui pose problème aux grands distributeurs. Ceux-ci ont au contraire besoin d'une expertise et d'une liberté que ne peuvent pas leur apporter les grandes marketplaces. Il leur faut donc une approche avec plus de service, de conseil et d'accompagnement. Plus proche de la délégation, donc. Amazon fonctionne très bien pour certains marchands, mais nous voulons proposer autre chose.

Quel service proposez-vous exactement ?

Nous pouvons accompagner les retailers sur les aspects logistiques, merchandising produit, marketing, informatique, monétique, comptabilité, call center... ceci à la carte. Nous maîtrisons très bien tous ces domaines et pouvons les adapter aux besoins du distributeur. En fonction de l'approvisionnement et de la gamme de produits du distributeur, nous lui proposons une façon de fonctionner sur tous ces aspects. Et ensuite, on déploie.

Nous travaillons de cette façon avec un partenaire distributeur depuis 2 ans et demi. Nous en avons un second depuis novembre 2012. Nous monterons en charge à partir du mois d'avril, lorsque nous sortirons une nouvelle version du module informatique à la base de notre offre. Nous ne cherchons pas à attirer 3 000 vendeurs comme Amazon. Nous espérons en compter une douzaine d'ici la fin de l'année. Et vous le verrez, d'autres e-commerçants vont faire la même chose. C'est le sens de l'histoire.

Faut-il avoir dépassé une certaine taille pour pouvoir proposer ce type de service ?

Ce n'est pas toujours une question de taille. Il s'agit plutôt de détenir des savoir-faire qui peuvent servir à d'autres et faire la différence, que ce soit en matière de multi-shipping, de présentation de l'offre...

Sur quoi travaillez-vous pour affiner votre service ?

La nouvelle version du module que nous aurons en avril permettra de nous interfacer facilement avec ces distributeurs qui veulent se mettre à la vente en ligne. A l'inverse des grandes marketplaces, nous avons développé un système flexible et standard, qui permet de personnaliser la présentation de l'offre. On peut imaginer une mise en scène des produits différente de l'offre Discounteo, des rayons personnalisés, des facettes différentes dans la navigation... Je suis convaincu que la présentation de l'offre est primordiale dans la réussite d'une activité de vente en ligne. Il est donc essentiel de pouvoir l'adapter au distributeur.

"Celio devrait s'allier avec un distributeur de mode, plutôt que de faire de la délégation"

Pourquoi votre offre est-elle plus adaptée que celle des sociétés de délégation ?

Prenez Celio. Lorsqu'on regarde ce que pèsent les magasins et les vendeurs dans leurs comptes, on se rend vite compte qu'il s'agit moins d'une marque que d'un retailer. Et bien cette enseigne aurait tout intérêt à s'allier avec un distributeur de mode, plutôt que de faire de la délégation. Car les distributeurs en ligne et les délégateurs ne vont pas chercher la rentabilité au même endroit. Par exemple, quand le délégateur sera condamné à faire beaucoup d'Adwords, nous aurons pour notre part la possibilité de faire du cross-selling. C'est une autre démarche. En outre, la mutualisation des investissements nous engage bien plus, puisqu'elle conditionne aussi notre propre réussite.

Cherchez-vous des distributeurs actifs sur les mêmes segments que Discounteo, ou sur d'autres ?

Nous cherchons des partenaires sur des univers produits complémentaires aux nôtres. Nous ne voulons pas les concurrencer, mais il nous faut rester sur le domaine où nous sommes légitimes : l'équipement de la maison. Ce sont d'ailleurs les recherches des consommateurs sur notre site, portant sur des produits que nous ne proposons pas, qui nous poussent dans ce sens. Notre métier n'est pas de stocker tous les produits de la Terre. Mais nous pouvons étendre l'offre commercialisée sur le site.

Irez-vous jusqu'à garantir à vos partenaires qu'ils n'auront pas de concurrent sur Discounteo ?

Effectivement, on ne trouvera jamais sur le site deux concurrents directs, autrement que pour compléter la couverture d'un univers si l'offre d'un distributeur ne la couvre que partiellement. Nous en prendrons alors un autre pour la partie manquante, car lorsque la couverture d'un univers est insuffisante, ce n'est bon ni pour nous ni pour les vendeurs.

A cette exception près, ce sera un point fondamental : nos partenaires ne se retrouveront pas en concurrence. Nous ne voulons pas devenir un comparateur intégré. Ni, comme les marketplaces, mettre la pression sur les vendeurs pour qu'ils proposent les meilleurs prix. Nous sommes des vendeurs, pas des pricers. Et s'ils ne proposent pas de bons prix, ils ne vendront pas de toutes manières, pas besoin pour cela de les mettre en face de 50 concurrents.

Comment vous rémunérez-vous ?

Il n'y a pas vraiment de frais de set-up. Ils se comptent plutôt en temps passé par les équipes des deux côtés, mais il n'y a pas d'enveloppe à mettre au départ pour lancer le projet. Nous nous rémunérons par une commission sur les ventes. Nous n'avons pas déterminé un barême public fixe comme le font les marketplaces, ce sera du cas par cas. Nous pourrons même descendre au niveau des familles de produits pour fixer la commission.

Quelles sont vos ambitions en termes de volume d'affaires pour cette activité ?

Une marketplace qui fait bien son travail monte naturellement à 10 à 15% du volume d'affaires du site qui l'opère, donc nous y parviendrons sans souci cette année. Mais en choisissant les bons partenaires, il devrait être possible de faire beaucoup plus.