Le secteur de la vente en ligne de médicaments est né en novembre

Le secteur de la vente en ligne de médicaments est né en novembre Deux sites de vente de médicaments OTC ont ouvert leurs portes en novembre. Ils pourraient bien forcer la France à fixer enfin un cadre légal à cette activité que l'UE autorise depuis 2003.

La vente de médicaments sur Internet est explicitement autorisée dans l'Union européenne depuis l'arrêt DocMorris prononcé par la CJCE le 11 décembre 2003. Tous les pays voisins de la France s'y sont d'ailleurs mis. Selon les législations, est permise la vente de médicaments avec ou sans prescription, s'appuyant ou non sur une pharmacie physique. Dans l'Hexagone en revanche, aucun cadre juridique n'a encore été fixé, la loi stipulant uniquement que tout médicament doit être vendu par un pharmacien.

Tout ce qui n'est pas interdit étant autorisé, ce qui devait arriver arriva. Deux pharmaciens viennent d'ouvrir un site marchand de médicaments délivrés sans ordonnance et non remboursés, OTC (over the counter) comme les désignent les anglophones. La pharmacie de la Grâce de Dieu, à Caen, a ouvert PharmaGDD.com le 14 novembre et la pharmacie du Bizet, à Villeneuve d'Ascq, a ouvert LaSante.net le 19 novembre. D'autres se mettent en ordre de bataille, comme cette vingtaine de pharmaciens qui le 3 décembre ont lancé 1001Pharmacies.com, site de vente de parapharmacie qui prévoit à terme d'élargir son offre aux médicaments OTC.

 

Newpharma.be réalise 32% de ses ventes en France

Ces pharmaciens auraient d'ailleurs tort de se priver : le site belge de vente de médicaments Newpharma.be, lancé en octobre 2008, réalise en France 32% de ses ventes, qui équivalent selon la société au chiffre d'affaires OTC de 39 pharmacies. Selon l'étude Eurostaf de mai 2011, la vente physique d'OTC pèse 2 milliards d'euros par an en France et la vente en ligne de ces médicaments pourrait atteindre 200 millions d'euros d'ici 2017.

Les pharmacies étant souvent sollicitées pour des traitements d'urgence – qui attendra 48 heures la livraison de son médicament pour un mal de ventre ? –, les analystes estiment que le Web ne représentera jamais plus de 20% du chiffre d'affaires global des pharmacies. Ce qui n'empêche pas ce canal de présenter de nombreux avantages. En offrant par exemple la possibilité de se constituer à des prix attractifs une armoire à pharmacie pour toute la famille à l'approche de l'hiver. "Notre site peut aussi être utile aux nombreux patients qui ne se déplacent que difficilement, ajoute Cyril Tétart, fondateur de LaSante.net. Il trouve également sa place pour combler le vide des déserts pharmaceutiques : pour réduire les dépenses de santé des Français, l'Etat baisse le prix des médicaments et donc les marges des pharmacies, afin d'en fermer 3 à 4000 pharmacies sur 22 000 d'ici 5 ans. La vente en ligne pourra étendre notre couverture à ces zones abandonnées."

 

Le consommateur est assuré qu'il ne se fera pas avoir

Et bien sûr, l'existence de pharmaciens e-commerçants constitue enfin une  vraie réponse à la vente en ligne de médicaments contrefaits, émanant souvent de pays extérieurs à l'Europe de l'Ouest. "En tant que pharmacien, nous avons un numéro d'agrément du Conseil de l'Ordre. Le consommateur est donc assuré qu'il ne se fera pas avoir", précise Cyril Tétart. Mieux encore : soucieux d'apporter la même sécurité d'automédication que si ses clients se rendaient dans une pharmacie, le site explique contrôler les interactions pouvant exister entre plusieurs médicaments mis au panier, grâce à une vérification en temps réel assurée par la société Vidal. LaSante.net indique aussi contrôler les traitements médicaux déjà pris par les patients pour éviter les contrindications. Pour commander un médicament, le patient doit par ailleurs confirmer avoir lu sa notice et vérifier la quantité maximale autorisée. Il peut à chaque instant poser une question en ligne ou demander à être rappelé par un pharmacien. Chaque commande est enfin contrôlée par un pharmacien qui, en cas d'anomalie, peut l'annuler.

Pour l'instant, LaSante.net est financé par l'activité d'officine de la pharmacie du Bizet. Le site commercialise évidemment aussi des produits de parapharmacie, dont les prix et les marges sont bien plus élevés. "Pour 2013, nous tablons sur un chiffre d'affaires réalisé à 20% sur l'OTC et à 80% sur la parapharmacie, indique Cyril Tétart. Mais vu les écarts de prix, cela signifie une répartition bien plus équilibrée en volume". D'autant que le pharmacien se fixe surtout pour objectif de défricher un nouveau secteur. "Ce qui nous plairait, à l'avenir, ce serait de mettre en place des solutions de télémédecine. Proposer un contact vidéo à distance avec des médecins répondrait à une demande importante des patients. On pourrait aussi imaginer vendre ou louer du matériel médical, orthopédique... En réalité, porter sur Internet tout ce que nous savons faire en officine."

 

Des syndicats de pharmaciens opposés à la vente en ligne

Dans l'immédiat, la réussite du site va dépendre des réactions des acteurs en présence. A commencer par celle du Conseil de l'Ordre des pharmaciens : si ses recommandations émises en 2007 n'interdisent aux pharmaciens que l'e-commerce des médicaments remboursés et des médicaments listés, il subit aussi la pression des syndicats de pharmaciens, farouchement opposés à la vente en ligne d'OTC. Les laboratoires pharmaceutiques attendent vraisemblablement eux-aussi que se prononcent le Conseil de l'Ordre et le ministère de la Santé, qui pour sa part ne semble pas pressé d'intervenir.

"Le marché va exploser", conclut Cyril Tétart. Si tout se passe bien, LaSante.net prendra donc rapidement le pas sur son activité d'officine. Et si le Conseil de l'Ordre l'autorise, des dizaines d'autres sites ne tarderont pas à s'engouffrer sur le créneau, parmi lesquels les sites de parapharmacie qui pour l'instant ne veulent pas risquer de mettre en péril leur activité. "Un mois après notre lancement, l'incertitude demeure, constate l'entrepreneur. Mais face à la falaise, fallait-il sauter ou ne pas sauter ? Nous voulons faire évoluer les choses. Nous verrons bien si nous avons eu raison."

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Carte d'Europe de l'Ouest des médicaments autorisés à la vente en ligne par les législations nationales © Les Nouvelles Pharmaceutiques - n° 399, jeudi 22 avril 2010