Fabrice Gibert-Darras (L'Oréal) "L'Oréal a rendu marchande une dizaine de ses sites de marque"

Les sites de Mixa, Franck Provost et huit autres marques permettent désormais de passer commande auprès du distributeur de son choix. Explication de leur directeur digital.

JDN. Vous êtes le directeur digital de Lascad, une entité de L'Oréal qui regroupe 20 marques d'hygiène-beauté vendues en GMS, dont 10 possèdent un site de marque. Comment avez-vous rendu marchands ces sites ?

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Fabrice Gibert-Darras, directeur digital de Lascad © S. de P. L'Oréal

Fabrice Gibert-Darras. Entre le rythme élevé de nos lancements de produits et le fait qu'il n'y a pas toujours de la place en rayon pour tous, de nombreux consommateurs se demandent où trouver nos références. Or même si nous avons beaucoup de marques, le panier moyen ne serait pas suffisamment élevé pour justifier l'ouverture de sites d'e-commerce pour elles. Leurs produits suscitent beaucoup de ventes mais ce sont des petits achats quotidiens. Nous nous sommes donc basés sur des acteurs dont c'est le métier : les distributeurs.

Concrètement, lorsque vous vous rendez sur une fiche produit d'un de ces sites de marque, figure maintenant un bouton "acheter cet article". Lorsque vous cliquez, vous avez le choix entre plusieurs distributeurs - enseignes de grande distribution, cybermarchés, pure players...- et vous pouvez vous faire livrer chez vous, en drive, ou encore localiser un point de vente commercialisant l'article. C'est le résultat de l'intégration du module WhereToBuy de Swaven.

Cela vous permet aussi de ne pas contourner votre réseau de distribution... Comment les données de disponibilité des produits vous sont-elles remontées ?

Swaven dispose des données e-commerce : livraison et drive. Pour l'instant, les points de vente physiques indexés sont en réalité les mêmes magasins que les drives. Mais nous travaillons à intégrer aussi les données de référencement de nos produits dans les réseaux physiques, que nous récupérons déjà toutes les deux semaines environ pour le réassort. Ce sera par exemple utile pour les enseignes de distribution spécialisées.

A quel rythme avez-vous déployé ce module de vente sur vos sites ?

Mixa avait été le premier site à accueillir ce service, en avril 2014. Après deux ou trois mois de test pour nous assurer qu'il était compris et utilisé, nous avons décidé de le déployer aussi aux sites de Franck Provost, Ushuaïa, Cadum, Dessange, Dop, Eau Jeune, Mennen et Narta, en commençant par ceux à plus fort trafic. Et maintenant, ce module arrive sur d'autres marques de L'Oréal externes à Lascad, comme Garnier, Gemey-Maybelline et Essie.

"Mixa.fr envoie 1000 commandes par mois à Amazon"

Quels résultats avez-vous enregistrés ?

Pour la localisation en boutique physique ils semblent très bons, mais nous ne savons pas si l'internaute va effectivement acheter sur place. Quant à la livraison et au drive, les chiffres sont excellents. Pour certaines marques, jusqu'à 10% de l'audience d'une fiche produit clique sur l'une des trois options : livraison, drive ou localisation. Et parmi ces 10%, près de 15% finalisent vraiment la transaction. Et comme nous ne disposons pas des données de conversion de tous les distributeurs, ces chiffres sous-estiment la réalité. A titre d'exemple, le site de Mixa envoie 1000 commandes par mois à Amazon !

Nous sommes donc absolument ravis. Où trouver tel ou tel produit était la troisième question la plus posée à notre service consommateur, après les conseils d'utilisation et les demandes d'échantillons. Le module a tellement déchargé le service consommateur que rien qu'avec ça, il était rentabilisé. Mais surtout, cela prouve que le service apporté est très utile, ce qui nous importe davantage que les ventes en elles-mêmes.

Combien de distributeurs avez-vous intégrés au dispositif ?

Nous avons commencé par la grande distribution, avons ajouté Amazon et commençons à intégrer des distributeurs spécialisés comme Marionnaud. Pour l'instant nous comptons 12 distributeurs partenaires. A la fin du premier trimestre, nous aurons quasiment tout le paysage.

Nous voulons également améliorer le tracking. Maintenant, nous demandons aux distributeurs de nous donner accès aux ventes que nous leur apportons afin de calculer le taux de conversion, une donnée clé pour travailler sur les comportements d'utilisation et améliorer le service.

Quel est l'intérêt pour eux ?

Tout d'abord, nous leur apportons des commandes. Et bien souvent les internautes ajoutent d'autres articles à leur panier. Même si ensuite, la rapidité de conversion varie. Sur les drives par exemple, les consommateurs ont tendance à remplir leur panier pendant une plus longue période. Quant à un abonné Amazon Premium qui ne paie pas les frais de port à l'acte, il n'hésitera pas à passer commande sans attendre.

"Les visiteurs sont retargetés par nous et par le distributeur"

Par ailleurs, lorsque le visiteur d'un de nos sites clique sur "acheter ce produit" et choisit un distributeur, il est tagué à la fois par lui et par nous. Il peut donc être retargeté par les deux.

Swaven propose aussi d'embarquer son module dans des bannières publicitaires ou sur les réseaux sociaux. L'envisagez-vous ?

Nous touchons chaque mois 18 millions d'internautes avec lesquels nous communiquons très bien, via nos sites bien sûr mais aussi en grande partie grâce à notre présence très active sur les réseaux sociaux. Toutefois, nous évitons d'y poster trop de liens sortants et d'avoir une approche qui serait perçue comme mercantile. Nous nous contentons donc de fournir le lien vers la fiche produit contenant le bouton "acheter cet article" uniquement lorsque l'internaute nous demande où trouver un produit. Aider le consommateur plutôt que pousser un discours commercial fonctionne très bien. Nous voulons faire de nos marques des "love brands" très fortes. Procéder ainsi et utiliser le module simplement comme un outil d'aide au consommateur est très vertueux.

En outre, nous avons quasiment arrêté les bannières, beaucoup moins visibles de nos jours. Nous préférons produire des vidéos et d'autres contenus éditorialisés. Nous allons tester les bannières, mais même si elles transforment très bien, le dispositif actuel donne déjà de si bons résultats que je ne suis pas sûr qu'elles soient nécessaires. D'autant qu'encore une fois, nous sommes bien davantage dans une approche d'information que de vente. Nous travaillons sur l'affinité au produit, par sur le déclenchement de l'achat. Pour cela, le double retargeting est suffisant.

Allez-vous néanmoins faire évoluer le module ?

Nous avons le sentiment de n'en être qu'au tout début de ce que nous allons pouvoir proposer au consommateur en termes de services. Nous allons donc continuer à expérimenter et voir ce qui marche ou pas. Par exemple, nous allons tester la possibilité de mettre plusieurs articles dans un panier, avant de trouver où les acheter. Mais sans nous transformer en marchand et en conservant notre approche : parler du produit avec les bons outils. Nous n'avons donc pas non plus changé notre politique d'acquisition de trafic – pas d'achat d'espace média - ou de transformation. Nos sites restent avant tout des sites de marque.

Fabrice Gibert-Darras est le directeur digital de Lascad, une entité de L'Oréal qui regroupe 20 marques d'hygiène-beauté vendues en GMS : Bien-être, Cadum, Narta, Jean-Louis David, Slava Zaïtsev, Daniel Hechter, Dessange, Franck Provost, Ushuaïa, Mennen, Eau Jeune, Vanderbilt, Savon de Marseille, Vivelle Dop, Dop, Pti Dop, Mixa, H pour Homme, Fluoryl et Softsheen-Carson.

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Exemple d'intégration du module WhereToBuy de Swaven sur une fiche produit de Mixa.fr © Mixa