Frank Zorn (Groupon-Citydeal) "Les opérations sur Groupon sont bien plus ROIstes que des campagnes de pub"

Lancé en mai 2010, Groupon.fr fait déjà partie du Top 20 des audiences de l'e-commerce français. Son DG revient sur la stratégie du service, qui propose aux internautes de se regrouper pour obtenir des réductions sur des activités de loisir dans leur ville.

JDN. Début février vous avez lancé Citydeal France, racheté en mai par Groupon comme les autres Citydeals d'Europe. Comment s'est passée la fusion ?

Frank Zorn. Groupon voulait grandir rapidement au dehors des Etats-Unis et Citydeal, qui s'était construit sur son modèle, était déjà présent dans 14 pays d'Europe. L'objectif de la fusion était de déployer sur le territoire de Citydeal le savoir-faire acquis par Groupon depuis deux ans et demi. En France, nous utilisons depuis cette semaine la charte graphique de Groupon US, afin de bénéficier de la portée de la marque de l'inventeur du concept. Nous proposons des deals quotidiens dans 25 villes et un peu moins dans 35 autres villes. Notre groupe est aujourd'hui présent en Amérique du Sud, où nous avons créé des sociétés, ainsi qu'en Russie et au Japon, où nous avons racheté des acteurs locaux. Au total, nous opérons dans une trentaine de pays.

D'après l'Université texane de Rice, 40 % des marchands partenaires de Groupon US déclarent ne pas vouloir réitérer l'expérience, qui leur aurait coûté trop cher. Qu'en pensez-vous ?

Ce n'est pas l'expérience que nous avons. Tout d'abord, nous ne forçons pas nos partenaires à travailler avec nous. Ensuite, nous essayons de trouver un équilibre pour le marchand entre l'acquisition de clients et la rentabilité de l'investissement. Nous apportons un réseau de clients ciblé et local. La remise, c'est ce qui va les faire bouger de leur canapé pour se rendre dans le commerce du bout de la rue. En comparaison d'une campagne de publicité, c'est un modèle très ROIste, efficace et transparent.

Beaucoup de prestataires demandent donc à être rediffusés. Ils sont contents du marketing que nous proposons. De plus, l'effet pour le marchand ne se limite pas aux seuls utilisateurs de Groupon. Par exemple, un restaurateur nous a dit que grâce à son opération sur notre site, sa terrasse n'avait pas désempli de l'été, en conséquence de quoi les gens qui passaient devant entraient également. Les opérations ont aussi des répercussions sur la famille et les amis de ceux qui profitent des offres. Et comme les clients sont souvent situés juste à côté du prestataire, il est possible de les fidéliser et de capitaliser sur ces opérations après leur diffusion.

Si les clients de Groupon sont des chasseurs de bonnes affaires, n'est-il pas difficile de les fidéliser ensuite sur un prix non réduit ?

"Le prix bas n'est qu'un prétexte pour tester un prestataire"

L'offre sur Groupon est très variée, les prestations proposées vont de 10 euros à 200 euros, pour du pilotage d'hélicoptère par exemple, qui relève d'un service de luxe. Le prix bas n'est en réalité qu'une excuse, une occasion de tester un prestataire. Nous fonctionnons un peu comme un guide. Très souvent, les gens qui ont des moyens sont à la recherche d'endroits ou de prestations qu'ils n'ont jamais consommées : cours de fabrication de macarons, pilotage de bolides... C'est là que réside la valeur ajoutée de Groupon.

Quelle commission prélevez-vous sur le montant de vos ventes ?

Chaque négociation est individuelle et adaptée aux partenaires, mais la commission standard est de 50 %. Lorsque nous avons lancé le service, la commission était plus basse. Mais aujourd'hui, la base client a énormément grossi, ce qui augmente la valeur du service. Parfois la commission dépasse 50 %, parfois elle descend à 10 %. Cela évolue avec le temps, mais la marge de manœuvre existe dans les deux sens.

Combien d'utilisateurs revendiquez-vous ?

En septembre, Nielsen nous créditait de 3,4 millions de visiteurs uniques en France (le Top 15 de l'e-commerce français descend jusqu'à 4 millions de VU, ndlr). Nous comptons plus de 18 millions d'inscrits dans le monde et vendons des coupons promotionnels à plusieurs milliers de Français chaque jour. Nous sommes une société jeune, qui grandit très vite et qui va poursuivre sur cette voie. Nous voulons continuer à augmenter notre audience, le nombre de nos partenaires et le nombre de villes où nous sommes présents...

Comment anticipez-vous la période de Noël ?

Nous sommes convaincus que Groupon peut apporter beaucoup à ses partenaires de taille petite ou moyenne, qui ont encore plus de mal à avoir de la visibilité à cette période de l'année. De plus, les prestations que nous proposons constituent de bons cadeaux, ils sont originaux et seraient hors budget sans la réduction offerte.

"Dans chaque pays où Groupon est présent, il fait face à un nombre important d'acteurs locaux"

Quels sont vos axes de développement ?

D'une part nous essayons de développer notre base clients et nos partenaires. D'autre part nous travaillons sur la plate-forme elle-même, pour proposer de nouvelles fonctionnalités. Par exemple, nous commençons à réfléchir à des deals personnalisés en fonction de la localisation des clients, comme cela est fait sur la version américaine du site. Une application iPhone est également prévue.

Aux Etats-Unis, Groupon a proposé des deals nationaux avec Gap puis The Body Shop. Cela fait-il aussi partie de vos projets ?

Nous mettons également en place des deals nationaux. Le plus souvent avec des sites marchands, par exemple de développement photo ou encore de vente d'accessoires, mais aussi avec de grandes chaînes de distribution, du secteur beauté et bien-être par exemple. Nous allons accélérer les discussions avec les sites et les enseignes afin de proposer davantage de ces deals nationaux.

Qui sont vos concurrents ?

En France, un grand nombre d'acteurs est déjà présent, je dirais une petite vingtaine. On a assisté à plusieurs lancements ces dernières semaines. En effet, beaucoup d'acteurs ont la possibilité d'entrer facilement sur ce marché. En revanche, faire grandir son modèle au niveau national est beaucoup plus difficile. Nous regardons de très près nos concurrents, qui sont très sérieux. Mais je suis convaincu qu'il va se produire une consolidation, même si racheter un concurrents serait aujourd'hui prématuré. A terme, je pense qu'il n'y aura que trois sites d'achat groupé qui marcheront vraiment bien, auxquels s'ajouteront des sites de niche.

Au niveau mondial, Groupon est leader, mais dans chaque pays où il est présent, il fait face à un nombre important d'acteurs locaux, à commencer par les Etats-Unis. Toutefois, être présent en France depuis sa naissance nous apporte un avantage certain en termes de savoir-faire, plus développé que celui des nouveaux entrants.

Le concept de Groupon va-t-il évoluer ?

Aux Etats-Unis, le modèle économique n'a que deux ans et demi et a déjà subi des changements. Par exemple, les deals personnalisés n'existaient pas il y a quelques mois mais donnent déjà d'excellents résultats. C'est la même chose en Europe et en France : notre modèle va évoluer avec le marché. En l'occurrence, je pense que le modèle va devenir plus grand public qu'aujourd'hui, ce qui aura des conséquences en termes de prestataires et d'offres proposées.

Frank Zorn a fait ses études commerciales à l'université de Viadrina à Francfort-sur-l'Oder. Il entame sa carrière chez eBay Allemagne en tant que responsable du marketing online et des partenariats stratégiques, puis il prend la tête de l'équipe contrôle de gestion et planning stratégique. Il effectue ensuite un MBA à l'INSEAD en 2008. En 2009, il rejoint Rocket Internet, l'incubateur des frères Samwer, à Berlin. Il travaille sur plusieurs business plans pour étudier les lancements de nouvelles de start up dont Citydeal Europe en décembre 2009. Il prend la tête de Citydeal France qu'il lance en février 2010. Citydeal Europe fusionne avec Groupon en mai 2010. Frank Zorn est aujourd'hui directeur général de Groupon-Citydeal pour la France et la Belgique.