Roland Coutas (Telemarket.fr) "Telemarket prolonge jusqu'au 3 juillet la suppression des frais de livraison"

Satisfait de son opération "pouvoir d'achat" initialement programmée du 4 mars au 4 mai, le cybermarchand la prolonge de deux mois. Son PDG en tire le bilan et dévoile ses projets pour les mois à venir.

 

JDN. Pourquoi avez-vous décidé de supprimer pendant deux mois les frais de livraison ? 

Roland Coutas. Les autres domaines d'activité ont réglé le problème mais dans le nôtre, les frais de livraison constituent un frein incontestable à l'achat. Ceci même si, une fois soustrait le coût de l'utilisation de la voiture, il est en réalité bien moins cher de faire ses courses en ligne qu'en magasin. Nous avons donc testé la suppression des frais de livraison en pensant à ceux qui hésitent à faire leurs courses sur Internet. Cette opération "pouvoir d'achat" a été reçue comme un signe très fort. C'est la raison pour laquelle nous la prolongeons jusqu'au 3 juillet.

Comment avez-vous financé ces frais de livraison ? 

Auparavant, nous achetions nos produits auprès de la centrale d'achat de Monoprix. Maintenant, c'est chez celle de Casino que nous nous approvisionnons, pour nettement moins cher. Nous faisons bénéficier le client de ce gain en le répercutant sur le prix de la livraison. C'est comme cela que nous avons pu financer l'opération.

Avant le début de l'opération, vous receviez autour de 1 500 commandes par jour. Au-delà du triplement de l'audience entre février et mars, avez-vous constaté une progression des ventes ? 

"Nous utilisons cette offre pour recruter de nouveaux clients dans les zones que nous ouvrons"

Actuellement, hors vacances scolaires, nous sommes en moyenne à 1 800 commandes par jour. Nous observons donc un impact significatif sur le volume des ventes. Et effectivement, nous avons connu certaines journées à 100 000 visiteurs uniques. Mais la réouverture de certaines zones de province, que nous avons entamée en octobre après plusieurs mois d'absence, explique aussi en partie cette hausse. D'ailleurs les deux sont très liés : nous utilisons cette offre pour recruter de nouveaux clients dans ces zones que nous ouvrons, Toulon il y a quelques jours, toute la région de Nice mi-mai...

Pourquoi ne pas plutôt choisir de baisser les prix des produits ? Ils sont en moyenne 4 à 5 % plus élevés en ligne, nous disait votre directeur général l'an dernier. (Lire "Mon objectif est de faire de Telemarket le numéro 1", du 6/6/2008)

Les prix des cybermarchés ne sont pas supérieurs à ceux des hypermarchés. Rien qu'à Paris, il y a cinq niveaux de prix différents chez Monoprix. Il n'y a pas deux E.Leclerc qui pratiquent les mêmes prix. Et entre Dreux et Antibes, les écarts sont gigantesques. En revanche, Internet introduit pour la première fois l'égalité des tarifs dans toute la France. Il n'est pas surprenant que les consommateurs ne comprennent pas que les prix sont le plus souvent inférieurs en ligne si on dit qu'ils sont en moyenne supérieurs. Mais ils comprennent très bien la suppression des frais de livraison. La valeur d'usage est claire. Nous avons donc décidé de prendre sur nos marges pour prouver qu'il est moins cher d'effectuer ses courses en ligne.

Les gens attirés par l'opération sont des chasseurs de prix bas, a priori peu fidélisables. Or vu le coût de la livraison, ils coûtent sûrement plus cher à acquérir que des clients normaux. Quel pourcentage pensez-vous fidéliser ? 

"Nous n'essaierons pas de rendre le dispositif rentable à long terme"

Le coût d'acquisition de ces clients est inférieur au coût normal car avec l'argument des frais de livraison, ils sont très faciles à convaincre. Cela nous permet même de réduire nos dépenses de marketing. En matière de fidélité, le plus important est qu'ils découvrent les courses en ligne. Au bout de trois ou quatre commandes, ils deviendront très fidèles au principe des achats alimentaires sur Internet. Quant à savoir s'ils resteront chez nous ou pas une fois l'opération terminée, certes il n'y a aucune garantie de fidélisation, mais nous ne nous inquiétons pas non plus.

Prolongez-vous l'opération uniquement de façon ponctuelle, ou envisagez-vous de la pérenniser ? 

Non, il s'agit uniquement d'un coup fort, qui n'a pas vocation à devenir définitif. L'opération s'inscrit vraiment dans un cadre promotionnel, nous n'essaierons pas de rendre le dispositif rentable à long terme. 


Vous attendez-vous à ce que vos concurrents vous imitent ? 

Tous, nous évangélisons, chacun à notre façon. Pour l'instant, le secteur ne fait que démarrer. Mais nos vrais concurrents sont les hypermarchés, pas les autres cybermarchés. Je pense que le secteur va connaître une très forte croissance dans les cinq ans qui viennent. C'est le sens de l'histoire et du e-commerce. Les hypermarchés, qui se sont faits sur la révolution de la voiture, aujourd'hui se cherchent. L'e-commerce alimentaire ne va pas tarder à prendre le dessus. J'en suis d'autant plus certain que partout dans le monde, il enregistre une croissance importante. D'ailleurs, tout le monde s'y est mis, à l'instar de Cdiscount. Ceci dit, nous devons maîtriser notre croissance pour des raisons logistiques : nous ne pourrions pas assumer 50 % de croissance par an. 20 ou 30 %, par contre, c'est possible. 

"Depuis septembre dernier, nous avons eu cinq mois de rentabilité sur sept"

 
Etes-vous rentables ?

Depuis septembre dernier, nous avons connu cinq mois de rentabilité sur sept.Nous pouvons donc dire que nous voyons le bout du tunnel. D'ailleurs, partout dans le monde les cybermarchés deviennent rentables : le business model de Telemarket est validé.


Quels sont vos projets pour les mois à venir ?

Dans quinze jours, nous démarrons une activité de vente en ligne de voyages. Par ailleurs nous allons, avant l'été, lancer une offre de fruits et légumes de très haut niveau. Nous comptons également ouvrir de nouvelles boutiques qui seront gérées soit par nous, soit par des partenaires, qui nous permettront ainsi de vendre du blanc et du brun (électroménager et électronique grand public, ndlr). Les produits seront alors livrés séparément. Sur ce modèle, nous avons récemment vendu des meubles et des équipements de jardin. Deux ou trois partenariats de ce type seront conclus avant la fin de l'année. Nous allons ainsi ajouter à nos 8 000 références alimentaires environ 5 000 références non alimentaires. Finalement, tout ce que proposent les hypermarchés va peu à peu arriver sur les sites des cybermarchés.

Pourquoi est-ce si difficile de convaincre le consommateur de faire ses courses en ligne ? 

Nous avons une multitude de très bons arguments, en plus du fait que cela coûte moins cher. Le temps passé à faire ses courses. Les 1 300 km par an de trajet en voiture économisés. Les émissions de CO2 divisées par huit, car nos camions livrent environ quinze clients chacun. La chaîne du froid qui n'est jamais rompue, à l'inverse du cas fréquent où les courses attendent trois quarts d'heure dans le coffre. Des dates de péremption garanties, alors qu'en rayon il faut souvent aller chercher le produit le plus frais au fond de l'étal. Mais nous mettons beaucoup de temps à expliquer tout cela. La suppression des frais de livraison, dont l'intérêt est, lui, immédiatement perceptible par le client, lui permet de tester les courses sur Internet et de se rendre compte par lui-même de tous ces avantages. C'est encore la meilleure façon de les lui expliquer.