Jean-Baptiste Descroix-Vernier (Rentabiliweb) "Rentabiliweb va chercher à devenir un établissement de crédit'

Six mois après le lancement de Be2Bill, le fondateur de Rentabiliweb revient sur les premiers résultats de la plateforme de paiement et ses ambitions.

JDN. Le lancement de Be2Bill en février 2012 signifie-t-il que l'avenir de Rentabiliweb se situe plus dans le paiement en ligne que dans l'édition de site ?
J.-B. Descroix Vernier.
Rentabiliweb est une société dont le but est de rentabiliser les sites Web, dont les siens. Nous développer dans le paiement en ligne était donc logique. Nous avions d'ailleurs débuté dans des solutions de micropaiement (audiotel, SMS+..., ndlr), mais notre évolution a été bloquée pendant des années par la loi. Le secteur bancaire était encore il y a quelques mois un secteur monopolistique. La directive Sepa nous a permis de créer notre propre plateforme : Be2Bill. Et aujourd'hui, Rentabiliweb est devenu un établissement de paiement.

Qu'est-ce que cela change concrètement pour vous ?

C'est surtout pour les e-commerçant que cela change ! Quand un internaute paye par carte-bleue via notre plateforme, nous sommes à la fois établissement de paiement, avec notre propre interfaçage aux plateformes financières, et Payment service provider (PSP), avec notre technologie de paiement. Cela nous permet de proposer aux marchands des taux de commissions en dessous de ceux de nos concurrents. Nous ne sommes pas là pour casser les prix, mais nous répercutons le fait que nos charges sont plus basses. Au final, sur une commission de 1% sur le paiement, notre marge brute se situe autour de 65%. Notre objectif est d'atteindre un volume de paiement de 750 millions d'euros de runrate sur les 12 premiers mois. Notre effort commercial vise les gros e-commerçants, car ce sont eux qui font le volume. Nous avons par exemple signé avec Kenzo ou Winamax.

Be2Bill est-il le vecteur principal de croissance de Rentabiliweb pour les années à venir ?
Exactement. Je ne crois pas au développement des solutions de micropaiement qui mobilisent les opérateurs télécoms mais à celui des micro-transactions qui mobilisent les banques. Aujourd'hui, il y a 1 000 moyens de payer autrement qu'avec ces solutions. Le marché du paiement par audiotel, par exemple, va s'éroder et finir par disparaître. Au contraire, le marché du paiement sur Internet continue de se développer, notamment grâce au mobile. Be2Bill va donc devenir une composante importante de Rentabiliweb dans les années à venir, mais il est encore trop tôt pour la chiffrer.

Quels services allez-vous ajouter à votre plateforme actuelle ?

Rentabiliweb souhaite devenir un établissement de crédit, ce qui nous permettra d'enrichir notre offre avec notamment du paiement en plusieurs fois. Ensuite, nous allons nous développer à l'international. Si on peut le faire ici, on peut le faire ailleurs. Nous n'avons pas encore décidé où nous nous implanterons, mais nous privilégierons un développement européen. Nous éviterons sans doute de débuter par la Chine ou les Etats-Unis. Beaucoup d'entrepreneurs en ont rêvé, y sont allés, et sont revenus en slip... La sagesse nous pousse à gérer ce projet en bon père de famille. Enfin, nous comptons monter en puissance sur les marchés francophones en ciblant prochainement les petit marchands et, pourquoi pas, un jour, proposer des solutions pour les auto-entrepreneurs ?

Comment expliquez-vous l'évolution de votre cours de bourse qui a été divisé par deux en un an ?
Nos perspectives sont bonnes et la société est toujours aussi rentable. Rentabiliweb n'est pas endettée et nous autofinançons nos projets. Au premier semestre, nous avons ainsi investi 5 millions d'euros dans Be2Bill. C'est donc incompréhensible. Je mets ça sur le dos des aléas des marchés...

Vous étiez membre du Conseil national du numérique avant qu'il ne soit mis en sommeil. Comment jugez-vous les projets de Fleur Pellerin le concernant ?

Il faut que cette institution continue d'exister. Il est nécessaire que les acteurs du numérique soient systématiquement consultés pour éviter de nouvelles Loppsi ou Hadopi. La ministre veut ouvrir le conseil à d'autres profils que des chefs d'entreprises, pourquoi pas. Il faudra voir sa future composition et la compétence de chacun. A titre personnel, cette aventure est terminée. Je n'ai plus le temps. Le gros avantage que nous avions à l'époque était que lorsque nous appelions le président de la République, il décrochait. C'est ce qui s'était passé à l'époque où le statut de JEI était menacé.

Que pensez-vous de l'arrivée possible d'offres d'accès à Internet à débit différencié, et donc de la fin d'un Internet accessible à tous, dans les mêmes conditions ?

Ce serait un grave retour en arrière. Et je ne veux pas imaginer une seule seconde que cela puisse arriver. Aujourd'hui, les opérateurs assument le financement des réseaux et de leur montée en charge. Il y a sans doute un équilibre à trouver avec les éditeurs pour qu'ils y participent aussi. Il ne faudrait pas que des opérateurs proposent des offres dans lesquelles les internautes ont des accès privilégiés à certains sites et dégradés pour certains autres. Dire qu'il n'y a plus un accès infini au Web serait aussi bête que de créer le feu et de dire aux gens qu'ils ne peuvent pas cuire de viande avec. J'espère que cette question sera débattue par le futur Conseil national du numérique.

Diplômé d'une licence de droit privé, d'une maîtrise de droit des affaires, d'un DESS de droit fiscal d'entreprise et d'un DJCE (Diplôme de Juriste Conseil d'Entreprise), Jean-Baptiste Descroix-Vernier quitte le Barreau de Lyon en 1999 pour devenir chargé de mission du Groupe Hélios. En 2002, il crée Rentabiliweb, qui compte aujourd'hui plus de 250 salariés, présent dans 8 pays et a réalisé un chiffre d'affaires de 83,3 millions d'euros en 2011. La société est cotée sur le compartiment B d'Euronext, Paris et Bruxelles. Jean-Baptiste Descroix-Vernier est Administrateur et Président de St Georges Finance, l'actionnaire majoritaire de Rentabiliweb Group, et président du conseil d'administration de Rentabiliweb.