Luis Krug (Pixmania) "Nos effectifs sont surdimensionnés par rapport à notre activité réelle"

Pourquoi un nouveau plan social de 187 suppressions de postes chez Pixmania ? Comment renouer avec la croissance ? Les explications du nouveau DG du groupe.

JDN. Confirmez-vous l'ampleur du plan social actuellement en négociation chez Pixmania ?

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Luis Krug, DG de Pixmania depuis le 1er avril 2014 © S. de P. Pixmania

Luis Krug, DG de Pixmania. Nous allons devoir supprimer 187 postes. Un tiers dans notre centre logistique de Brétigny-sur-Orge et deux tiers dans nos bureaux centraux d'Asnières, sur la plupart des métiers. Notre filiale de délégation e-commerce eMerchant n'est pas concernée.

Lorsqu'il a été décidé de fermer les magasins et de couper 12 pays fin 2012, le groupe britannique Dixons, à l'époque propriétaire de Pixmania, n'a pas supprimé les postes correspondants. Notre organisation actuelle est donc surdimensionnée par rapport à notre périmètre réel. Pour sauver ce qu'il est possible de sauver, il faut être réaliste. Cette restructuration opérationnelle est indispensable.

Combien de départs sont prévus dans votre deuxième siège, en République tchèque ?

André Calisti, DRH de Pixmania. Sur les 130 personnes que nous employons à Brno, seules les 50% travaillant pour Pixmania – et non pour eMerchant – seront affectées à hauteur d'une quinzaine de postes. Pour cela nous n'excluons pas de devoir procéder à quelques licenciements, mais le turnover naturel étant bien plus élevé en République tchèque qu'en France, nous pourrons jouer sur "l'évaporation naturelle" et nous contenter en grande partie de ne pas remplacer les départs. Il sera aussi possible de mettre fin à des périodes d'essai.

Comment se passent les négociations ?

Luis Krug. Un salarié nous accuse anonymement d'acheter les représentants syndicaux. C'est évidemment complètement faux. Les relations de la direction avec les élus du personnel sont bonnes car nous sommes entièrement transparents avec eux sur nos intentions et nos projets pour le groupe.

Mais 12% des collaborateurs de Pixmania ont fini par être des directeurs de quelque chose. Cet empilement hiérarchique n'a plus de sens dans notre organisation aujourd'hui. La restructuration, qui déconstruit notamment cette hiérarchie, fait donc des mécontents qui propagent ces mensonges.

Vous êtes arrivés à la tête de Pixmania le 1er avril 2014. Que mettez-vous en œuvre pour redresser la situation de l'entreprise ?

Luis Krug. Nous nous sommes d'abord attelés à améliorer la fonction achat. Pixmania n'a jamais bien acheté. 90% des achats étaient effectués en France, ce qui mettait l'entreprise en situation de grande dépendance par rapport aux fournisseurs français et la contraignait à accepter des prix bien moins intéressants que dans d'autres pays.

"Nous avons amélioré notre marge de 5,2% en moins de 3 mois"

Nous avons engagé des agents en freelance à l'étranger qui nous communiquent les prix pratiqués dans les autres pays. Simplement en comparant les prix, on arrive à obtenir de meilleures conditions, tout en continuant à acheter auprès de fournisseurs français. Par exemple, comme nous n'étions pas satisfaits des prix proposés par un fabricant, nous avons décidé d'acheter auprès d'un trader. Le mois suivant, le fabricant nous proposait de meilleurs prix.

Quels résultats en avez-vous tirés ?

Luis Krug. Depuis le 1er avril, c'est-à-dire en moins de trois mois, nous avons amélioré notre marge de 5,2% ! En conséquence, les prix que nous pratiquons sont plus concurrentiels et cela se ressent dans le chiffre d'affaires qui commence à remonter. Alors qu'il baissait mois après mois depuis 2012, entre avril et mai il a progressé pour la première fois, de 6%.

Je suis le fondateur de Redcoon, un e-commerçant européen très orienté discount. De même, je veux rendre Pixmania beaucoup plus agressif. Et pour cela, j'optimise tous les process achats. Nous comptons d'ailleurs améliorer notre marge d'encore 2 ou 3%.

Quelles autres actions avez-vous engagées ?

Luis Krug. La rotation du stock de Pixmania - durée moyenne entre l'arrivée des produits dans nos entrepôts et leur expédition vers les clients - était de 42 jours. C'est très long, car le stock se déprécie un peu plus chaque jour. Notre module achat, c'est-à-dire le système d'analytics qui nous dit combien acheter sans acheter trop, avait 12 ans et n'était pas optimisé pour faire de l'e-commerce. Nous avons donc mis en place un nouveau système. En moins de trois mois, nous sommes descendus à une rotation moyenne de 30 jours. Nous visons 15 jours mais la réalité sera sans doute plus proche de 20. Or réduire la rotation est d'une importance capitale. Concrètement, si nous passons de 45 à 15 jours, cela signifie que nous avons trois fois plus d'argent dans les comptes et donc que notre cash-flow est bien meilleur !

Pixmania a vu son chiffre d'affaires dégringoler de 897 millions d'euros en 2010-2011 à 822 millions en 2011-2012, 424 millions en 2012-2013 puis 280 millions en 2013-2014. Quelles sont vos prévisions pour les exercices à venir ?

Luis Krug. Sur l'actuel exercice 2014-2015, nous prévoyons d'atteindre 264 millions d'euros. C'est un chiffre réaliste et nous sommes pour l'instant en ligne avec cette prévision. Pour l'exercice 2015-2016, notre business plan table sur 320 millions d'euros de chiffre d'affaires.

"Sur les 69 millions d'euros que Dixons a versés à Mutares, il en reste 62 millions"

Fin mai vous avez lancé le site PixDeals.fr. Quel est son objectif ?

Luis Krug. PixDeals.fr est un site de ventes flash qui propose chaque jour un nouveau produit à un prix très réduit. Il va nous permettre de toucher une clientèle plus jeune que celle de Pixmania, qui se situe plutôt entre 35 et 45 ans. PixDeals devrait nous rapporter 5 ou 6 millions d'euros de ventes cette année et au minimum 15 millions sur l'exercice 2015-2016.

Quelles sont les prochaines échéances du plan de sauvegarde de l'emploi de Pixmania ?

Luis Krug. L'idée est d'avoir fini avant le 15 octobre. L'expert désigné par les élus du personnel a confirmé que le plan que nous leur avons présenté est viable et positif pour toutes les parties. Nous avons donc pu poursuivre les négociations, qui ont repris mardi afin de déterminer les packages que nous verserons aux gens qui partiront. Comme tout se passe bien, nous aurons peut-être fini dès la mi-août.

Le PSE n'a pas du tout le même objectif que celui qu'a mené Dixons en 2013. A l'époque, il s'agissait de diminuer les coûts, de transformer Pixmania en pure player et de fermer des pays pour ramener le groupe à un périmètre qui le rende vendable. Cette fois-ci, il s'agit d'un plan de restructuration visant à rendre à nouveau positif notre Ebitda et à nous remettre sur le chemin de la croissance.

Pour cela, nous voulons faire les choses bien. Et il y a de l'argent pour dédommager tout le monde. Sur les 69 millions d'euros que Dixons a versés à Mutares à la reprise de Pixmania fin 2013, il en reste 62 millions. Notre cash-flow n'est donc pas du tout mal en point. Mais si on ne change rien, on n'a du cash que pour 17 mois. Donc il faut être réaliste et changer notre façon de fonctionner. C'est à dire réduire nos coûts, accroître notre marge et accélérer la rotation du stock afin de gagner plus d'argent.

Certains salariés vous accusent de recruter en parallèle du plan de sauvegarde de l'emploi, ce qui est illégal. Que leur répondez-vous ?

Luis Krug. En trois mois nous avons recruté un directeur créatif pour eMerchant, société du groupe qui n'est pas concernée par le plan social, ainsi qu'une directrice pour un projet que nous lancions, PixDeals. C'est tout. Nous n'avons aucun recrutement en cours pour Pixmania.

eMerchant est-il en vente ?

Luis Krug. Non, notre intention n'est pas de vendre eMerchant. Nous cherchons un partenaire pour l'ensemble du groupe, capable de nous aider à croître à nouveau. Nous enregistrons toujours une très belle audience de 120 000 visiteurs uniques par jour en France. Nous avons maintenant besoin d'argent pour acheter tout ce que nous voulons vendre. Notre stratégie est aujourd'hui optimisée pour gagner de l'argent. Nous avons beaucoup à apporter à des groupes qui n'ont pas de savoir-faire en matière d'e-commerce et désirent y prendre position.

  

Luis Krug est le directeur général du groupe Pixmania depuis le 1er avril 2014. Diplômé d'un mastère en systèmes d'information de l'université DePaul, à Chicago, il débute sa carrière en 1999 en tant que business analyst chez Integrationware. Un an après il fonde le site marchand high-tech Electronica24 en Allemagne et en Autriche, qui revend à Ostheimer (Expert Group). En 2003 il fonde Redcoon en Allemagne et en Autriche, puis déménage à Barcelone pour lancer le site en Espagne et au Portugal. Il revend ses parts en 2005 mais reste jusqu'en 2008 à la tête de Rebelio, qui a cofondé en 2003. En 2005 il fonde le comparateur de prix espagnol Nogastesdemasiado, qu'il revendra en 2013. En 2008 il devient directeur des opérations de BuyVIP, site de ventes privées allemand qu'il restructure pendant un an (le site sera racheté par Amazon en 2010). En 2009, 2010 et 2013 il réalise des missions de conseil en Espagne auprès de Phone House, K-tuin et Miro. En 2009 il fonde Oferton Liveshopping, site espagnol de ventes flash actif sur six verticales. En 2013 il cofonde le site marchand espagnol de vélos DivaLocaBikes. En janvier 2014 il cofonde Comandia, solution de création et de gestion d'e-boutique. Le 1er avril il est nommé directeur général de Pixmania.