Comment Moda Operandi a "cracké" le modèle de l'e-commerce de luxe

Comment Moda Operandi a "cracké" le modèle de l'e-commerce de luxe En forte croissance, l'e-commerçant américain vient de lever 60 millions de dollars pour attaquer l'international avec son modèle économique bien particulier.

L'Américain Moda Operandi vient de lever 60 millions de dollars pour étendre à l'international son modèle de vente en ligne de mode haut-de-gamme et luxe. Car comme son nom l'indique, l'e-commerçant a adopté un fonctionnement bien particulier pour s'adapter au créneau. Traditionnellement, les marques limitent leur distribution aux étagères des grands magasins de luxe, ce qui leur permet de toucher leur paroisse de consommateurs les plus aisés. Elles ont toutefois tendance à remettre en cause cette politique d'exclusivité afin de cibler également les populations plus jeunes et plus technophiles au travers de sites et d'applications mobiles, qui ont en outre le mérite de les exporter dans des pays où les distributeurs haut-de-gamme se font rares. Moda Operandi fait partie des start-up qui se positionnent avec succès sur ce type de services aux marques.

Fondé en 2010, l'e-marchand a très rapidement noué des partenariats avec deux marques très établies : Alexander Wang et Valentino. Aujourd'hui, ce sont 250 marques haut-de-gamme et luxe qui les ont rejointes, aussi bien sur les boutiques en ligne de Moda Operandi que ses trunk shows. Auparavant réservés à une élite de modeuses triées sur le volet, ces journées "malles ouvertes" leur permettaient de voir et de précommander les articles d'un créateur de mode dès son défilé, sans attendre plusieurs mois qu'ils n'arrivent en magasin. Moda Operandi a porté ces trunk shows sur Internet, les rendant accessibles à tous. Concrètement, les collections entières sont disponibles en précommande moins d'une heure après le défilé. Les clients versent des arrhes à hauteur de 50% du prix de l'article et le reçoivent environ cinq mois plus tard, en même temps que les circuits de distribution physique.

Depuis 2013, l'e-marchand opère également des e-boutiques, qui là encore ne sont pas aussi classiques qu'on pourrait le croire. En se basant sur les données issues de l'analyse des ventes des trunk shows et sur le savoir-faire de ses propres stylistes, l'e-commerçant s'est fait une spécialité d'assortir chaussures, sacs et autres accessoires pour compléter les looks des défilés. Une offre qui, pour sa part, est disponible à l'achat immédiatement.

Croissance et marges bénéficiaires valident le modèle

Mêler ainsi big data et mode haut-de-gamme s'est vite révélé payant pour Moda Operandi qui, avec très peu de dépenses marketing, a accru son chiffre d'affaires de 70% en 2014 pour dépasser les 50 millions de dollars de ventes. Son panier moyen de 2000 dollars en fera d'ailleurs rêver plus d'un, tout comme ses marges bénéficiaires avoisinant 58%.

L'e-commerce de luxe n'en est qu'à ses balbutiements. Internet ne pèse qu'environ 1% du marché américain, contre 10 à 15% pour la plupart des distributeurs de mode. Une start-up qui a "cracké" le modèle de vente en ligne de mode haut de gamme avait donc de quoi susciter l'intérêt des investisseurs. Mené par Fidelity Investment, ce cinquième tour de table porte à 132 millions de dollars le total des fonds levés par Moda Operandi et valorise la société à 330 millions, quasiment deux fois plus qu'il y a un an.

L'e-commerçant prévoit désormais d'investir en marketing pour - enfin - aller activement chercher des clients. En Amérique du Nord bien sûr, mais bientôt aussi en Europe, au Moyen-Orient et en Asie. Son showroom ouvert l'an dernier à Londres pour tâter le marché a d'ailleurs dépassé toutes les espérances. Au lieu des 350 000 dollars de ventes attendues sur un trimestre, celles-ci ont dépassé 472 000 dollars sur la seule première semaine d'ouverture. Des showrooms ouvriront dans d'autres capitales de la mode durant les trois prochaines années.