Thierry Petit (Showroomprivé) "Showroomprivé veut devenir le numéro 2 européen des ventes privées, devant Privalia"

Showroomprivé attaque le Royaume-Uni, l'Italie et bientôt l'Allemagne, se lance dans les coupons et le voyage, démarre sur le mobile, prépare une campagne TV... Son fondateur Thierry Petit détaille sa feuille de route.

JDN. En quoi consiste votre stratégie 2011 ?

Thierry Petit. Elle suit quatre axes. D'abord, nous avons un fort travail de consolidation à réaliser. Cela passe entre autres par le recrutement de profils expérimentés pour notre top management, comme Hervé Simonin (ex Tiscali, Canal+ et Barrière) pour les nouveaux business, ainsi que par la mise en place de process et d'outils solides.

Par ailleurs, nous donnons un coup d'accélérateur au marketing, avec une campagne de notoriété à partir de septembre, notamment télévisée, afin d'être massivement présents de septembre à décembre. Le troisième axe est celui de la diversification, principalement dans le voyage et via le mobile. Et enfin le développement international. Nous nous sommes lancés au Royaume-Uni début mars en test et l'annonçons maintenant. Nous attaquons l'Italie fin mai et l'Allemagne en septembre.

Vous êtes présents en Espagne depuis juin 2010. Un premier bilan ?

Nos ventes dépassent 1,5 million d'euros par mois. C'est toujours inférieur à BuyVIP ou Privalia, mais nous ne sommes vraiment pas en position de faiblesse pour autant, puisque nous vendons aussi en France les marques que nous achetons en Espagne. Sur Showroomprive.es, une vente sur trois est locale, une sur trois française ou italienne, une sur trois internationale.

Réussir à l'étranger est très compliqué. Comment abordez-vous ces marchés ?

Pour réussir à l'étranger, il faut apprendre à connaître chaque pays spécifiquement. En Espagne, les consommateurs ne connaissent pas le concept des ventes privées, il faut donc utiliser d'autres mots. Même si l'offre est la même qu'en France, le marketing et la communication doivent être complètement adaptés. Par exemple les Britanniques utilisent moins le mail que nous. Quant aux Espagnols, ils sont beaucoup sur Hotmail ou MSN, ce qui oblige à faire très attention à la délivrabilité. Il faut aussi proposer des marques locales. Répliquer l'offre et acheter des bases ne fonctionne pas.

"Autant Vente Privée est un mur de béton, autant Privalia est un mur de polystyrène"

L'international est une opportunité d'aller chercher du volume et une masse critique. Nous avons débuté avec l'Espagne car c'était le marché plus simple, le plus semblable à la France. Cela nous a permis de caler notre logistique. Au Royaume-Uni, personne n'a réussi à part Pixmania. Nous y allons de façon mesurée, conscients de l'extrême difficulté du marché. Nous testons beaucoup de choses : réseaux sociaux, une affiliation un peu différente, les sites de vouchers et de coupons, des thématiques différentes sur le search... Les modes de recrutement sont très différents de la France.

Qui sont vos concurrents au Royaume-Uni ?

Ce sont bien davantage TK Maxx et MandM Direct, des énormes soldeurs, qu'Asos ou Net-a-Porter. D'autant plus que même si nous nous organisons pour réduire nos délais de livraison au Royaume-Uni, les clients restent livrés plus tard qu'avec ces derniers. Mais nous adresser aux fashionistas londoniennes nous coûterait trop cher.

Quelle est votre ambition, à l'échelle européenne ?

Notre objectif est d'être un numéro deux très fort derrière Vente Privée. Donc on se bat contre Privalia. On se bat bien sûr aussi contre Brandalley et les autres mais en Europe, pour les marques, l'autre acteur important, c'est Privalia. C'est aussi pour cela que l'Espagne est stratégique. Or autant Vente Privée est un mur de béton, autant Privalia est un mur de polystyrène. Ils ne sont pas bien placés sur les prix. C'est une grosse bulle. Menés par des fonds, ils n'ont qu'un seul sens : capitalistique. Leur objectif est de se vendre à Amazon ou eBay. Sauf qu'Amazon mis à part, je ne crois pas au modèle qui consiste à perdre de l'argent pendant dix ans. Cela n'empêche pas qu'ils nous embêtent beaucoup. Ils achètent n'importe comment, sans réalité économique en matière de marge, et faussent les relations avec les marques. Même si je ne crois pas à leur modèle, je ne peux pas les ignorer.

Et vos objectifs chiffrés ?

Nous visons un chiffre d'affaires compris entre 300 et 400 millions d'euros dans trois ou quatre ans. Showroomprivé restera toujours loin de Vente Privée, mais ce sera déjà une belle boîte... En Espagne, nous avions prévu 15 millions d'euros de chiffre d'affaires pour cette année mais nous devrions franchir les 20 millions. Les Espagnols achètent vite et ré-achètent très vite, c'est un très beau marché. Nous faisons très mal à Privalia.

"Nos premiers coupons seront en vente en juin"

Au Royaume-Uni par contre, nous ferons moins que prévu. Initialement nous avions tablé sur 5 millions d'euros en 2011, mais si nous dépassons 3,5 millions et sommes à l'équilibre hors dépenses marketing, ce sera bien. En Espagne par exemple, on connaît le coût d'acquisition, on sait comment on transforme, comment on fidélise. Mais le Royaume-Uni est beaucoup moins modélisable que les autres pays. Au total, nous tiendrons les 180 millions d'euros que nous avons annoncés pour 2011.

Le fonds américain Accel Partners est entré au capital de Showroomprivé en août dernier pour 37 millions d'euros. Est-ce lui qui vous encourage à attaquer l'Europe tous azimuts ?

Accel possède 10 % de Facebook : il peut sans problème attendre, avant de sortir de Showroomprivé ! Nous ne nous sentons donc pas sous pression et n'avons pas besoin de construire vite-fait mal-fait. Le phénomène des ventes privées est hallucinant, mais nous ne sommes pas une technologie virtuelle : il s'agit tout de suite d'équipes lourdes, de dépôts...

Le secteur des ventes privées demande beaucoup de moyens. Des commerciaux aux mannequins des shootings, il faut être bon partout, avec des coûts énormes et des moyens très puissants. D'où nos 20 000 mètres carrés de dépôt par exemple. Or externaliser à des prestataires coûterait trop cher, on est obligé d'internaliser. Tout cela dans une économie de discount. Nous devons donc sans cesse optimiser les process et les marges. C'est pour cela qu'il n'est pas possible de grossir en perdant de l'argent... et qu'il n'y aura pas beaucoup d'acteurs forts à long terme.

"0,5 % de notre chiffre d'affaires était déjà réalisé sur le mobile avant même la sortie de nos applis"

Avec Accel au capital, êtes-vous plus tentés de réaliser des acquisitions ?

Nous regardons effectivement des dossiers mais les acquisitions doivent absolument être très bien maîtrisées et, en outre, il y a un vrai fantasme sur la valeur des sociétés, qui sont valorisées beaucoup trop haut. Ceci dit, lorsqu'un dossier émerge, Accel l'analyse et nous l'envoie. C'est un formidable outil de veille. Par exemple, nous n'avons pas encore trouvé de société qui nous intéressait mais nous regardons les acteurs locaux en Italie et en Allemagne, pour démarrer plus vite. Plus largement, Accel nous a apporté le pilotage analytique à l'américaine, avec des KPI dans tous les métiers. Et bien sûr les prises de contact dans les autres pays se font beaucoup plus rapidement, grâce à son réseau.

Vous venez également de vous lancer dans les ventes événementielles de voyages...

Nous avons lancé notre offre de voyages en février, pour laquelle nous nous sommes dotés d'une licence d'agence de voyage. Contrairement par exemple à VP Voyages (Vente Privée), notre client reste sur le site de Showroomprivé jusqu'à la fin de la transaction. Nous avons développé un système d'envoi de vouchers et avons mis en place une équipe assurant un SAV en 24/7. Pour l'instant, nous faisons deux ventes voyage par semaine. Elles sont intégrées aux autres ventes mais nous n'excluons pas, comme Gilt, de les placer dans un univers Voyage.

Vous lancez aussi une activité de coupons ?

Le secteur n'a aucune barrière à l'entrée, seule compte la taille critique. Et la partie la plus importante du métier, nous l'avons avec nos 6 millions de membres. Nos premiers coupons seront donc en vente en juin. Nous avons développé une technologie spécifique pour nous intégrer au système d'information des magasins physiques. Les coupons offriront des réductions à valoir dans les points de vente d'enseignes de mode et cette offre sera regroupée au sein d'une marque spécifique. Nous proposerons aussi des coupons loisirs au travers de notre univers voyage.

Quid du mobile ?

Nous avons lancé en mars nos applications Android et iPhone, l'iPad est prévu pour avant l'été. Or avant même leur sortie, 0,5 % de notre chiffre d'affaires était déjà réalisé sur le mobile. Nous sentons bien que ce canal est très adapté à notre business. C'est l'un de nos gros projets.

Thierry Petit, diplômé de l'INT, débute sa carrière au sein des agences interactives Planète interactive et Brainsoft. En 1999, il crée le comparateur de prix Tooboo.com, qu'il cède à Libertysurf l'année suivante. Il en devient le directeur e-commerce, puis s'investit dans divers projets personnels, dirigeant notamment le magazine Mouvement, et entreprend un tour du monde de deux ans. En 2006 il fonde Showroomprivé.