Le Sénat veut ponctionner les revenus des cybervendeurs


Un amendement prévoit que les plates-formes de CtoC communiquent au fisc leurs coordonnées. eBay et PriceMinister s'insurgent.

Le sénateur UMP Philippe Marini vient de proposer un amendement au projet de loi de finances rectificative pour 2008 qui a provoqué de vives réactions de la part des plates-formes d'achat-vente entre particuliers. L'amendement prévoit l'instauration d'une taxe, d'un montant non précisé, visant les internautes qui réalisent plus de douze transactions par an ou un chiffre d'affaires supérieur à 5 000 euros hors taxes. Les plates-formes devraient en outre transmettre à l'administration fiscale les coordonnées des vendeurs qui répondent à ces critères.

Le dispositif envisagé par le rapporteur général de la commission des finances du Sénat a d'abord pour objectif de combattre le paracommercialisme. Cette pratique est le fait de vendeurs professionnels qui se cachent derrière le statut de particuliers pour ne pas avoir à payer de charges sociales, à procéder au recouvrement de la TVA ou encore à respecter un délai de rétractation des clients de sept jours.

Mais le fait d'assimiler une vente ponctuelle supérieure à 5000 euros à une activité de vendeur professionnel suscite la colère des plates-formes où sont réalisées ces ventes. "Un internaute qui revend sa voiture d'occasion sera imposé sur les revenus générés, alors qu'il n'a pas à l'être (...) Un autre qui revend, afin de pouvoir augmenter son pouvoir d'achat, ses CD, DVD ou livres fera également l'objet d'une telle taxation dès lors qu'il en aura vendu 12 au cours de l'année. Et de même pour celui qui vend de vieux meubles issus d'un héritage sur lequel il a déjà payé des droits de succession", se sont communément exclamé eBay et PriceMinister, qui s'étonnent que "ce dispositif unique dans le monde consiste pour la première fois à taxer les internautes sur la revente de leurs propres objets. Et ceci sans compter qu'elle s'accompagne d'une mesure potentiellement attentatoire aux libertés individuelles qui pourrait aboutir à la transmission d'informations nominatives sur plus de 15 millions d'individus !"

Les deux principales plates-formes françaises de CtoC s'offusquent particulièrement du nouveau rôle que Philippe Marini voudrait leur imposer. Selon elles, le texte "va jusqu'à créer une obligation de délation à la charge de l'ensemble des sites Internet. En début d'année, les sites devront dénoncer à l'administration fiscale tous les vendeurs particuliers ayant atteint ces seuils au cours de l'année précédente"

Le dépôt de cet amendement intervient après plusieurs mois de travaux au sein de la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (Fevad) avec les représentants du ministère pour améliorer le dispositif de lutte contre les "faux particuliers". Mi-novembre, Bercy, qui envisageait un seuil de 2 000 euros de recettes sur au moins 4 ventes pour taxer les vendeurs en ligne, avait laissé entendre qu'il accepterait de mettre au point avec les acteurs du secteur une autre distinction entre particuliers et professionnels (Lire l'interview de Marc Lolivier (Fevad) : Comment démasquer les faux particuliers du CtoC, du 13/11/2008).

Le Parlement a maintenant la possibilité d'adopter, d'amender ou de rejeter l'amendement Marini. Il devra prendre en compte à la fois le pouvoir d'achat des Français, qui se tournent de plus en plus vers cette nouvelle source de revenus, la lutte contre le paracommercialisme, mais également la recherche de sources de financement du budget de l'Etat. La loi devant être votée, en urgence, avant la fin de l'année, l'amendement a de bonnes chances de passer tel quel.