Peut-on gagner une campagne présidentielle sans internet ? No, we can't !

A l'aube des présidentielles de 2012, les partis politiques ont l'occasion de se saisir des Web analytics pour servir leur cause, comme l'a fait Barack Obama avant eux.

Il n'est plus très utile de rappeler que la France, autrefois légèrement en retard au vu de son équipement Internet, peut aujourd'hui s'enorgueillir d'un des meilleurs taux de pénétration de l'Internet haut débit en Europe. Hier réservé à une faible majorité, Internet est désormais dans (presque) tous les foyers français, et disponible également très facilement dans n'importe quel lieu public en bas de chez soi. D'ailleurs, le gouvernement lui-même a récemment décrit l'accès à Internet comme étant une nécessité, comme peut l'être l'accès à l'eau.

De la même manière que de moins en moins de gens ne disposent pas d'un accès à Internet, il n'existe quasiment aucune organisation (entreprise, association, parti politique...) qui ne possède son site Web. Cela fait maintenant près de quinze ans que la course au site a été lancée (par les entreprises) et, si au début elle consistait à mettre quelques informations éparses et pas toujours intéressantes à disposition des quelques poignées d'internautes, les choses ont changé depuis quelques années. Les sites vitrines, purement consultatifs et complètement statiques, ont presque disparu pour laisser la place aux sites marchands d'une part, mais plus récemment également aux sites communautaires.

Les entreprises consacrent donc beaucoup d'argent et de temps à leur(s) site(s) (tant en terme de conception pure que de génération de trafic), mais y introduisent également des objectifs précis (vente, inscription, demande d'information, remplissage de formulaire, téléchargement de logiciels ou brochures, chargement de contenu, etc.). Or, qui dit objectif dit vérification, et donc mesure. Seule la mesure permettra d'avoir un jugement sur la performance du site, en fonction des objectifs que l'on aura définis. Si l'on ajoute à cela l'émergence de Google Analytics (produit à la fois puissant et gratuit) et la récente crise qui tire les investissement non rentables à la baisse, on comprend aisément pourquoi le marché du Web Analytics est en pleine explosion.

Les entreprises les plus en avance en sont déjà à créer des postes, voire des équipes complètes, dédiées à l'installation, la lecture et l'interprétation des outils de Web Analytics. Elles sont déjà nombreuses dans ce cas aux Etats-Unis, et, même si elles se comptent probablement sur les doigts d'une main en France, la tendance est bien là. Il ne reste plus qu'à la suivre (ou mourir ?).

Inciter à donner des avis, échanger des idées
Mais, nous l'avons dit, le Web Analytics n'est pas uniquement l'affaire des entreprises. La campagne électorale régionale constitue le moment idéal pour marier Web Analytics et politique. Si les hommes politiques n'ont pas pour habitude d'être à la pointe des avancées technologiques (souvenons-nous de la fameuse souris de M. Chirac), ils essaient néanmoins de répondre aux défis technologiques (avec plus ou moins de succès, mais bon...). Avec quelques années de retard, ils ont commencé à faire des sites pour présenter leur programme (le prototype du site vitrine, évoqué plus haut). Puis, encore avec quelques années de retard, ils ont lancé des initiatives marketing, investissant notamment dans les liens sponsorisés pendant la dernière campagne présidentielle. Et finalement, toujours avec quelques années de retard, ils se lancent aujourd'hui dans les sites à interaction, privilégiant notamment les réseaux sociaux.

Ici, l'UMP a lancé une plate-forme communautaire appelée Les créateurs de possible. Là, le PS a déployé un réseau social nommé La coopol. Les autres partis, évidemment ne sont pas en reste. Aujourd'hui, en pleine campagne des élections régionales 2010, on parle beaucoup de ces initiatives. Leur objectif est plus ou moins le même : inciter les gens à donner leur avis et échanger des idées. Il n'est donc pas question pour eux de se borner à compter le nombre de visiteurs, voire de pages vues : cela ne donnerait aucune indication quant au succès de leur site. Il est nécessaire d'obtenir des chiffres plus fins, tels que le nombre d'inscrits, par exemple, ou le nombre de discussions, d'initiatives, ou de projets créés par les utilisateurs, puis de les croiser avec des informations concernant les sources de trafic, afin d'en tirer des conclusions concernant l'évolution du site en lui même, et le contenu que l'on va proposer à l'internaute pour l'inciter à s'inscrire et participer.

Une fois n'est pas coutume, tournons-nous vers les Etats-Unis pour obtenir un exemple précis de la manière dont les politiques peuvent tirer profit du Web Analytics. J'ai eu la chance d'assister l'année dernière à une présentation intitulée "Comment nous avons utilisé les données pour gagner l'élection présidentielle". Elle était animée par Dan Siroker, l'homme qui a monté et dirigé l'équipe Web Analytics de Barack Obama.

Augmenter les dons grâce au Web analytics
Le titre de la présentation vous semble arrogant ? Détrompez-vous : il est excessivement juste. Car c'est bien sur Internet que Barack Obama a gagné les élections, enregistrant sur son site officiel beaucoup plus de visite que son concurrent John McCain, totalisant beaucoup plus de vidéos vues ou d'amis FaceBook, et surtout, surtout, collectant plus de trois fois plus de fonds ! Or, cette somme s'est avérée cruciale dans la bataille finale, au moment de créer et diffuser des spots publicitaires par exemple.

Comment Barack Obama a-t-il donc fait ? C'est simple (ou presque) : il a fait appel à une équipe de Web Analysts. Après avoir défini des objectifs clairs et précis (s'inscrire à la newsletter officielle dans un premier temps, puis faire un don dans un second temps) ces derniers ont utilisés Google Analytics (outil de Web Analytics, gratuit) et Google Website Optimizer (outil de test de site Web, gratuit) pour ajuster le contenu de la page d'accueil du site à la typologie des utilisateurs.

Ils se sont tout d'abord concentrés sur les inscriptions à la newsletter, et son partis d'un postulat simple : il est impossible de savoir à l'avance quelle page d'accueil va inciter les gens à s'inscrire, et qu'il est donc critique de tester différentes versions et de les comparer en fonction de cet objectif bien précis. Ils ont donc conçus différents visuels (des images de Barack Obama entouré de sa famille ou de partisans) et plusieurs version d'appel à l'action ("En savoir plus", "Inscrivez-vous", "Rejoignez-nous", etc.). Grâce à Google Website Optimizer, ils ont facilement conçu des tests dans lesquels ils faisaient tourner les différents contenus, en mesurant quelle combinaison générait le plus d'inscription. Cela a donc permit d'obtenir la page d'accueil la plus performante, et d'augmenter le nombre d'inscrits à la newsletter.

Ils ont compliqué les choses pour le don, et, en combinant Google Analytics et Google Website Optimizer, ont mesuré l'impact de différents appels à l'action ("Donnez maintenant", "Merci pour votre don", "Pourquoi donner ?", "Donnez et recevez un cadeau", "Contribuez") en fonction du profil du visiteur (non inscrit à la newsletter, inscrit à la newsletter sans avoir fait un don, ayant déjà fait un don). Ils se sont rendu compte que les tendances étaient différentes en fonction des profils, et ont pu par la suite adapter les boutons d'appel à l'action en fonction des visiteurs, augmentant ainsi les chances de récolter des dons.

En laissant Dan Siroker monter ce projet, l'équipe de Barack Obama a fait preuve d'une maturité Internet et d'une compréhension des enjeux Web que très peu d'entreprises ont en France à l'heure actuelle, mais qui est en train de se développer à très grande vitesse.

En revenant quasiment à la hauteur des entreprises, grâce notamment à la nouvelle génération émergente au sein des partis, cette génération qui connaît et maîtrise Internet, les politiques ont une occasion unique de bénéficier dès aujourd'hui des enseignements que les entreprises ont mis plusieurs années à comprendre, de profiter des outils disponibles et maîtrisés par de plus en plus de spécialistes, le tout pour se rapprocher de leurs électeurs potentiels. C'est à n'en pas douter une étape obligatoire en vue de la prochaine échéance électorale majeure, les élections présidentielles, dans deux ans. Bref, ils ont aujourd'hui une chance unique de refaire leur retard, à eux de la saisir !