Les meilleurs extraits de "L'Art de communiquer lors des grands procès" Le silence de Kerviel comme arme de communication

« Si le silence est pour certains un aveu, il était ici la stratégie de communication mise en place pour protéger le jeune homme. Il fallait gagner cette bataille médiatique par le silence comme une réaction inversement proportionnelle à l'attention qui lui était portée. Face à la violence des propos tenus par les responsables de la Société Générale (c'est un terroriste ! un voleur !) et au harcèlement de certains médias, le silence devenait la seule arme opportune. C'était d'autant plus nécessaire, comme le note Hugues Le Bret, que la personne devant s'exprimer risquait de s'emporter ou de déformer le message préparé. Malgré toute sa compétence, les premières déclarations de Daniel Bouton, par exemple, furent particulièrement maladroites.

"Il fallait gagner cette bataille médiatique par le silence comme une réaction inversement proportionnelle à l'attention qui lui était portée."

Un autre point important était de "profiter" de l'attention de la presse, qui se trouvait être majoritairement en faveur de Jérôme Kerviel ou, tout au moins, d'une neutralité bienveillante. Si l'on pouvait supposer, avec toutes les mises en garde nécessaires, que certains journaux économiques, dans une période financièrement difficile pour eux, ne souhaitaient pas risquer de perdre un de leurs plus gros annonceurs, les autres périodiques publiaient des articles plutôt favorables. Jérôme Kerviel, depuis le début de l'affaire en janvier 2008, n'avait jamais pris la parole officiellement dans les médias, alors même que les Français avaient l'impression de le voir partout et de n'entendre parler que de lui. Mais ne pas être cité dans un article de presse, ne pas être filmé pour une émission ou un journal et ne pas être enregistré par une radio ne signifie pas qu'il était silencieux avec les journalistes. La seule prise de parole officielle était celle de ses avocats, mais il avait décidé que lui-même s'exprimerait régulièrement, en off, avec la presse. [...]

La présence du conseiller en communication jusqu'au premier procès a permis d'améliorer le dispositif ainsi que la gestion des médias. Mais ce n'était pas suffisant. La présence de ce conseiller a été acceptée parce que c'était un choix de Jérôme Kerviel lui-même et un vrai soulagement aux moments "chauds" de l'instruction ainsi qu'une opportunité d'imposer une meilleure distribution de la prise de parole de chacun. Pourtant, cela n'a pas fait disparaître certaines réticences...  »