Émotion numérique et plaisir digital

Le numérique ne doit-il pas, tout compte fait, être d'abord considéré sous l'angle de l'émotion qu'il procure au consommateur ?

Du numérique à l'anti-matière

Au premier abord, on serait tenté de dire (un peu abruptement) que le numérique permet en quelque sorte de dépasser la matière et d'aller là où l'offre physique ne saurait aisément se faufiler. Ainsi, Amazon pourrait difficilement bâtir un magasin assez large pour présenter les millions de références disponibles : là le numérique permet d'organiser et de scénariser l'offre — et que cette dernière soit numérique ou "papier" importe peu, finalement.
Un constructeur automobile s'inscrit dans une démarche similaire : aucune concession ne saurait présenter exhaustivement les gammes disponibles en tenant compte de l'ensemble des versions et options disponibles. La mécanique est connue : une fois la prise d'informations effectuée sur le site Internet de la marque, le client peut se rendre au point de vente et finaliser son choix.
Dans les deux exemples ci-dessus, le numérique permet avec succès d'optimiser l'étape finale de vente :
  • en conviant le client ou futur client dans un univers clair, rassurant et attractif
  • en présentant les offres disponibles de façon organisée et pertinente
  • en préparant les étapes ultérieures de façon à ce que le parcours global client soit aussi fluide que possible
Mais certains acteurs sont tentés d'aller plus loin et se disent "franchement, pourquoi s'embêter avec la matière ? Basculons massivement au tout numérique !". C'est ainsi que, par exemple, des organisateurs de salons sont passés au 100% virtuel, comme dans le domaine de la franchise : n'est-il pas un peu paradoxal de promouvoir ce type de commerce de façon dématérialisée, alors que le contact physique y est quand même une des clés de la réussite ?
Nous sommes là quasiment dans une sorte "d'anti-matière" : à trop évacuer le monde physique pour privilégier un univers numérique monobloc, on perd, nous semble-t-il, de la consistance. Le parallèle est facile avec les êtres virtuels tellement plus simples à fréquenter que les vivants... Sauf qu'il manque une donnée essentielle — l'émotion.

Le numérique au service de l'émotion

Nous sommes convaincus que l'émotion que suscite une offre auprès de ses publics est une donnée majeure, notamment dans des marchés hyperconcurrentiels.
Dans ces conditions, pourquoi ne pas envisager le numérique comme une sorte "d'exhausteur émotionnel" :
  • en permettant à l'émotion de naître très en amont de l'offre, grâce au "labourage numérique" sur long silo qu'effectuent les marques sur l'ensemble des supports numériques
  • en décuplant l'impact émotionnel de l'offre lorsqu'elle apparaît devant le consommateur, lequel est invité à en explorer les multiples dimensions, grâce aux bienfaits de la technologie — réalité augmentée, réalité virtuelle, immersions variées, etc.
L'intensité sera alors à son niveau maximal lors de l'achat, de la possession et de l'utilisation de l'offre : nous sommes là dans une logique de chaîne de valeur de l'offre, où le numérique contribue à la valeur émotionnelle de l'offre.
Le débat n'est donc pas "pour ou contre le numérique" ou encore "tout numérique ou pas", mais "comment le numérique accroît la valeur émotionnelle de l'offre".

L'émotion ou le plaisir digital

De l'émotion au plaisir, il n'y a qu'un pas.
Mais, qu'appelons-nous plaisir ?
Plaçons-nous en situation d'achat et demandons à un consommateur pourquoi il va vers telle offre plutôt que telle autre : la réponse sera probablement "parce que celle-là me plaît davantage".
En s'exprimant de la sorte, ce consommateur indique la présence de deux phénomènes dignes d'attention :
  • une connivence immédiate qui s'établit avec l'offre
  • et le lien particulier qui se noue, ou va se nouer, avec ladite offre
En analysant plus avant ces deux phénomènes, il ressort que :
  • si la connivence n'est pas forcément irrationnelle, elle se situe au-delà du territoire objectif — on ne raisonne pas encore, on est sous le coup d'une émotion
  • le lien est d'une nature, d'une intensité et d'une durée de vie variables : il résulte de la façon dont l'offre est appréciée au cours du temps
Autrement dit :
  • la connivence est un choc émotionnel
  • le lien est la façon dont ce choc émotionnel évolue tout au long de la possession ou de l'utilisation de l'offre
Dans ces conditions le plaisir numérique, c'est la recherche d'un choc émotionnel qui passe sans rupture de flux d'un support à un autre, dans le but de spécifier et magnifier l'offre.

Pour aller plus loin

Le lecteur pourra se procurer La chaîne de valeur de l'offre — Maîtrise des processus stratégique, marketing, design et communication où ces notions de plaisir et d'émotion sont analysées en détail.