Le tracking est-il dangereux ?

Réseaux sociaux, moteurs de recherche, commerce en ligne, dématérialisation de documents administratifs et bientôt du carnet de santé, messageries … internet est devenu incontournable pour un nombre croissant d’individus et d’opérations. Mais surfer sur le web n’est pas anodin...

L’origine du tracking : nous avons peut-être fait nous-même notre malheur. Nous sommes tous contents d’avoir accès à un moteur de recherche pour trouver un restaurant près de chez nous, traduire une page écrite en langue étrangère, préparer un voyage … ou encore d’utiliser une messagerie gratuite comme gmail ainsi que le font 900 millions d’utilisateurs dans le monde(1). Quant à Facebook, il compte 1,5 milliard d’adeptes(2), loin devant Linkedin, qui en totalise tout de même 400 millions(2).

 

(1) : http://www.blogdumoderateur.com/chiffres-google/

(2) : http://www.blogdumoderateur.com/facebook-france-30-millions/

 

Et nous ne payons aucun abonnement pour ces services ! Mais nous connaissons tous à la fois l’adage « si c’est gratuit, c’est vous le produit », et la suite de l’histoire : les acteurs du net, pour se rémunérer, se sont tournés vers les marques et les annonceurs … ils ont utilisé le tracking.

Ce jour-là nous avons croqué la pomme !

Tracking, mode d’emploi

Dès que l’on se rend sur internet, nous laissons des informations nous concernant : un avis ou un like sur Facebook, les recherches que nous avons effectuées dans la barre de Google, les sites que nous avons visités …

 

C’est là que le tracking intervient : des algorithmes vont chercher à comprendre votre comportement, vos recherches afin de vous présenter une publicité ou une recommandation en fonctions de ces facteurs. A l’origine, le tracking doit donc permettre de vous envoyer moins de messages mais hyper personnalisés au lieu d’envoyer tout et n’importe quoi à tout le monde.

C’est une stratégie « gagnant-gagnant » : l’internaute reçoit des informations susceptibles de l’intéresser sans rien débourser pour surfer sur le net et l’annonceur a plus de chance de le transformer en utilisateur ou en client. Le coût de ses campagnes s’en trouve diminué – moins d’envois mais bien ciblés- et il peut les analyser afin de les améliorer.

Tracking par cookies et IP-tracking, une différence de taille !

Le tracking a donc été rendu possible grâce aux cookies, et dans la mesure où l'internaute a été informé et a donné son consentement préalable. Ils s'inscrivent dans le cadre de la loi Informatique et Libertés et de la directive européenne 'paquet télécom'.

 

Ces cookies permettent aux développeurs des sites internet de conserver les données utilisateurs pour faciliter la navigation et activer certaines fonctionnalités (comme par exemple l'accès à certaines pages sécurisées d'un site ou bien encore le stockage d'articles dans un panier). Ils attribuent des identifiants à l’internaute mais celui-ci reste anonyme. Les cookies ne collectent pas de données personnelles et ils sont spécifiques à chaque site visité. Ils permettent d'analyser le comportement d’un visiteur mais sans connaître son nom, ses coordonnées, sa localisation … Les données personnelles, la vie privée de l’internaute sont donc protégées.

Mais sous la pression économique et concurrentielle, la mondialisation des échanges etc …, la tentation d’aller toujours plus loin est grande : ultra-personnalisation, connaissance de qui nous sommes, où nous habitons, quand nous nous déplaçons et où …  et l’IP tracking est apparu.

L’internaute quitte un site, en visite un autre et aucun rapprochement n’est normalement fait entre les deux. Et pourtant … nous nous sommes tous un jour posé cette question : mais comment une entreprise qui possède un site sur lequel je n’ai jamais laissé aucune donnée peut-elle m’envoyer un mail ou une publicité quand je retourne sur Internet ?

Ceci est rendu possible non par le tracking utilisant les cookies, mais par celui qui est effectué via les adresses IP, l’IP Tracking.

IP tracking et DMP, un dangereux virage

L’IP tracking est le fait de suivre le comportement, les activités d’une adresse IP, cet identifiant numérique unique qui est nécessaire à tout dispositif se connectant à internet. Or cette adresse IP est nominative et peut être considérée comme une donnée personnelle car elle peut identifier une personne physique.

C’est ainsi que vous vous vous voyez proposer les dernières destinations de voyage que vous avez consulté le matin même.

L’anonymat est levé et les possibilités ont été amplifiées par la création des DMP, des plateformes de gestion de données généralement accessibles en mode SaaS qui centralisent les données récoltées sur de multiples sources et qui vont effectuer des recoupements entre elles.

Collecte et croisement de données : la fin de l’anonymat

Prenons un exemple : j’achète régulièrement des livres sur l’histoire contemporaine sur une librairie en ligne, je laisse mon adresse pour recevoir mes achats. Sur un autre, je vais laisser en plus mon n° de téléphone pour être contacté par le livreur. Sur Facebook, j’ai dû indiquer ma date de naissance pour m’inscrire – ce n’est pas la vraie mais j’ai été obligé de donner la bonne à l’agence de voyage qui réserve mes billets TGV, je like et je partage régulièrement des posts concernant la gastronomie. Sur Linkedin je regarde les offres d’emploi dans le secteur du marketing. Je me rends quasiment quotidiennement sur des sites de croisières car je prépare mes vacances d’été … Je consulte des sites variés, j’ai plusieurs adresses mail, personnelles et professionnelles, et j’utilise parfois l’une parfois l’autre …

Toutes ces données collectées vont être hébergées dans une DMP et croisées entre elles pour dresser un profil complet.

Non seulement l’annonceur connaîtra mes habitudes de navigation, d’achat, mon comportement en ligne mais surtout mon nom, l’ensemble de mes coordonnées, mon âge, ma CSP, mon lieu de résidence … Si vous avez plusieurs adresses email, les algorithmes vont le détecter et vous identifier comme une seule et même personne. Ils vont également être capables de déterminer quel est votre véritable date de naissance en fonction du degré de crédibilité de la source.

Avec ces fichiers établis par les DMP, les annonceurs vont pouvoir nous faire parvenir des propositions publicitaires très ciblées. En connaissant tout de vous, on va même extrapoler vos comportements : c’est ce qu’on appelle le marketing prédictif. Celui-là même qui va permettre à Amazon de vous envoyer des produits que vous pourrez lui retourner s’ils ne vous plaisent pas.

Repenser le modèle ?

L’internaute qui accepte de laisser des informations sur un site, le fait car il a confiance en cette entreprise, il ignore bien souvent quelle utilisation sera faite de ses données et il peut légitimement être inquiet. Si la CNIL a bien autorisé les cookies, elle s’est bien sûr opposée à l’IP tracking.

Mais une réponse seulement juridique est-elle satisfaisante ?

En réalité l’internaute est malheureusement démuni face à cela. La défiance s’est installée entre lui et la grande nébuleuse du Net. Il se sent spolié, il ne sait pas qui utilise ses données, où elles sont stockées et à qui elles sont revendues.

La relation est faussée. Il a conscience que ses données représentent une valeur marchande mais il n’en voit pas la contrepartie. Souvent assailli de publicités, il installe des ad-bloqueurs pour ne plus les voir lors de ses navigations. Au final, ce sont les annonceurs qui sont perdants car ils n’atteindront pas leurs cibles et auront dépensé de l’argent en vain.

Ne faut-il pas sortir des techniques classiques du marketing et penser disruptif ? Repenser la relation entre les annonceurs et les consommateurs ?

Ce n’est peut-être pas suffisant de dire que l’on va mettre le consommateur au cœur de sa relation client ! Il faut le rendre acteur.


C’est en lui redonnant le pouvoir de choisir, en écoutant ce qu’il a à dire et en le respectant, qu’un véritable dialogue entre les marques et l’internaute est possible, évitant ainsi le rejet des premiers par le second.