Le grand marché de la data marketing décolle enfin

Le grand marché de la data marketing décolle enfin Sur Web fixe comme sur mobile, les plateformes de vente de données 3d party attirent de plus en plus d'acheteurs. Parce que les mentalités changent… et la donnée proposée aussi.

La data s'émancipe enfin du média. Alors que sa vente s'est longtemps cantonnée à des bundle "data + média", l'or noir du ciblage publicitaire se monétise désormais sous sa forme la plus brute : le cookie ou l'identifiant unique. Les spécialistes du data exchange comme Nielsen Marketing Cloud et Adsquare se frottent les mains. L'activité de ces places de marché où l'acheteur vient créer ses propres segments d'audience pour les activer sur le DSP de son choix explose. "Nous observons clairement un boom dans l'utilisation de la data à des fins marketing en 2017. Notre chiffre d'affaires a carrément doublé sur ce secteur !", détaille Emilie Carcassonne, vice-présidente Europe du Sud de Nielsen Marketing Cloud

A croire cette dernière, le décollage s'explique d'abord par un changement de mentalité au sein des agences médias. Celles-ci ont longtemps fait de l'achat de data une simple variable d'ajustement. "Elles ne lui consacraient un budget qu'en dernier recours et elles le sacrifiaient en premier si les ressources venaient à manquer en cours de campagne". Le business de la data a aussi profité de l'internalisation des achats programmatiques par une partie croissante des annonceurs. Emilie Carcassonne estime qu'ils sont une trentaine en France à avoir pris un siège en direct chez les principaux DSP pour gagner en autonomie et transparence. "Ces annonceurs sont plus enclins que les agences à acheter de la data telle quelle."

La transparence, c'est aussi le mot d'ordre d'Adsquare qui, avec sa plateforme "Audience management platform", donne tout le contrôle à l'acheteur. Ce dernier y crée ses propres segments d'audience en fonction des typologies qui l'intéressent et les active via les principaux DSP qui font de l'achat mobile : DBM, Appnexus, Hawk de Tabmo… Pas de bundle "media + data" chez Adsquare. Ce modèle, selon Vincent Tessier, VP demand chez Adsquare, a longtemps nui à la perception de la valeur de la data. "Les choses changent. De plus en plus d'acheteurs sont même prêts à mettre plus dans la data que dans l'achat média."

L'essor de la data intentionniste

Si les choses ont bougé, c'est aussi que la data proposée a évolué dans le bon sens. "2017 marque l'arrivée de la data intentionniste, que ce soit chez Amazon ou Casino via relevanC", note Emilie Carcassonne. Ces données sont très prisée par les marques de bien de consommation, les FMCG, qui, d'après Emilie Carcassonne, font face à une "vraie pénurie de data", cette dernière étant captée par leurs distributeurs (e-commerçants et retailers). Nielsen Marketing Cloud s'est positionné sur ce créneau intentionniste depuis fin 2016, avec près de 1 350 segments type consommateurs de boisson gazeuse, bière, yaourt.

Les FMCG face à une "vraie pénurie de data"

A chaque type de campagne, sa data. L'intentionniste pour la performance, la socio-démographique pour le branding et la donnée de centres d'intérêt pour les campagnes vidéos. "Cette dernière se vendait très peu jusque-là et explose alors que beaucoup d'annonceurs font basculer une partie de leurs investissements TV vers le digital", constate Emilie Carcassonne. Sur mobile, le socio-démo est par ailleurs très prisé. Adsquare a récemment ajouté à son offre un accès simplifiée à la mesure de référence de Nielsen pour les publicités digitales, Nielsen Digital Ad Ratings.

Nielsen va encore plus loin depuis l'acquisition de la société d'insights, Visual DNA, et la mise en place de segments psychographiques qui permettent de cibler le consommateur en fonction d'une palette d'émotions. "On réagit différemment à un message selon que l'on est introverti ou extraverti", illustre Emilie Carcassonne. Les segments anonymisés sont constitués grâce à des questionnaires de 60 questions distribués via Facebook et le search sous la forme de tests de personnalité.

Et le mobile dans tout ça ? Celui-ci prenant une part de plus en plus importante dans les budgets des annonceurs, la question de la data cross-device, pour être capable de maîtriser la pression publicitaire entre différents supports, devient primordiale. Pour répondre à la problématique, "nous réconcilions des données de manière probabilistique" pour matcher les utilisateurs entre différents appareils, explique Emilie Carcassonne.  Utilisateur d'Adsquare,, Dominique Latourelle, est enthousiaste :  "une stratégie audience planning, basée sur l'ID mobile permet de générer plus de performance pour nos clients. Notamment en drive to store où nous observons +25% de trafic via l'usage de segments d'audience mobile comportementaux ou géolocalisés", explique le mobile strategist de Dentsu Aegis Network. 

Un espace pour vendre sa donnée mobile en blind

On en est encore qu'aux débuts. "L'achat mobile était quasiment nul chez nous en 2016. Ça commence tout juste", pointe Emily Carcassonne. Adsquare, qui propose déjà de cibler 35 millions de users mobiles grâce à la data fournie par 75 providers (dont 16 opèrent en France), espère accélérer les choses avec son Adsquare Data Alliance, qui permet aux éditeurs d'applications qui le désirent de monétiser leur data en blind (sans que l'on ne sache d'où elle vient).

"Ça permet à ceux qui la commercialisent déjà via des bundle proposés par la régie d'éviter toute cannibalisation, explique Vincent Tessier. Monétiser leur donnée est un moyen de développer les revenus sans ajouter de pression publicitaire au sein de leur application." Pour Adsquar,e c'est parfois le moyen de convaincre ces éditeurs de monétiser jusqu'à leur donnée loguée déterministe. "Quand un éditeur vend sa data de manière transparente c'est lui qui choisit la grille de prix. Sur la data alliance, c'est nous qui définissons les tarifs."

"Avec l'arrivée du RGPD, certains ont des scrupules à acheter des données mobiles"

Reste qu'Adsquare devra, comme l'ensemble des acteurs qui opèrent sur ce terrain de la data mobile, composer avec la pudeur d'une bonne partie du marché de l'achat média. "Avec l'arrivée du RGPD, cerrtains annonceurs ont des scrupules à acheter des données mobiles car le device ID est une donnée autrement plus sensible que la donnée cookie", éclaire Emilie Carcassonne. L'épisode Teemo illustre bien à quel point la data mobile peut cristalliser les peurs en matière d'atteinte à la vie privée. Du côté d'Adsquare on préfère d'ailleurs se prémunir contre toute équivoque. La société vient d'annoncer qu'elle faisait partie de l'initiative open source OpenLocate qui propose un SDK open source que les développeurs d'applications peuvent intégrer. L'objectif ? Contrôler à qui ils transfèrent leurs données de géolocalisation.

Si 2017 a consacré les débuts du courtage de data pure, le marché espère que 2018 et l'arrivée du règlement eprivacy ne l'enterrera pas. Un éditeur ne sera plus assuré de pouvoir demander aux utilisateurs s'il accepte les cookies 3d party sur son propre site, comme l'a relevé l'IAB. Une véritable épée de Damoclès suspendue au-dessus du business de Nielsen et consorts.