Olivier Rippe (OPMG) "La DMP est la plus grosse arnaque de ces dernières années"

Le nouveau PDG d'Omnicom Precision Marketing Group revient sur les gros enjeux data des marques à l'heure du RGPD et du ciblage à tout va.

JDN. Vous avez été nommé CEO d'Omnicom Precision Marketing Group (OPMG) en septembre, que regroupe cette entité ?

Olivier Rippe, CEO d'Omnicom Precision Marketing Group. © S. de P. OPMG

Olivier Rippe. Omnicom a créé OPMG il y a un an avec le débauchage de Luke Taylor, qui était le patron de Digitas Monde (groupe Publicis, ndlr). Omnicom, numéro un mondial de la publicité, a grandi depuis 15 ans par croissance organique, pendant que WPP et Publicis, pour ne parler que de ceux-là, sont arrivés là où ils sont aujourd'hui par de la croissance externe. Néanmoins, il y a des acteurs qui sont entrés dans le marché de l'adtech et du martech, comme Accenture, Deloitte et d'autres. Ils y sont entrés par le biais du programmatique, profitant du désintérêt des agences média parce que ce n'était pas leur modèle et des agences de communication parce que ce n'était pas de la pub. Ce marché, que j'appelle la publicité adressée, n'existait pas il y a cinq ans,. Il pèse quatre milliards de dollars et il est en croissance. Pour un groupe comme Omnicom, il y a une opportunité à saisir pour créer un relais de croissance, là où la pub et le média, nos deux secteurs traditionnels, sont en souffrance.

D'où la création d'OPMG ?

D'où en effet la création de cette structure dans laquelle sont regroupées les expertises numériques et CRM dont la culture est au fond la même. Il y a donc Proximity et Rapp, qui sont présentes en France mais aussi Organic, Javellin et Targetbase.

Une structure dont vous êtes le patron ?

Exactement. J'ai quitté mes fonctions de CEO de CLM mais je reste coprésident de BBDO avec Valérie Accary. Nous avons plus de 25 % de budgets en commun et sur des pitches comme PMU, nous y allons ensemble. Mais OPMG, qui compte aujourd'hui 410 personnes, a vocation à travailler avec l'ensemble du réseau Omnicom : DDB, TBWA… OPMG pèse aujourd'hui 700 millions de dollars, c'est beaucoup, mais ce n'est rien par rapport aux 4 milliards d'Accenture. Il y a donc des opportunités. Mais c'est un marché très fragmenté avec beaucoup d'acteurs qui complexifient la chaîne de valeur. En revanche, c'est le secteur d'avenir parce que la publicité adressée sera la seule acceptable et efficace. La télévision tend dans cette direction, comme c'est déjà le cas au Royaume-Uni et aux États-Unis.

En quoi la publicité adressée modifie-t-elle le marché ?

Dans la communication, il y a l'insight, qui est le plus grand dénominateur commun. C'est à partir de là que naît l'idée publicitaire avec un grand I. Jusqu'à présent, l'enjeu était de diffuser cette idée au plus grand nombre. Aujourd'hui, la publicité adressée permet de répondre à toutes les motivations d'achat différentes, à tous les moments du processus de décision. L'idée est toujours là, elle est essentielle, mais elle peut prendre une dizaine d'expressions différentes selon les canaux ou les moments. Il faut répondre à des motivations différentes. Quand quelqu'un tape une requête sur Google, il faut que je puisse lui adresser un contenu spécifique correspondant à cette recherche. Quand quelqu'un clique plusieurs fois sur une même publication sponsorisée sur Facebook, il faut pouvoir répondre à ce qui est manifestement un désir. Je n'oppose pas du tout l'idée au marketing, au contraire. On peut avoir une grande campagne pour faire de la notoriété, et simultanément des actions qui répondent à des enjeux spécifiques.

C'est ce que va vendre OPMG…

Absolument, avec deux marques en France : Proximity et Rapp. C'est la complémentarité de la culture de l'audience avec celle de la technologie. Et puis, OPMG va se renforcer avec l'apport d'autres marques, certaines du réseau Omnicom, et celles que nous rachèterons. Tout cela se fera au service du permission marketing qui permettra de redonner le goût de la pub. C'est toute la différence avec le programmatique qui se fait à l'insu de l'internaute.

Vous parlez d'acquisitions. Dans quel domaine auront-elles lieu ?

Il y aura deux types d'acquisition, la technologie et le média platform. En technologie, notre cible est la gestion de bases de données clients. Je n'ai jamais cru à la DMP qui repose sur le third party, autrement dit sur les cookies, qui sont dans le collimateur du régulateur. En revanche le DSP ou les CDP (customer data platform), ça, c'est de la technologie intéressante pour nous. En média, il nous faut des boîtes qui savent opérer les plateformes : Facebook, Google, Amazon, mais aussi des régies comme Gravity et les chaînes de télévision. Dans les trois prochaines années, il y aura six ou sept gros acteurs qui vendront de la donnée qualifiée et surtout autorisée qui permettra d'adresser des audiences et de répondre à des motivations.

La créativité est aussi un autre moyen de réconcilier la pub avec les consommateurs ?

Certainement. On est sur un marché qui s'est développé sur la culture du cookie et qui peut très rapidement décevoir l'industrie s'il continue à se comporter comme il le fait depuis des années. Ce marché est né sans tenir compte de l'e-privacy et ça va lui éclater à la figure. La DMP a été la plus belle arnaque de ces dernières années ! Ça coûte une fortune, c'est très opaque et ça ne marche pas très bien. En revanche, la pub adressée, autorisée par le consommateur est le marché le plus prometteur qui soit. Et s'il y aura toujours besoin d'un bon film de pub, une très bonne fiche produit sur Amazon et un excellent programme CRM seront tout aussi importants.

Cette interview est extraite du dernier numéro d'Adtech News, le supplément trimestriel du JDN et de CB News consacré à l'adtech et au martech. Au programme :  une  enquête sur la montée en puissance d'Amazon dans le marché pub, un comparatif des solutions de  search retargeting,  un guide spécial Adtech Summit, une interview de Nissan sur la data et la créativité...