Comment le rappeur Jul s'est hissé en haut de l'App Store en une journée

Comment le rappeur Jul s'est hissé en haut de l'App Store en une journée Star des réseaux sociaux où il noue un lien très fort avec ses millions d'abonnés, le rappeur marseillais a lancé une application qui permet d'utiliser des… Julmojis. Décryptage.

C'est à croire que tout ce qu'il touche se transforme en quelque chose "d'or et de platine", du nom du label qu'il a fondé en 2015. Véritable phénomène des réseaux sociaux (il compte 1,6 million d'abonnés à son compte Instagram) le rappeur marseillais Jul (prononcer Djoul) vient de prouver qu'il faisait carton plein dans les bacs comme dans les smartphones. L'application qui porte son nom, lancée le 31 octobre dernier, s'est immédiatement hissée à la première place du classement des applications les plus populaires de l'App Store.

Depuis le 31 octobre, l'application Jul devance Netflix, TikTok et les autres © Capture d'écran

Lundi 4 novembre, le rappeur s'est fendu d'un post Instagram où il se félicitait d'être "double appli platine, avec 200 000 téléchargements en trois jours." Une performance d'autant plus étonnante que son application n'a fait l'objet d'aucune promotion payante, là où des services comme TikTok ou Netflix ne regardent pas à la dépense pour booster leur nombre de téléchargements. Jul s'est, lui, contenté de teaser la sortie de l'application auprès de son (immense) base de fans sur Twitter, Snap et Instagram et d'y communiquer un lien de téléchargement le jour J. Une semaine après sa sortie, l'application figurait toujours sur le podium des applications les plus populaires de l'App Store.

Yon Le Priol, group account director chez We Are Social, n'est pas vraiment étonné par ce succès.  "Jul, c'est un artiste qui s'est construit sans le soutien d'aucune radio, via les réseaux sociaux et notamment Youtube où ses clips les plus populaires dépassent la dizaine de millions de vues", rappelle cet expert en social media, qui a collaboré avec Jul à l'occasion de la sortie de son album "La Zone en personne". "Nous avions organisé un événement diffusé en live sur Youtube", se rappelle-t-il. Près de 400 000 personnes étaient venues écouter le chanteur, qui compte désormais 4,1 millions d'abonnés à sa chaîne Youtube.

Plutôt rare dans les médias généralistes, Jul privilégie les réseaux sociaux et y gère le plus souvent lui-même ses prises de parole. "Certains se moquent de ses fautes d'orthographe mais c'est aussi ce qui fait son authenticité", note Yon Le Priol. Une authenticité qui transparaît notamment dans ses réponses aux critiques. L'une d'entre elles, "o pire mange moi le poiro" est carrément devenue un meme. Artiste ultra-prolifique (12 albums en 5 ans), Jul passe sa vie en studio et la documente abondamment sur Snap et Instagram. "Il diffuse souvent en story un morceau fraîchement réalisé pour demander l'avis de ses fans", constate Yon Le Priol.

Fort de ce lien avec sa communauté, le musicien s'est rapidement construit un univers autour duquel gravite tout une sémantique (des expressions passées dans le langage commun comme "le sang" ou "mercé") et des symboles, dont son fameux signe des mains. Ce dernier a même fait l'objet d'une pétition sur le site Change.org où plus de 20 000 personnes appelaient à la création d'un emoji signe Jul. S'il n'a pas obtenu l'aval du consortium Unicode, seul habilité à valider la création de nouveaux emojis, l'artiste a profité de la sortie de son application pour y intégrer un clavier Jul permettant, après l'avoir téléchargé, d'utiliser des images baptisées "Julmojis".

Cette fonctionnalité est la principale nouveauté d'une application qui se résume autrement à un portail truffé de liens vers des environnements Web, comme le site de la Fnac pour acheter des places de concerts ou son son eshop pour sa collection de vêtements. Les réseaux sociaux sont, bien évidemment, en bonne place. Petite innovation, tout de même, la présence d'une Jul light (qui permet de faire clignoter le smartphone) dont on imagine l'utilisation en concert.

Plus de 7 300 notes et une moyenne de 4,8 étoiles sur 5

"C'est vraiment le minimum en termes de développement applicatif. Une sorte de porte d'accès vers l'univers de Jul sur le Web mobile", analyse Renaud Ménérat, fondateur de l'agence spécialisée dans le mobile, UserAdgents. Cela n'a pourtant pas empêché l'application d'être plébiscitée par les utilisateurs, avec une moyenne de 4,8 étoiles sur 5 au sein de l'App Store, pour un total de plus de 7 300 notes postées. "J'ai rarement vu ça pour une application", souligne Renaud Ménérat. La performance est d'autant plus impressionnante que Jul n'a pas eu recours aux ficelles habituelles du marketing. Pas de push pour inciter à noter l'application comme c'est généralement le cas.

"Ça montre, une fois de plus, le lien très fort qui le lie à sa communauté, analyse Renaud Ménérat. Jul fait partie de ces stars qui sont devenues des médias à elles seules." En France, des artistes avec un tel pouvoir de prescription, il y en a très peu. "Sans doute PNL, même si leur communication est à l'opposé, beaucoup plus rare, mais je n'en vois pas d'autre", estime Yon Le Priol. Reste que, tout Jul qui l'est, le rappeur marseillais va devoir faire des efforts pour pérenniser un tel succès. "Pour qu'une application s'installe dans la durée, elle doit proposer quelque chose d'unique", rappelle Renaud Ménérat. Le risque, c'est que les fans, une fois l'application téléchargée, n'en fassent plus grand-chose, voire la désinstallent.

Le verdict devrait bientôt tomber, Jul ayant promis sur Twitter des mises à jour avec l'arrivée de lives, de chats et même des jeux. "L'application peut devenir une véritable rampe de lancement pour sa future tournée et un moyen d'y développer sa communauté", analyse Yon Le Priol. On peut imaginer Jul y dévoiler des morceaux en exclusivité ou y organiser des concours pour inviter les gens à participer à ses clips. "En clair, faire exactement ce qu'il fait via Instagram et Snap… mais au sein de son application", conseille Renaud Ménérat.