Ces pages Facebook qui échangent leurs fans

Ces pages Facebook qui échangent leurs fans Certaines marques n'hésitent pas à recourir à des pratiques controversées pour gonfler rapidement leur audience. Dernière pratique en date, l'échange de fans.

Le social media a longtemps été une discipline mal appréhendée par les marques et annonceurs, faute d'indicateurs de performances évidents. Abstraction faite de toute problématique de reach et d'engagement, de nombreuses agences ont ainsi longtemps vu leurs objectifs cantonnés à l'acquisition d'une audience. La maturité aidant, cette logique prévaut de moins en moins... mais n'a pas totalement disparu. De sorte que certaines pages Facebook n'hésitent pas à recourir à des pratiques controversées pour gonfler rapidement, voire artificiellement leur audience.

Le phénomène de l'achat des fans en est la déclinaison la plus connue. Elle permet de mettre la main sur des packs de 100, 500 voire 1 000 fans moyennant le versement d'une somme allant généralement de 25 à 75 euros. Le dernier phénomène en date est celui de l'échange de fans, pratiqué sur des plateformes telles que Likebaguette.net ou Lixop.fr. Sur cette dernière, le système est d'une simplicité enfantine : l'utilisateur consulte une visionneuse mettant en avant différentes pages de fans et gagne droit à 0,8 fans pour chaque page aimée. "S'il like 50 pages, nous lui assurons une exposition sur la visionneuse qui lui permettra d'en gagner autant rapidement", décrypte Pierre Billard, le fondateur de la plateforme.

Par un système pyramidal, l'utilisateur gagnera également 10% des "like" réalisés par les utilisateurs qui ont rejoint la plateforme grâce à lui. A titre d'exemple, l'acquisition de 5 000 fans de région parisienne prend généralement 3 mois. Et pour cause, Lixop peut s'appuyer sur une communauté de plus de 20 000 utilisateurs, tous obtenus grâce à du simple bouche à oreille. "Ce sont près de 15 000 fans qui sont échangés chaque jour ", avance Pierre Billard. 

Ados et PME en majorité

Qui sont ces fans ? Des faux profils émanant de pays exotiques ? Des fans avides de sollicitations de marques ? Aucun des deux. "Notre audience se compose à 40% d'adolescents et 30% de chefs de PME", analyse Pierre Billard. Chanteur en quête de popularité, plombier d'une petite ville de Saône et Loire ou jeune responsable du fan club d'une célébrité, tous partagent un même objectif : booster l'audience de leur propre page. Et ils ne ménagent pas leurs efforts pour y arriver en likant à tour de bras. Un exercice suffisamment chronophage, donc, pour refroidir des pages de marques qui, quitte à flirter avec la ligne jaune, préfèreront sans doute acheter carrément des packs. "Nous avons quelques rares marques de grandes envergures qui s'essayent toutefois à l'échange de fans", précise Pierre Billard. Difficile pour autant de les trouver en parcourant la visionneuse. 

echange de fans 1000
La plateforme de Lixop. © JDN

Impossible de ne pas s'interroger sur la pertinence d'acquérir un fan qui, dans la même journée, est devenu fan de plus de 100 autres pages. D'autant que, de l'aveu de Pierre Billard lui-même, "60% des fans ne regardent même pas ce qu'ils likent". Lixop se présente, à ce titre, "comme un fournisseur d'audience", faisant abstraction de toute considération d'engagement. La société pousse la logique plus loin avec sa boutique à taux variable, au sein de laquelle on peut acheter des packs de fans, dont les prix sont calculés en fonction de l'offre et de la demande. "Plus il y a de fans échangés, moins c'est cher", résume Pierre Billard qui monétise de cette manière l'audience glanée. Quant à l'engagement, jusqu'à preuve du contraire, il ne s'achète pas. 

Sans surprise, Facebook ne voit pas cette activité parallèle d'un bon œil. La plateforme est même allée jusqu'à changer le codage du bouton "j'aime" pour gêner les acteurs du secteur. Pour cause, l'agent investi sur ces plateformes ne l'est pas dans des Facebook Ads ou des Sponsored stories. Le réseau social a, par ailleurs, mis en place des mécanismes d'alertes qui permettent de remonter toute activité suspecte d'une page. C'est la raison pour laquelle nombre de plateformes s'en tiennent à un maximum de 15 fans échangés, chaque jour. Car ceux qui se font prendre la main dans le sac s'exposent à une sanction irrévocable : le retrait pur et simple de leur page.