Lionel Aboudaram et Pierre Désangles (Nextidea) "Pourquoi Nextedia devient Nextidea"

Après une période de flottement, l'agence interactive du groupe Lagardère Active se réorganise en profondeur. Son président et son directeur général détaillent le projet de refondation de Nextedia.

"Permette à Nextedia de revenir dans le peloton de tête des grandes agences"

JDN. Nextedia devient Nextidea. Que cache cette inversion de lettres ? 

Lionel Aboudaram et Pierre Désangles. Une grande refondation ! Nextedia hier, c'était dix agences, toutes spécialisées sur un ou plusieurs leviers marketing. Aujourd'hui, elles n'existent plus. Nous les avons toutes fusionnés et ne publierons plus qu'un seul compte de résultats. Depuis notre arrivée à tous les deux, mi-2009, nous avons, en quatre mois, entrepris de rénover à fond ce groupe de 230 personnes. Nous en sommes fiers.

Pourquoi opérer ce changement aujourd'hui ? 

Nextedia n'a pas repensé son modèle à la vitesse où elle aurait dû le faire, compte tenu de la célérité du digital aujourd'hui. Le président du Directoire de Lagardère Active (maison mère de Nextedia, ndlr), Didier Quillot, a pris conscience du fait que Nextedia ne s'était pas remis en question suffisamment rapidement et nous a demandé de lui proposer un projet qui permette à Nextedia de revenir dans le peloton de tête des grandes agences de conseil en marketing digital.  

Quelles raisons vous ont poussé à fusionner les différentes agences du groupe ? 

Nous avons cherché à savoir ce que les annonceurs du marché attendaient, comment ils entrevoyaient la relation idéale avec les agences. La dizaine d'agences qui composait Nextedia témoigne à la fois d'une époque, d'une culture et d'une vision. Il y a quatre à cinq ans, on considérait que dès qu'Internet produisait un nouveau levier marketing, il fallait créer une agence qui y soit dédiée. Notre conviction est qu'il n'est plus nécessaire aujourd'hui de disposer d'autant d'entités. Cette multitude d'agences au sein de Nextedia était devenu un frein au développement du groupe ces deux dernières années. Paradoxalement, c'est ce modèle qui a permis à Nextedia de grandir très vite. 

"Nextidea sera organisée autour de quatre piliers"

Beaucoup d'annonceurs sont pourtant encore en contact avec de nombreuses agences différentes pour chaque levier...

C'est vrai, parce que, historiquement, ils ont identifié les agences qu'ils considéraient comme expertes sur leurs leviers respectifs. Mais globalement, ce que nous disent les annonceurs, c'est qu'ils en ont marre de penser la transversalité d'une opération tout en coordonnant plusieurs agences dont les intérêts ne sont pas toujours convergents. Nextidea veut justement remettre le client au cœur de l'agence. En interrogeant les annonceurs, quatre dimensions principales du marketing digital ont émergé, qui peuvent chacune regrouper plusieurs leviers. Ces quatre piliers deviennent aujourd'hui le socle du nouveau Nextedia. 

Quels sont-ils ? 

L'agence est désormais organisée en quatre départements experts : l'influence, l'audience, l'expérience, et la relation. Derrière l'influence, nous avons réagrégé toute notre expertise en animation des communautés, opérations de buzz, veille et gestion de l'e-réputation. Autour de l'audience, nous avons rassemblé nos capacités de création de trafic que sont le display, l'affiliation, le search, le tracking. L'expérience portera sur les domaines du contenu, le développement de blogs, de mini-sites événementiels et de WebTV. Enfin, le pôle relation sera focalisé sur la dimension data et CRM. Les frontières de ces départements seront évidemment très poreuses.

Selon vous, lequel de ces piliers va se dégager dans les années à venir ?

Tous les leviers ne sont pas égaux. Ceux qui sont les moins orientés vers le retour sur investissement trinquent aujourd'hui et trinqueront encore plus demain. Tout ce qui apparaît comme un simple copier-coller de la communication dans les médias traditionnels va perdre de la valeur. Le contexte économique actuel n'est que l'arbre qui cache la forêt, mis en avant pour masquer le fait que la performance de ces leviers n'est pas au rendez-vous. A l'opposé, certains leviers sont en surcroissance, comme toutes les techniques d'influence. Nous commençons à peine à maîtriser de telles techniques pour les mettre au profit des marques. Les domaines du data marketing et du ROI constituent également de forts relais de croissance.

"Nous voulons travailler avec des clients qui ont une vision transversale du digital"

L'objectif du nouveau Nextidea est donc d'augmenter votre "part de voix" chez vos clients ?

En quelque sorte, oui. A peu près la moitié de nos clients étaient client de plusieurs de nos agences, en général d'une ou deux. Cette agence, nous la faisons aussi pour pouvoir travailler avec les clients qui ont une vision transversale du digital. Cette nouvelle organisation ne nous empêchera pas non plus de ne travailler qu'un seul levier pour un client. 

Combien de clients compte aujourd'hui Nextidea ? 

Nous comptons une centaine de clients, dont beaucoup de pure players, comme EasyJet, Pixmania, Boursorama. Nous avons également des marques traditionnelles pour lesquelles le Web vient compléter la stratégie de communication comme Sanofi, Totalgaz ou LVMH. Nous ne travaillons pas qu'avec des grands comptes, mais notre nouvelle structure va nous amener de plus en plus à accompagner de grandes marques dont les enjeux marketing nécessitent de penser l'ensemble des leviers marketing dans la transversalité.  

En 2008, le co-fondateur de Nextedia, Marc Ménasé, revendiquait pourtant 300 clients actifs ? 

Tout dépend de ce que l'on appelle un client. Pour Marc, un client actif, c'était une entreprise pour laquelle une opération avait été réalisée au cours des derniers mois. Dans notre culture, un client actif est une entreprise avec laquelle nous avons un contrat et que nous accompagnons dans la durée, pas seulement sur une opération. Dans cette optique, une agence de 230 personnes ne peut pas revendiquer 300 clients. Ce n'est pas possible. Nous revendiquons une centaine de clients pour lesquels nous sommes importants, pour lesquels Nextidea est plus un partenaire qu'un prestataire. 

"Les performances de l'agence nous ont fait perdre des clients"

Avez-vous perdu des clients ?  

Oui, nous en avons perdu. Nous avons par ailleurs heureusement gagné d'autres clients. Cela étant dit, nous ne sommes pas dans la course au nombre, mais dans la course à la qualité. Le nombre de nos clients ne nous intéresse pas, moins en tout cas que la part de marché que Nextidea aura au sein de ces clients-là. 

Le rachat de Nextedia par Lagardère en 2008 a été plutôt mal perçu par de nombreux acteurs. Cela vous a-t-il été préjudiciable ? 

Nous avons perdu des clients à cause des performances intrinsèques de Nextedia. Comme toute structure qui ne réinvente pas son modèle, Nextedia a vu ses performances baisser. Mais franchement, nous ne pensons pas avoir perdu un seul de nos clients à cause de notre appartenance à Lagardère.  Certes, au moment où l'acquisition a été réalisée, beaucoup d'acteurs du marché se sont dit que Lagardère allait privilégier son agence par rapport aux autres, ce qui n'a pas été le cas. Certains clients de la régie de Lagardère ont eu peur que ceux de Nextedia soient privilégiés, ce qui ne s'est pas du tout passé. Il y a eu un effet de peur qui ne nous a certainement pas aidés. Certains de nos clients ont eu un a priori, mais les choses sont aujourd'hui rentrées dans l'ordre. 

"Lagardère fait partie de nos dix plus gros clients"

Pourtant beaucoup de personnes se posent toujours la question du sens du rachat de Nextedia par Lagardère ? 

Le nouveau Nextedia fait pourtant plus que jamais du sens dans la nébuleuse Lagardère Active. Deux raisons principales justifient la pertinence de cette acquisition. La première, c'est que pour un groupe média comme Lagardère, qui réfléchit en permanence à la qualité de son l'offre que la radio, la presse, Internet ou la télévision, il est formidable d'avoir dans son effectif une agence qui joue un rôle d'observatoire. La deuxième raison est qu'être affilié à un groupe média est une opportunité exceptionnelle pour Nextedia de se développer sur le brand content, qui est l'un des formats de communication d'avenir sur Internet. L'interactivité que permet l'Internet lui donne un supplément d'âme par rapport aux autres médias. Lagardère dispose de très grandes marques pour apporter ce contenu aux marques : Elle, Gulli, Europe1, Paris Match, etc. Ces deux raisons fondamentales font que Nextedia a sa place au sein du groupe Lagardère. Aucune des autres grandes agences de marketing digital n'a cette proximité avec un groupe média. 

Quelles synergies existent aujourd'hui entre Nextidea et Lagardère ? 

Elles sont trop peu nombreuses. Le sens de notre projet est d'ailleurs de les développer. Dans son nouveau modèle, Nextidea peut par exemple apporter son savoir-faire aux éditeurs du groupe et faire en sorte de les conseiller sur leurs enjeux digitaux. Lagardère est aussi un client pour Nextidea. Le groupe fait d'ailleurs partie de nos dix plus gros clients. 

L'objectif est-il d'en faire le premier client du groupe ? 

Non. Notre ambition est de rationaliser notre portefeuille pour avoir des clients qui correspondent au modèle que nous sommes en train de construire, c'est-à-dire des clients qui nous confient un spectre d'activité beaucoup plus large. Si Lagardère correspond à cette description, tant mieux pour nous. Sinon, tant pis.

"Nos revenus se sont contractés en 2009"

Comment s'est passée l'année 2009 pour Nextedia ?

Nous ne communiquons pas sur nos chiffres, mais nos revenus se sont cependant contractés. Nous ferons donc une moins bonne année qu'en 2008 (en janvier 2008, Marc Ménasé tablait sur une marge brute de 25 millions d'euros pour l'année, ndlr). Si nous ne faisions pas partie du groupe Lagardère, l'agence vivrait des temps difficiles. Cette année n'est pas pour autant négative, puisque cette phase de contraction nous a aussi donné l'occasion de prendre le temps de nous redéployer. Nous nous sommes fixé comme objectif de revenir en 2010 à des niveaux de croissance d'avant 2009. 

Avez-vous des projets d'acquisition pour Nextidea ?

Notre projet est un projet de redéploiement. Il nous faut donc doter la structure de nouvelles compétences, notamment sur l'e-commerce et le contenu. Nous ne prévoyons pas de réaliser d'acquisition, mais misons plutôt sur la croissance organique. Ces projets devraient voir le jour en 2010.