Télévision mobile personnelle : au delà du miroir...

La télévision mobile personnelle suscite aujourd'hui un engouement certain. Mais, au-delà de cette belle promesse technologique, se posent des questions liées aux premiers usages réels constatés.

"La télévision mobile personnelle ou chronique d’un succès annoncé", tel aurait pu être le titre de cette tribune, tant les acteurs de la chaîne de valeur de ce nouveau marché semblent persuadés que ce nouveau service va connaître une audience et une diffusion importantes en France. Mais, au-delà de cette belle promesse technologique, se posent des questions liées aux premiers usages réels constatés.

Nous allons partir du postulat que la "Télévision Mobile Personnelle" (TMP), volet à part entière du projet  "Télévision du Futur" ardemment défendu par le Gouvernement, soit commercialisée rapidement (c'est-à-dire dans les 12 mois qui viennent), couvre une partie significative de la population (plus de 50 %), offre un bouquet d'une vingtaine de chaînes variées et de qualité, le tout pour un coût modéré et une fiabilité technique éprouvée (réception indoor/outdoor efficiente, qualité d'image homogène).

Vous me rétorquerez que si toute nouvelle technologie mobile était commercialisée à ce niveau de maturité, nous serions des utilisateurs plus que comblés ! Le problème est que la télévision n'est pas née avec le téléphone mobile et amène des contraintes d'usage très particulières. 

Les contraintes et spécificités
En effet, au-delà de ces qualités intrinsèques que tout le monde attend de la télévision en général, l'endroit, la façon et les raisons de regarder un programme télévisuel sont largement codifiés socialement. La TMP va bouleverser ces règles, surtout si elle est accessible partout, par tout un chacun, à n'importe quelle heure et sur une multitude de terminaux portables.

Une équipe de chercheurs de Nokia, menée par Jan Chipchase, a étudié le comportement de  "mobiTVnautes" coréens, premier pays au Monde où la télévision mobile en mode broadcast a été lancée. Il en ressort que si l'on souhaite que la TMP ne soit pas cantonnée à un marché de niche, comme d'autres services mobiles l'ont été avant elle, il est primordial de porter attention en particulier aux faits suivants : 
 
Beaucoup de services mobiles sont utilisés dans des périodes de temps très courtes : envoyer un SMS, consulter un site WAP, etc. Trouver un programme intéressant à travers 20 chaînes nécessite un zapping performant, un guide électronique des programmes (EPG) ergonomique et un accès direct à la fonction TV pour que l'usager puisse réellement profiter du service "à la volée". 
 
Tout un lot d'accessoires s'avère nécessaire pour bénéficier pleinement de la TMP, étant donné ses contraintes de réception hertzienne et son besoin d'énergie : antenne extérieure, batterie supplémentaire, écouteurs. L'ingéniosité du packaging fourni par le fabricant du mobile constitue par conséquent un facteur important d'adoption. 
 
On regarde habituellement la télévision confortablement installé dans un fauteuil ou un canapé ; la TMP bénéficie de conditions bien moins sereines, que ce soit dans les transports en commun ou à l'extérieur, et ceci impacte directement la durée de visionnage. Regarder un film de deux heures à bout de bras apparaît dès lors fastidieux, ce qui milite en faveur de l'élaboration de programmes courts mieux adaptés. Il faut néanmoins noter que les dernières études menées sur la TMP font ressortir une utilisation importante à la maison, endroit plus "confortable" et moins mobile... 
 
La consommation discrète ou secrète de télévision est désormais possible. Cela a ses avantages quand l'on souhaite regarder un  programme sans déranger ses voisins, mais pose un vrai problème si l'écolier peut cacher son mobile dans sa trousse et regarder la TV pendant ses heures de cours ! Ces usages "socialement indésirables", et plus généralement les accès à des programmes violents ou adultes (-12/-18), vont devoir être surveillés. 
 
Il est maintenant couramment admis que l'interactivité sera l'une des clés de la réussite de la TMP, tant pour les revenus additionels que ce type de service pourra générer que par le fait que le mobile est "génétiquement" construit pour en tirer pleinement parti. L'échec serait donc de ne pas correctement l'implémenter, "d'en faire trop" et donc de gêner l'usager plutôt que de lui apporter une vraie valeur ajoutée.

Les services commerciaux de la TMP viennent à peine de démarrer en Corée, au Japon, en Italie ou encore en Allemagne, et il est fort probable que d'autres phénomènes viendront s'ajouter à ceux précédemment décrits. Néanmoins, pour ne pas répéter les échecs d'autres services mobiles comme le MMS, la visiophonie ou le WAP à ses débuts, il paraît primordial de peaufiner à l'extrême cette première version de la TMP. Les usagers ne viendront "en masse" et dépasseront le stade des early adopters qu'à la seule condition que l'expérience soit convaincante et aussi simple à appréhender que sur notre bon vieux poste de télévision. La TMP pourrait alors vraiment constituer un nouveau service prometteur et non pas un "miroir aux alouettes".