Pourquoi la bibliothèque numérique en ligne française piétine

Un mois après son lancement en fanfare, europeana.eu, le projet de mise en ligne des ouvrages de la BNF est retombé comme un soufflé. Pourquoi une telle déconvenue alors que tant d'espoirs sont mis sur ce service innovant ?

1 mois après son lancement en fanfare, europeana.eu, le projet de mise en ligne des ouvrages de la BNF est retombé comme un soufflé. Pourquoi une telle déconvenue alors que tant d'espoirs sont mis sur ce service innovant ?

 

À la fin mars, la BNF mettait en ligne son service d'accès au livre libre de droit. Dans un objectif de contrecarrer le projet Google Print et d'offrir à l'Europe un projet à la hauteur de l'enjeu. Initiative louable sans aucun doute. Mais, contrairement aux cadeaux, il n'y a pas que l'intention qui compte... Regardons de près ce qui encore une fois a fait défaut à nos décideurs pour réussir.

Un problème de look

Très simplement. Tout d'abord en tant qu'utilisateurs l'avez-vous essayé ? Car le site d'europeana.eu (http://www.europeana.eu/) est pour le moins surprenant. Pour ceux qui ont l'habitude de se promener sur le Net, disons le franchement. Il ressemble à un croisement entre les sites que l'on construisait il y a quelques années et un site moderne à la Netvibes qui permet de déplacer quelques boites. Donc, la forme n'est pas à la hauteur du fond et ce site qui se veut une vitrine n'en est pas une. Pourquoi faut-il que les français dépensent tant d'énergie pour créer des foulards Hermès aussi magnifiques qu'inutiles alors que pour un site Web personne ne songe que le look est la première chose que l'on voit ? Un "détail" qui en dit long, mais  j'y reviendrai.

La question des volumes...

Ensuite, sur la question du volume. Car, il faut savoir que la BNF se dit près à indexer 100.000 documents par an, là ou le "concurrent", en programme par brassées de millions. On est face à un facteur dix, voir cent dans l'ambition. Pour un service globalisé, c'est dommage. Imaginez le choix entre une voiture qui va 10 fois moins vite, mais française et une vilaine américaine ? Alors ? De plus, les questions de financement sont encore à régler. Le projet a reçu moins de financement que la rénovation des murs d'une bibliothèque réelle...Et la question du financement y compris à court terme reste posée. On connaît la suite...


... et celle de la technologie

Enfin, la communication de la BNF ne fait allusion qu'au concurrent Google. Deux choses me frappent dans cette comparaison. D'une part, comment se fait-il que le concurrent d'une société high-tech soit une bibliothèque ? Car à ma connaissance, Google s'est allié avec des bibliothèques dans son projet. De la même façon, Yahoo et Microsoft ont eux aussi fait alliance avec des bibliothèques. Mais qui donc est l'allié technologique de la BNF ? Quel site Web ? Quel éditeur de logiciel ? Aucun. Voilà pourquoi on assiste à ce combat bizarre entre une bibliothèque, veille dame respectable et un jeune lion du Web !

Car voilà l'autre élément choquant, ou est la technologie dans ce projet ? Nulle part, la BNF ne communique sur ces éléments ; alors que c'est un facteur déterminant et clé dans sa capacité à fournir un service de très haute qualité et innovant. Et voilà comment la BNF se trouve à se battre contre Google. Alors que nous devrions voir nos moteurs de recherche français en association avec la BNF pour aller à ce combat : Exalead, Sinequa, Lingway, Kartoo pour ne citer que ceux là.

 

Mais fort de sa tradition, la France préfère que ce soit une bibliothèque qui dirige la bataille de la technologie qui plus est avec de faibles moyens. Messieurs et mesdames les politiques, mais vous aussi chaque citoyen, réveillez vous ! Nous ne sommes plus au siècle des lumières ou il suffit d'une tête bien faite et d'un crayon pour changer le monde. Aujourd'hui la technologie et le Web sont une partie centrale de nos vies et il va falloir que nos politiques l'intègrent.

 

Alain Garnier est l'ancien président de l'APIL (Association des Professionnels de Industries de la Langue)