Le buzz, nouvelle ère de la communication ?

Le buzz n’est pas qu’un bruit sur la toile. Certes il traduit une révolution dans les rapports entre les marques et les hommes mais surtout il marque une rupture de civilisation. Explications.

Le buzz n'est pas qu'un bruit sur la toile. Certes il traduit une révolution dans les rapports entre les marques et les hommes mais surtout il date une rupture de civilisation.
 
L'origine
Ce nom buzz  fait un bruit de bourdon, d'avion lourd à hélice ou de mouche. Une image suit : on a la main sur la bouche alors que l'on dit un secret à sa voisine. Comme ça personne d'autre n'entendra.

Toute la problématique du buzz est là : qu'il s'agisse d'un mode de communication qui à la fois diffuse le sens et possiblement le cache ou le détourne. Ainsi de la rumeur de tous temps qui dit la vérité et la controuve. La deuxième croisade fut prêchée comme ça : du haut d'un rempart en bas duquel une foule immense de "guenilleux" ne comprenait rien de ce que disait Pierre l'Hermite. Alors chacun a confié à son proche ce qu'il imaginait et mille rumeurs coururent les champs et les vagues jusqu'en Palestine.
 
Il y a un renversement extravagant dans ce buzz qui reprend la main de la com' après Gutenberg. Etonnante revanche de la parole du peuple (avec ses fantasmes et ses magies) sur l'écrit sanctifié, la parole divine passée par l'imprimerie et les bûchers.
 
Encore a-t-il fallu qu'Internet survienne, amplifie, porte la voix de l'hoax, ou de l'oracle. Etrange élargissement, au sens carcéral, de la parole sur le 'Livre'. "Je te livre cette nouvelle pour ce qu'elle vaut : il paraît que...  ne le répète à personne".
 
Le renversement des flux et des temps
Pourquoi renversement des flux ? Parce que ce ne sont plus ni les marques, ni les entreprises, ni les personnes qui "descendent " l'information vers le public depuis leur chaire ; mais le bon peuple qui s'empare des réputations à armes égales avec les discours officiels. On sait qu'environ 70 % des requêtes sur Internet concernent des recherches de renseignements, sur vous ou moi, les produits, les services, les quartiers de la lune.
 
Au début du Web, on questionnait la SNCF pour des horaires. Elle était la seule à communiquer sur elle. Aujourd'hui vous "googelez" SNCF et dès la première page de votre moteur de recherche figurent autant de citations venues de blogs et de forums que de la Société Nationale. On apprend ses retards... Tapez Total et vous n'allez pas rigoler tout de suite si vous travaillez pour cette firme car c'est une marée noire de hauts cris.
 
L'internaute s'empare de votre image ; à tel point que tout un pan de la nouvelle communication s'oriente vers la maîtrise des bloggers 'influents' à qui les annonceurs demandent de propager des "bruits" favorables au dernier modèle de portable.
 
Pourquoi renversement des temps ? Parce que le savetier se fait prince, le pauvre parle et on l'entend. Au-delà de cette redistribution des cartes par l'accès à la parole privée et non plus seulement institutionnelle, certains naïfs, dont je suis, voient en Internet (et en son dernier avatar, le buzz) la polymérisation des neurones de l'humanité face à l'extravagante rapidité avec laquelle nous mettons notre espace en péril.
 
Alors il se passe quoi ? Que l'espèce se dit : « Je ne parviendrai pas à sauver ma peau sans une prise de conscience planétaire. » Naissance du Web1 puis du Web2.0. Sans cette idée qui fait lumière l'Internet ne serait jamais qu'un média comme les autres, sauf que sa toile est parcourue par bientôt deux milliards d'araignées.. Vous avez dit bizarre ?
 
La peste comme le sourire
De pareille redistribution des porte-voix aux lèvres de chacun naissent aussi bien des pestes que des sourires. On se souvient de la rumeur ayant accompagné la publication d'un bouquin prétendant que le 'nine eleven' était une invention du Pentagone. Des extrémistes aussi larguent leurs bombes médiatiques artisanales de la sorte. Il a suffi que vous lisiez l'information et l'envoyiez à un prosélyte qui la relaie à son tour pour qu'elle infuse.
 
Les procédés et des exemples
L'un des procédés est de publier (via Youtube par ex) une vidéo décalée. On attend de son attrait qu'elle soit communiquée en étoile en autant de branches que d'amis.
 
Exemple d'un buzz à un temps : l'annonceur veut nous faire sourire et colporter sa marque. Voici un irrésistible exemple flashbeer.com.au. Ici, on se contente de faire rire avec l'assurance que l'annonce sera relayée.. L'éclat de rire n'est-il pas un cadeau ?
 
Exemple d'un buzz à deux temps : l'annonceur suscite une attente, puis il livre sa révélation comme pour la campagne Transatlantys

Il ajoute ici la curiosité en accélérateur : "c'est qui derrière ce massage si sympa ?" L'une des premières applications grand format vint de Volvo avec son prodigieux  "Mystère Dalarö".
 
Exemple de buzz à trois temps : après le teaser, après la révélation, la marque invite l'internaute à poursuivre la ballade, en lui offrant de devenir co-auteur de la suite de l'aventure. Certaines marques vont jusqu'à considérer ce mode de communication comme une étape de leur R&D (recherche et développement). La campagne de Ségolène Royal est bâtie sur ce modèle.
 
Du rire au chérir
Il y a donc, avec le buzz, non seulement un troisième larron dans l'aventure amoureuse entre annonceurs et prospects : il y a le public et il ne se contente plus de tenir la chandelle. Il entre dans le jeu.
 
On savait déjà comment la notion de "multicanal" fonctionnait : par effets de miroir. Je reconnais, sur une affiche 4/3 un produit déjà vu à la TV ou sur le Web ; puis je trébuche sur son emballage dans un hyper. Que s'est-il donc passé en plus de l'accumulation des messages ? Ceci : au premier impact, je suis instruit. Et aux suivants ? Je me dis: "c'est moi" car la première image est déjà dans ma mémoire. Divine surprise : je me reconnais moi-même et je me vaux bien !
 
On va plus loin avec le buzz car il se nourrit de ce en quoi je contribue au lancement des offres, non plus en Narcisse, mais en partisan, en artisan ou en ami. En partisan, j'épouse une cause ; en artisan, je la façonne, et en ami je passe du rire au chérir.