La Coupe du Monde de Rugby sur le Net : comment éviter les pénalités

La Coupe du Monde de Rugby est un événement de portée mondiale, relayé sur Internet. Comment concilier la politique marketing internationale d’un sponsor avec les lois du pays où l’épreuve se déroule ?

En 2002, lors de la Coupe du Monde de Football au Japon, une singulière question s'était posée : pouvait-on revendre des tickets sur Yahoo! Auctions, alors qu'un règlement municipal de Tokyo interdit la revente de billets dans la ville ? La question, récurrente, de l'application d'une règle locale à un site Web transnational se pose de nouveau, à l'occasion de la Coupe du Monde de Rugby.

La Coupe est organisée par une société irlandaise, filiale de la Fédération Internationale de Rugby, qui a eu le soutien de plusieurs sponsors. L'un d'eux est un producteur de bières. En France, la publicité des boissons alcoolisées est réglementée par le code de la santé publique. L'article 3323-2, en particulier, prévoit que "toute opération de parrainage est interdite lorsqu'elle a pour objet ou pour effet la propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur des boissons alcooliques". La publicité en faveur des boissons alcooliques n'est toutefois pas entièrement prohibée. Elle est possible dès lors que sont respectées certaines conditions, relatives notamment au contenu de la publicité, et à la présence d'un message sanitaire.

Comment, dans ces conditions, l'organisateur de la Coupe du Monde peut-il indiquer, sur son site officiel, qu'il a un sponsor produisant de la bière, tout en étant en règle avec la loi française ?

Schématiquement, la loi française ne s'applique qu'aux sites Web qui visent le public français. Ici, trois sites ont été conçus, aux URL différentes : www.rugbyworldcup.com en anglais, es.rugbyworldcup.com en espagnol, et fr.rugbyworldcup.com en français (1). Si ces sites ont le même design, ils n'affichent pas forcément un contenu identique. Ainsi, sur le site français, on ne trouve pas le nom du brasseur, mais simplement un logo.

L'usage de ce logo, sans la mention du nom du producteur, est-elle légale ? Tel n'est pas l'avis d'une association de lutte contre l'alcoolisme, qui a saisi le juge des référés il y a quelques jours (2). Devant le juge, elle a fustigé l'usage, de "l'étoile rouge à cinq branches - élément figuratif de la marque accompagné de la mention Rugby World - entourée d'un halo blanc", sur le site français de la Coupe. Alors que dans la version anglaise, la marque est reproduite en entier, avec "un texte portant sur la bière produite par la société". Selon l'association, il y a là de la publicité indirecte. D'où la procédure qu'elle a engagée contre le Comité d'organisation de la Coupe, et la filiale française du brasseur.

La juridiction a partiellement accepté la demande de l'association, mais pas en ce qui concerne le site Web. Si le juge a condamné la filiale française, c'est parce qu'elle avait distribué aux exploitants de cafés du matériel publicitaire frappé de sa marque... ce qui avait entraîné l'affichage de panneaux, drapeaux, ou bannières, sur la voie publique. Mais il n'a pas jugé recevable la demande touchant à l'utilisation du logo "anonymisé" sur Internet.

Le juge a en effet observé que c'est à tort que l'association a poursuivi le Comité français d'organisation de la Coupe du Monde, alors que les contrats de sponsoring n'ont pas été conclus avec elle, mais avec la société irlandaise mentionnée précédemment. Pour arriver à cette conclusion, le juge a tenu compte du fait que le nom de domaine du site appartient à cette société irlandaise, ainsi que le contenu du site.

L'organisateur ainsi hors de cause pour des raisons de procédure, l'annonceur pouvait-il être condamné pour publicité indirecte en faveur de l'alcool ? Cela supposait de démontrer que les consommateurs peuvent assimiler à de la publicité le logo anonymisé figurant sur le site. Sur ce point, le juge des référés a ici estimé que cela ne pouvait relever de sa compétence : seul un débat serein, ne se tenant pas dans l'urgence, pourra permettre de dire si un tel usage est conforme ou non au droit français.


(1) D'autres adresses, comme de.rugbyworldcup.com ou jp.rugbyworldcup.com, fonctionnent également, mais renvoient au site anglophone.

(2) Tribunal de grande instance de Paris, 14 septembre 2007, Association Nationale de Prévention en Alcoologie et de l'Addictologie (ANPAA) c/ Heineken Entreprise.