Pourquoi tant de haine contre le e-commerce ?

Depuis 3 mois, le gouvernement s’obstine, an nom de la "défense du consommateur", à légiférer dans l’urgence sur la vente à distance et Internet, avec des textes contraignants et coûteux pour le secteur.

L'achat à distance, et en particulier l'achat sur Internet, se développe à grande vitesse en France et séduit de plus en plus de consommateurs. Et les cyberacheteurs sont dans l'ensemble très satisfaits, ainsi que le montrent à la fois les taux de croissance du marché et les intentions de réachat quasi-unanimes (par exemple 99,6 % mesurée par Directpanel en janvier 2008).

 

Or la loi dite "Chatel 1" du 3 janvier 2008 contient 5 mesures sur la vente à distance, dont le point commun est qu'elles sont très coûteuses pour les commerçants, qu'elles résolvent des problèmes qui ne sont pas essentiels pour les consommateurs, et qu'elles sont suffisamment mal écrites pour être difficiles à interpréter.

 

Bien sûr, ce sont en général de bonnes nouvelles pour le consommateur, puisque la loi augmente les obligations de remboursement des marchands et interdit les numéros de téléphone surtaxés pour certains services. Mais pourquoi s'arrêter là ? Pourquoi ne pas obliger les sites à pratiquer la livraison gratuite en 24 heures pour tous les produits ? Je suis sûr que les consommateurs seraient ravis.

 

La générosité résultant de la loi Chatel ne coûte pas cher au gouvernement, mais a un coût de plusieurs dizaines de millions d'euros pour les entreprises. Ce coût sera répercuté dans les prix, ce qui est surréaliste au moment où le pouvoir d'achat est la préoccupation n°1 des français. En effet, la santé financière des entreprises de vente à distance ne leur permet pas de diminuer leurs marges qui sont très faibles voire négatives.

 

L'affaire se complique encore car pour justifier ces mesures, le gouvernement a brandi en février dernier les chiffres du tout nouveau Baromètre des plaintes des consommateurs, en affirmant que "plus de 40 % des plaintes font suite à une vente à distance". Diable ! En fait, une lecture attentive des chiffres bruts nous a montré que pour obtenir "40 %", il fallait ajouter à la vente à distance les FAI et les opérateurs telco, et que le chiffre concernant la seule vente à distance n'était que 12 % du total des plaintes.

 

Mais peu importe, cet amalgame sera repris et répété, encore à l'Assemblée le 25 mars dernier où Luc Chatel, en réponse à un parlementaire, répètera que "36 % des 65.000 réclamations reçues par la DGCCRF au second semestre 2007 faisaient suite à une vente à distance". Et donc nous nous demandons pourquoi cet amalgame, sinon pour gonfler artificiellement le nombre de plaintes de la  "vente à distance", et justifier ainsi a posteriori les mesures déjà prises ?

 

Aujourd'hui, nous croyons savoir que le futur projet de loi sur la modernisation de l'économie comportera de nouveaux textes sur la vente à distance et le commerce électronique. Or nous ne savons pas lesquels, et l'expérience malheureuse de "Chatel 1" où nous avons découvert des textes au dernier moment nous rend très inquiets.

 

Une rumeur fait état de l'intention du gouvernement d'obliger les commerçants à ne déclencher la facturation des clients qu'à réception des colis. Outre les immenses problèmes pratiques d'une telle idée (comment savoir que le client a été livré ?...), on imagine aisément l'aubaine pour des clients indélicats qui déclareront ne jamais avoir reçu de colis, et surtout l'effet sur tout le modèle économique des commerçants.

 

Alors nous nous demandons pourquoi cet acharnement à déstabiliser le modèle économique des marchands à distance et des sites Internet ? Nous avons la chance de compter de nombreux champions français du e-commerce, puisque 13 des 15 sites marchands les plus visités (source Médiamétrie) sont français. Ces sites peinent souvent à trouver la rentabilité, et doivent financer de lourds investissements en logistique et informatique pour financer la croissance. Quelqu'un a-t-il réfléchi à l'impact de ces mesures "généreuses"  (celles déjà votées et celles que nous craignons) sur leur rentabilité et sur l'emploi ?

 

Encore une fois, pourquoi tant de haine ?