Christine Albanel ou anti-Hadopi : qui est l’oie blanche ?

Pour certains, le lobby des anti-Hadopi ne saurait pas se faire entendre. Pourtant, les eurodéputés ont été sensibles à leurs points de vue. Attention, donc, à ne pas sous-estimer les mouvements nés sur Internet...

La presse tente actuellement de nous expliquer les débats sur le dispositif français anti-piratage en discussion à l'assemblée. Ce projet (appelé Hadopi) cherche, entre autres choses, à imposer la riposte graduée qui aboutirait au stade ultime à la coupure de la ligne internet de l'abonné soupçonné de fraude. Le sujet finit par épuiser tout le monde tant les positions semblent tranchées, le sujet complexe et les frontières partisanes classiques poreuses puisque désormais mêmes des parlementaires de la majorité n'hésitent plus à critiquer le texte.

Un fait particulièrement troublant est relevé par Nicolas Vanbremeersch, le 4 mars sur  Slate.fr : alors que la presse traditionnelle rend compte des débats sur l'Hadopi d'une manière globalement plutôt favorable au texte de madame Albanel, les commentaires sur le web sont, eux, au contraire, tous opposés au texte Albanel, un match dans le match ? Comment expliquer cette bizarrerie démocratique, s'interroge l'auteur ?

Après l'énumération de plusieurs hypothèses (peu pertinentes à ses propres yeux), il propose celle qui lui paraît convaincante : le lobby des anti-Hadopi ne réussit pas à se faire entendre car, justement, il n'est pas un lobby. Il ne représente en effet aucun intérêt économique ou politique significatif. Ainsi, dans la lutte du pot de terre contre le pot de fer, Internet n'apporterait finalement rien...

La thèse est séduisante et, convenons-en, assez originale.
Précisons que Nicolas Vanbremeersch est le patron de Spintank, une société qui "accompagne les entreprises dans leur dialogue avec l'opinion en ligne". A ce titre, pour lui, il est naturel de conclure que si les discussions virulentes sur le web ne réussissent pas à "passer" dans la presse, c'est la preuve de l'inefficacité des actions des anti-Hadopi.

C'est précisément sur ce point que nous voudrions apporter quelques observations très récentes. Jeudi 26 mars, les eurodéputés, par 481 voix contre 25 (21 abstentions) ont adopté un rapport qui mentionne que "garantir l'accès de tous les citoyens à Internet équivaut à garantir l'accès de tous les citoyens à l'éducation.../... un tel accès ne devrait pas être refusé comme une sanction par des gouvernements ou des sociétés privées". On peine à imaginer qu'un tel score ne soit pas dû, entre autres, à un travail de longue haleine auprès des eurodéputés.

En fait, si les anti-Hadopi sont convaincus que le débat est biaisé en France, l'action la plus logique et la plus efficace n'est-elle pas d'éviter de chercher à convaincre la presse française pour se concentrer sur ceux qui produisent des lois supérieures au droit français : les eurodéputés ? En, réalité, ces anti-Hadopi nous paraissent plutôt efficaces, notamment quant à leur usage de l'internet.

Autre embuscade tendue à la planification : le célèbre site suédois "The Pirate Bay" a présenté le 24 mars,  iPredator,  un logiciel de type VPN permettant de crypter les données transférées sur Internet et donc d'échapper aux radars de l'Hadopi...

On comprendra dès lors que nos observations ne conduisent pas aux mêmes conclusions que Nicolas Vanbremeersch. Les anti-Hadopi nous semblent, au final, beaucoup plus efficaces pour ridiculiser cette nouvelle exception française, que les officines de lobbying payées par on-ne-sait-qui...

Sous-estimer ses adversaires, même ceux qui se fédèrent tant bien que mal sur Internet, se paie toujours cher...