Le vol AF 447 n'est pas perdu pour tout le monde

Le métier de domainer consiste à enregistrer des noms sur Internet qui ont trait à l'actualité et ses drames, soit en temps réel, soit par anticipation.

Dans la nuit du dimanche 31 mai au lundi 1er juin 2009, à 4 heures du matin, le vol AF 447 disparaissait des écrans de contrôle entre Rio de Janeiro et Paris. A peine quelques heures plus tard, avant même que l'avion ne soit déclaré définitivement perdu, au moment où le monde entier découvrait l'ampleur d'une catastrophe qui allait endeuiller 228 familles, un domainer enregistrait le nom de domaine AF447.fr dans le but de le revendre...

Le jour même, un domainer polonais déposait le nom de domaine AF447.pl et, pour faire bonne mesure AF447.eu, sans doute dans un sentiment européen louable en cette période d'élection... Histoire d'éviter tout malentendu, au cas où un proche des 228 victimes chercherait fébrilement sur Internet des informations sur la catastrophe, le nom de domaine FLIGHT-AF447.com était déposé et proposait une vidéo YouTube montrant des crashs d'avions, dont l'un d'Air France...
 
Le métier de domainer est relativement simple. Il consiste à miser sur des noms de domaine comme d'autres parient sur les chevaux du tiercé. Ceux qui arrivent en tête de la course au trafic sur Internet raflent la mise. Si le canasson est un crack, voire un crash, on peut même le revendre fort cher. Bien sûr les bons noms de domaine sont de plus en plus rares, et quand, "miraculeusement", l'assemblage improbable de deux lettres et trois chiffres anodins deviennent les cinq lettres du mot drame, tous les espoirs sont permis...
 
Encore faut-il se lever tôt, un peu comme dans d'autres métiers. Les "bons noms de domaine" étant déjà déposés, le lendemain de la catastrophe cette fois, le nom de domaine AIRFRANCELAWSUIT.com (plainte contre Air France) était enregistré et proposé aux enchères sur eBay par sa propriétaire, une américaine vivant actuellement au Koweït. Interviewée par le magazine américain Wired, cette domaineuse s'adonne depuis quatre ans à un petit commerce d'achat et de vente de noms de domaine qui lui permet de gagner de l'argent "tout en restant chez moi pour m'occuper de mes enfants," a-t-elle expliqué.
 
Elle dit avoir réservé le nom parce qu'elle ne pouvait s'empêcher de penser aux proches des victimes du vol AF 447. Et sur sa page eBay d'affirmer : "J'espère voir des avocats utiliser ce nom pour créer un site afin de permettre aux 228 familles concernées de communiquer et d'obtenir ce qu'elles sont en droit de demander pour avoir à supporter un tel chagrin. Les avions sont à la pointe de la technologie et les contrôleurs aériens savent où ils se trouvent à tout instant. Dans ce cas précis, la communication avec l'avion n'aurait pas du être coupée et les familles des victimes auraient du savoir immédiatement ce qui est arrivé à leurs proches."
 
Bien entendu, tout cela se passe de commentaires et donne un peu la nausée. A chaque grande catastrophe - tsunami, crash, tremblement de terre - des noms de domaine sont enregistrés dans le seul but macabre d'en profiter. Et à chaque fois, les propriétaires de ces noms se drapent d'un altruisme touchant et clament leur volonté d'aider les victimes...
 
A travers ces exemples, loin de moi l'idée de considérer que les domainers sont l'opprobre des noms de domaine. Certains sont même d'authentiques passionnés, amusés par les mots et ce que l'on peut en faire sur Internet. Il en est d'ailleurs un qui, le 30 septembre 2007, soit presque deux ans avant l'accident, a enregistré le nom de domaine FLIGHT447.com ! La nationalité de son propriétaire étant iranienne, il n'en fallut pas plus pour que se répande et enfle sur Internet la rumeur d'un acte terroriste.

Rien de cela pour ce producteur de film qui s'adonne parallèlement à une petite activité secondaire d'enregistrement de noms. "J'en ai environ 500 a-t-il expliqué, dont plusieurs liés à des numéros de vols. Je m'étais écrit un petit programme pour enregistrer tous les noms de ce type avec le mot "flight" devant les numéros de "1" à  "1000".  C'est une pure coïncidence et je la regrette vraiment." Une simple question de probabilité en quelque sorte. Un peu comme les catastrophes.