Hadopi : quid de la protection des droits d’auteur dans le monde de l’image ?

Si les films et la musique font bien partie du champ d’investigation d’Hadopi, la photographie en revanche est majestueusement ignorée par l’institution. La photographie serait-elle le parent pauvre de la création artistique ?

En réaction à la dernière étude publiée par Hadopi : « les biens culturels et usages d’internet : pratiques et perceptions des internautes français »

La dernière étude* publiée en janvier 2011 par Hadopi sur « les biens culturels et usages d’internet : pratiques et perceptions des internautes français » nous laisse songeurs !

Cette étude révèle que 49% des répondants consomment des biens culturels de façon illicite. Comme on pouvait s’en douter, les internautes téléchargent illégalement de la musique (57%), des films (48%) mais également des photos pour une part non négligeable (44%).

C‘est ce dernier point qui nous interpelle. Si les films et la musique font bien partie du champ d’investigation d’Hadopi, la photographie en revanche est majestueusement ignorée par l’institution et ce, malgré les résultats édifiants de cette récente étude. La photographie serait-elle le parent pauvre de la création artistique ? Ce constat est d’autant plus regrettable que les auteurs photographes, loin d’être secondés par les majors, se retrouvent bien souvent seuls face à la jungle Internet lorsqu’il s’agit de la protection de leurs droits.

Autre constat révélé par cette étude, il semblerait que les principaux freins à la consommation légale de biens culturels soient le prix (37% des internautes déclarant un usage illicite) et le choix (pour 21%). Il existe pourtant sur internet des offres légales, à bas prix et disposant d'un vaste catalogue. La méconnaissance de ces offres et de la législation relative aux droits d'auteur ne serait-elle pas elle aussi responsable du téléchargement illégal ?

 

Les droits d'auteur, une notion abstraite pour le plus grand nombre

Toute création artistique confère à son auteur un droit exclusif sur l'exploitation de celle-ci. Dès lors, il convient de requérir son autorisation pour tout usage de cette oeuvre (le plus souvent, moyennant le paiement d'un prix). Ce qui semblait évident il y a quelques années est désormais beaucoup plus difficile à concevoir dans un monde numérique où tout semble gratuit, et de nombreuses campagnes d'information ont été nécessaires pour faire comprendre aux consommateurs que la liberté offerte par Internet avait ses limites. On se souvient tous de ce clip diffusé dans les salles de cinéma annonçant : « Télécharger des films piratés, c'est du vol !».

 

Ce qui semble aujourd'hui compris pour les films et la musique est encore, malheureusement, parfaitement ignoré en ce qui concerne d'autres types de créations artistiques et notamment les images. Qui soupçonnerait qu'une autorisation soit nécessaire pour utiliser comme fond d'écran une image piochée sur la toile en quelques clics ? Plus grave encore, certaines images téléchargées illégalement sont utilisées de manière professionnelle et largement diffusées auprès du public sans autorisation de l'auteur. En effet, une étude menée par l'IFOP** pour Fotolia du 1er au 3 février 2011, a montré que 21% des internautes téléchargeant illégalement des images sur internet les utilisaient pour l'illustration de présentations PowerPoint et 16% pour l'illustration de leur site web, blog... Nous ne sommes plus là dans le cadre d'une utilisation « familiale », mais bien dans un contexte professionnel.

 

Il faut savoir que ce type d'utilisation illégale est très sévèrement puni puisque la loi prévoit une peine de 3 ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende (Art. L. 335-2 du CPI) et que l'ignorance de l'utilisateur en la matière ne saurait avoir pour effet de le dédouaner de sa responsabilité.

 

Hadopi et la photographie

Que l'on soit pro ou anti Hadopi, force est de constater que cette institution aura au moins eu le mérite de faire prendre conscience que le téléchargement illégal n'est pas sans conséquence sur la création artistique. Mais toutes les créations artistiques sont-elles logées à la même enseigne ? Non.

 

En effet, l'action menée par la cellule Hadopi depuis plusieurs mois se limite au contrôle du téléchargement illégal de films et de musiques. Les écrits, les photographies et les illustrations ont tout simplement été écartés du champ d'action de l'institution. Il semble que les majors aient plus besoin de protection que les petits photographes qui font pourtant figure d'artisans face à ces puissants mastodontes. Quelle en est la raison ?

 

Sans entrer dans la polémique concernant l'initiative de cette loi, il faut reconnaitre que, dès l'origine, l'accent a été porté sur les contenus audio et vidéo. Il était dès lors évident que le contrôle allait s'opérer sur les réseaux d'échange utilisés pour ces types de contenus : les réseaux peer to peer. Or, ce n'est effectivement pas le canal de prédilection utilisé pour le partage d'images ou d'écrits. En effet, le téléchargement illégal d'image se fait généralement via le web, difficile donc de contrôler les abus concernant ce type de contenus. Difficile certes, mais impossible ?

 

A la lecture des résultats de cette étude, on ne peut qu'espérer que les photographies et les illustrations, qui représentent une part non négligeable en matière de téléchargement illégal, seront à terme considérées avec les mêmes égards que les fichiers vidéo et audio et que des solutions seront trouvées pour permettre la protection des droits de leurs auteurs. Reste à savoir si l'offre légale sera en mesure de satisfaire l'ensemble des internautes.

 

Des solutions existent 

L'étude publiée par Hadopi révèle que les principaux freins à la consommation légale de biens culturels sont le prix (37% des internautes déclarant un usage illicite) et le choix (pour 21%).

 

Pourtant, quel que soit le type d'oeuvre recherché (film, musique, image...), il existe des solutions légales, économiques et des prestataires offrant un vaste choix au sein de leur catalogue. Citons par exemple iTunes qui propose des films à partir de 0,99 € et des musiques à partir de 0,69 €.

 

Pour les gros consommateurs de biens culturels, il existe aussi des solutions « illimitées » (concept qui a vu le jour grâce à internet). Prenons par exemple Deezer qui, moyennant le paiement d'un forfait (à partir de 4,99 € / mois), vous permettra d'écouter tous les morceaux de votre choix sans aucune limite.

 

Pour les images, des solutions légales existent aussi. Les microstocks (banques d'images libres de droits à bas prix) proposent des dizaines de millions d'images utilisables légalement à partir de quelques centimes d'euros l'image sans pour autant sacrifier la rémunération des auteurs.

 

Encore trop cher diront certains mais la culture gratuite, accessible à tous et légale est une utopie. La création artistique est un travail qui, comme toutes les autres activités professionnelles, doit être rémunéré. Précisons également que ce type d'offre légale n'en est encore qu'à ses balbutiements (quelques années d'existence seulement) et qu'il n'est pas à exclure que d'autres prestataires viendront s'ajouter à cette liste, augmentant ainsi le nombre d'oeuvres disponibles et diminuant le prix à payer pour accéder à la culture.