Le rôle de l’avocat en cas d’e-reputation négative

Le rôle de l’avocat est essentiel en cas d’e-réputation négatives car il est le seul à pouvoir qualifier des faits litigieux. Décryptage.

En cas d'e-reputation négative, l'avocat devra distinguer la diffamation et l'injure du dénigrement (1) et rechercher s'il n'existe pas d'autres qualifications envisageables (2)

Distinction Dénigrement / diffamation-injure
La loi du 29 juillet 1881 prévoit en son sein toutes les infractions en matière de presse. Ainsi, l'article 29 de cette loi définit les infractions de diffamation et d'injure : « Toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l'identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés.

« Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait est une injure ».

En raison de l'atteinte qu'elle porte au principe à valeur constitutionnel de la liberté d'expression, le législateur a prévu une prescription courte de ces infractions de 3 mois au-delà de laquelle il n'est plus possible pour les personnes visées dans les propos d'agir sur le fondement des dispositions de la loi de 1881.

La jurisprudence s'est également employée à protéger la liberté d'expression notamment vis-à-vis des tactiques juridiques mises en place pour contourner la prescription.

Ainsi, dans une ordonnance du 26 octobre 2009, le Président du Tribunal de Grande Instance de Paris rappelle « que les abus de la liberté d'expression tels que prévus par la loi du 29 juillet 1881 ne pouvant être relevés sur le fondement du droit commun, il convient de souligner le fait que suivant l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881, le fait incriminé doit être précisé et qualifié, le texte applicable cité et l'acte introduisant l'instance notifié au Ministère Public ».

Cette ordonnance rappelle une jurisprudence constante faisant obstacle aux procédures introduites sur le fondement du droit commun afin de contourner la prescription de trois mois applicable en matière de délits de presse.

Il conviendra notamment de distinguer les propos relevant le la loi sur la liberté de presse soumis à la prescription de 3 mois (diffamation, injure...), propos visant directement la personne, des propos dénigrants visant les services d'une entreprise qui relèvent quant à eux du régime de responsabilité de droit commun.

A ce stade, l'ordonnance du 26 octobre 2009 précitée apporte une difficulté supplémentaire. En effet, le Président précise ici pour retenir la nullité de l'action que « si certains propos peuvent ailleurs relever du dénigrement porté sur les services (...) ils forment un tout indivisible et ne peuvent être détachés des propos susceptibles d'être qualifiés suivant la législation du 29 juillet 1881 ».

C'est pourquoi, l'avocat face à des faits d'é-réputation négatives doit :

-  Qualifier les propos selon la définition de la diffamation, injure et dénigrement.

-  Indiquer les personnes visées par les propos

- Indication de l'existence d'une prescription ou non
 
Autres qualifications envisageables

Atteinte à la vie privée et Droit à l'image

Énoncé à l'article 9 du Code civil, le droit au respect de sa vie privée n'est pas clairement défini que ce soit par la doctrine ou la jurisprudence. Toutefois, certains auteurs s'y sont essayé en définissant la sphère de la vie privée comme un ensemble d'informations présentant un caractère personnel, soit les faits, communication ou opinions qui concernent l'individu et dont il serait raisonnable d'attendre de lui qu'il les considère comme intimes ou sensibles, et qu'il veuille en conséquence en empêcher ou au moins en restreindre leur collecte, usage ou circulation.

Pour se donner une meilleure idée, quelques exemples seront donnés pour démontrer ce qui relève de la vie privée. Ainsi en est-il de la vie affective, conjugale, amoureuse, familiale, de sa sexualité, de sa santé, de ses convictions personnelles, de son domicile, de son patrimoine...

Sur la base du respect au droit de la vie privée, la jurisprudence a fait oeuvre créatrice en développant la notion du droit à l'image qui permet à toute personne de s'opposer à la publication de photographie la représentant sans son autorisation préalable.

Toutefois, le droit au respect à la vie privée et le droit à l'image trouvent leurs limites dans la liberté d'expression.

Dans l'appréciation du respect au droit de la vie privée portant sur des informations dites personnelles, le juge tiendra compte de divers critères tels que :

-        la nature de la publication (documentaires, film, magazines, Internet...) ;
-        le caractère anodin ou déjà connu des faits ;
-        la pertinence de faits révélés suivant l'information sur l'actualité ou la contribution à un débat d'intérêt général.

A l'instar des limites évoquées précédemment, est légitimée comme telle, la publication d'images concernant des personnes impliquées dans un fait d'actualité ou lorsqu'elle est en relation directe avec celui-ci. C'est également le cas lorsque ces informations ou images sont utilisées pour illustrer un thème général comme, à titre d'exemple, dans le cadre d'une affaire criminelle célèbre (cf. Cass, 1ère civ, 13 novembre 2003).
Par ailleurs, certaines atteintes portées au droit au respect de la vie privée trouvent également échos dans la qualification de diffamation ou d'injures. Nombreuses sont les parties qui pour échapper à la prescription des 3 mois en matière d'infraction de presse ont choisi la voie de l'article 9 du Code civil qui n'est pas soumise à une prescription si courte.
La jurisprudence a dû trancher sur ce point et a décidé qu'il appartenait au juge de restituer aux faits l'exacte qualification donnée par les parties. Il en résulte que chaque cas d'espèce nécessite une étude approfondie de la jurisprudence pour déterminer ce qui relève du respect au droit à la vie privée et des atteintes au droit à l'image au regard de ce qui fonde la liberté d'expression.

Ainsi, l'avocat doit :
- Faire l'inventaire des Personnes visées
- Qualifier les atteintes (vie privée/droit à l'image)
- Attention aux exceptions (faits d'actualité, débats...) + requalification éventuelle du juge.

Droit d'opposition pour motif légitime à un traitement de données à caractère ersonnel (Article 38 loi du 6 janvier 1978 modifiée)
Toute personne physique a le droit de s'opposer, pour des motifs légitimes, à ce que des données à caractère personnel la concernant fassent l'objet d'un traitement ou soient utilisées à des fins de prospection par le responsable du traitement.

L'article 2 de cette même loi définit la notion de données à caractère personnel comme « toute information relative à une personne physique identifiée ou qui peut être identifiée, directement ou indirectement, par référence à un numéro d'identification ou à un ou plusieurs éléments qui lui sont propres ».

Les conditions ci-dessous énumérées sont nécessaires à l'exercice de ce droit :

-        Existence de raisons légitimes
-        Le traitement ne répond pas à une obligation légale
-        L'application du texte n'a pas été écartée de manière expresse dans l'acte autorisant le traitement.

Notion laissée pour compte par la loi, la jurisprudence a dû s'efforcer de définir l'expression « raisons légitimes » mais n'est pas parvenu à un consensus notamment en ce qui concerne les données diffamantes, injurieuses ou portant atteinte à la vie privée :

Le non respect du droit d'opposition par celui qui procède à un traitement de données à caractère personnel est clairement sanctionné par l'article L. 226-18-1 du Code pénal qui prévoir une peine d'emprisonnement de 5 ans et d'amende de 300.000 euros.

Avant d'exercer le droit d'opposition, il faudra donc procéder à une qualification exacte des données qui ont fait l'objet du traitement afin de déterminer précisément les raisons légitimes à invoquer.

Par conséquent, l'avocat doit ici :

-  Vérifier les données à caractère personnelle qui ont été utilisées
-  Si les données peuvent faire l'objet d'une qualification au titre de la diffamation ou de l'injure, ou porter sur l'atteinte au droit au respect de la vie privée et dans ce cas indiquer que la jurisprudence n'est pas clairement défini puisque des données à caractère personnelle peuvent également faire l'objet d'une atteinte à la vie privée (politique, religion etc.)

Contrefaçon de marque
La marque est un élément important du patrimoine incorporel de la personne physique ou morale. Les atteintes portées au droit exclusif que la marque confère à son titulaire sont sanctionnées au titre de la contrefaçon.

Ainsi est notamment interdit par les articles L. 713-2 et L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle :

-   la reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque identique pour des produits et services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ;
-    l'imitation de la marque et son usage pour des produits et services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement.

Ainsi, leur utilisation en tant que mots-clés, méta-tags afin d'obtenir un meilleur référencement et générer un lien Internet désignant les produits et services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement constitue un acte de contrefaçon.

De même, lorsque l'article L. 115-33 du Code de la consommation sanctionne certains faits d'usage de marque à l'égard de produits ou services différents de ceux désignés par l'enregistrement dans la mesure où ces faits sont de nature à tromper les consommateurs sur les relations existant entre le propriétaire de la marque et celui qui l'utilise de mauvaise foi : les faits ainsi réputés illicites au mépris du principe de spécialité ne sauraient être réprimés au titre de la contrefaçon.

Autre cas sanctionnant l'usage de la marque en considérant ce dernier manifestement illicite, la reproduction sans autorisation du titulaire de ses marques sur un blog accompagné de photographies issues du catalogue de la saison en cours.

Il résulte de tout ce qui précède que la qualification de contrefaçon devra s'apprécier au regard de l'usage qui est fait de la marque et de l'atteinte qui est lui est portée et cela en fonction des produits et services visés dans l'enregistrement de la marque.

En définitive, le recours à un avocat en matière d'E-réputation devrait être un des premiers réflexes des victimes, car au-delà, d'une réponse technique, il est nécessaire de mettre en place une réponse juridique adéquate car celui qui ne défend pas ces droits mérite de les perdre.