eBay : éditeur ou hébergeur ?

Dans un arrêt rendu le 12 juillet 2011 à la demande de la High Court of justice de Grande Bretagne, la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) s'est prononcée sur la question de savoir si le site d'enchères en ligne eBay est un hébergeur ou un éditeur Internet.

De cette qualification dépend la mise en cause de la responsabilité de la société eBay dans la vente par ses clients de produits contrefaits ou détournés de leur réseau de la marque L'Oréal.

L'arrêt rendu par la CJUE est à mettre en relation avec l'arrêt "Google" du 23 mars 2010, dans lequel la Cour a considéré que le célèbre moteur de recherche bénéficiait de la qualité d'hébergeur.
La CJUE définissait alors l'hébergeur comme un intermédiaire se limitant à un rôle technique, automatique et passif et dépourvu de contrôle ou de connaissance sur ses contenus.
En raison de cette passivité, le fournisseur d'hébergement peut bénéficier d'une exonération de responsabilité en cas de diffusion sur sa plateforme de contenus illicites, à la condition d'opérer un retrait prompt desdits contenus en cas de prise de connaissance de leur existence.

C'est donc ce moyen de défense qu'avait soulevé la société eBay devant les attaques en responsabilité pour contrefaçon de la société L'Oréal.
Mais à la différence de Google dont la passivité du rôle n'avait pas été remise en cause, la CJUE constate que eBay avait pu dans certains cas jouer un rôle actif quant à ses contenus, par l'enregistrement d'informations sur ses vendeurs lors de leur inscription et par la fourniture à ces derniers de techniques d'optimisation de leurs ventes ainsi que d'une visibilité publicitaire pour les boutiques les plus dynamiques.

La CJUE considère en effet que si le site "a joué un rôle actif de nature à lui conférer une connaissance ou un contrôle des données relatives à ces offres (...) il ne saurait alors se prévaloir, s'agissant desdites données, de la dérogation en matière de responsabilité (...)".

Ainsi, si eBay a dépassé son rôle de prestataire d'hébergement en fournissant notamment des techniques d'optimisation commerciales aux boutiques coupables de vente illicites, sa responsabilité pourra être engagée à titre d'éditeur.
En revanche, si les vendeurs concernés n'ont pas été l'objet de ces techniques, la responsabilité d'eBay devra être limitée.
C'est à la High Court of justice britannique qu'il reviendra de résoudre cette question de fait car la CJUE ne tranche pas la question de la qualification de eBay mais donne des conditions qui devront être vérifiées par la juridiction nationale.

En France, la question de la qualification d'eBay n'est pas non plus résolue. Si la Chambre commerciale de la Cour de cassation avait reconnu à eBay la qualité d'hébergeur dans un arrêt de 2009, des décisions plus récentes rejettent cette qualification au motif qu'eBay dépasse la simple qualité d'hébergeur en exerçant une activité de courtage commercial par la fourniture d'instruments d'optimisation de leurs ventes à ses clients.

On le voit, c'est donc une question très délicate qui est donnée à juger à la High Court of justice.
Il se peut toutefois que la qualification d'eBa yne soit en définitive pas unique, mais dépende de chaque cas, comme on a pu le voir pour la qualification des forums, ou d'autres intermédiaires.