Le crédit conso, une opportunité à saisir par les opérateurs télécoms ?

A la veille de bouleversements forts sur le marché des télécoms (nouvel entrant, changements dans les subventions de terminaux, etc.) le crédit consommation peut constituer une nouvelle offre attractive des opérateurs télécoms en phase avec un écosystème qui évolue.


La diversification des opérateurs télécoms vers les métiers de la banque repose aujourd'hui essentiellement sur la promesse des offres de m-paiement

Ces dernières, véritable rupture économique et sociale pour les pays en développement où le taux de bancarisation est plus faible que la pénétration mobile, rencontrent pour l'instant un succès limité en termes d'usage au sein des marchés développés.
A l'instar de leur diversification vers les offres d'assurance, les opérateurs télécoms n'ont-ils pas plutôt une carte à jouer sur le marché du crédit à la consommation afin d'entrer sur le marché bancaire ?

Les spéculations sur l'entrée de Free sur le marché mobile, l'arrivée de nouveaux MVNO comme La Poste et le prix de plus en plus élevé des smartphones commencent à fissurer le modèle des forfaits mobiles subventionnant les terminaux. En parallèle, une forte demande des consommateurs pour avoir des forfaits plus lisibles joue aussi sur le marché.

Enfin, les pouvoirs publics veulent réduire les longues durées d'engagement. Face à ce constat les opérateurs télécoms adoptent depuis peu deux attitudes en rupture avec leur modèle historique : proposer des forfaits entrée de gamme sans engagement et sans terminal à l'instar de SFR avec ses « packs éco » ou décliner le catalogue existant en version SIM Only comme Orange sur sa gamme « Origami ». Ce découplage entre terminal et consommations télécoms va permettre à terme d'orienter le marché vers des forfaits moins chers mais va tendre à faire apparaitre des terminaux non subventionnés aux tarifs élevés.

En parallèle de ce constat, on observe un succès grandissant du crédit à la consommation en France. Bénéficiant de marges bien supérieures à celles de leur cœur de métier, des acteurs non bancaires proposent désormais à leurs clients des crédits pour financer la plupart des biens de consommation.
A titre d'exemple, Carrefour a su profiter de ce marché et augmenter le ticket moyen du consommateur grâce à ses services Pass. Le secteur automobile tire aussi pleinement profit du crédit grâce à ses offres de financement de véhicules. Renault, dont l'activité de crédit automobile, présente plus de 60% de sa marge opérationnelle est un des grands gagnants de ce secteur.

De ces deux constats se dessine l'opportunité pour les opérateurs télécoms de proposer des offres de crédits qui permettraient de financer l'ensemble des achats télécoms voire informatiques. Au-delà du financement des smartphones non subventionnés par les nouveaux forfaits mobiles, les crédits proposés par ces acteurs pourraient concerner le matériel informatique haut de gamme comme les tablettes tactiles, les PC portables ou les logiciels nécessitant un investissement lourd, mais également les factures télécoms.

L'opérateur pourrait en effet suggérer ponctuellement des facilités de paiement sur les consommations télécoms postpaid ou permettre à ses clients en prepaid de passer des appels sans crédit comme le propose déjà l'opérateur Tigo en Côte d'Ivoire avec son offre « Tigo Lebalma ».

Afin de saisir cette opportunité, les opérateurs télécoms disposent de plusieurs solutions.
La première consisterait à adopter le statut d'établissement de paiement crée en 2009 par la directive SEPA. En obtenant cet agrément, ils seraient en effet habilités, sous des règles légales et prudentielles peu contraignantes, à proposer des services de paiement ainsi que des « petits » crédits limités à 12 mois.
Cependant, compte tenu des limites de ce statut et des spécificités du marché du crédit à la consommation dominé par un nombre réduit d'acteurs ayant largement recours à la distribution indirecte, d'autres statuts comme ceux d'« établissement de crédit » ou de « distributeur d'offres de crédit » paraissent offrir plus de possibilités.
L'option consistant à devenir établissement de crédit permettrait à l'opérateur télécom de contrôler l'ensemble de la chaine de valeur mais présente des risques financiers substantiels. En effet, dans un marché où les impératifs en termes de volumes constituent la principale barrière à l'entrée, ce nouvel entrant risquerait de ne pas  générer de volumes suffisants pour atteindre le seuil de rentabilité.
En revanche, l'alternative consistant à devenir uniquement distributeur d'offres de crédit en partenariat avec un des acteurs phares du marché bancaire permettrait à l'opérateur de bénéficier d'offres de crédit « clé en main » tout en capitalisant sur ses forces : son réseau de distribution et son SI de facturation. Par ailleurs, l'accompagnement spécifique qui pourrait être prodigué par le partenaire dans le cadre de ce scénario réduirait considérablement le time-to-market et minimiserait le risque financier lié aux contraintes de volumes.

Enfin, du point de vue du consommateur, un partenariat de ce type constituerait un réel gage de fiabilité face à une offre proposée par son seul opérateur télécoms acteur à date peu légitime sur le marché bancaire.
En ce sens, cette solution parait la meilleure alternative à court terme pour un acteur télécoms désireux de pénétrer le marché rentable du crédit à la consommation.



Par Jean-Michel Huet, BearingPoint, Estelle Huynh, BearingPoint et Alexandre Irrmann-Tézé, BearingPoint.