Le dépôt légal de l'internet français est enfin une réalité !
Instauré par une loi du 1er août 2006, le dépôt légal des œuvres numériques est longtemps resté lettre morte. Il aura fallu attendre cinq longues années pour voir l'indispensable décret d'application enfin publié au Journal officiel le 19 décembre 2011. Explication de texte.
Établi solennellement par la loi sur le droit d'auteur et les droits voisins dans la société de l'information ("DADVSI") du 1er août 2006, le dépôt légal des œuvres numériques est longtemps resté lettre morte. Il a fallu attendre cinq longues années pour voir l'indispensable décret d'application enfin publié au Journal officiel. Le texte du 19 décembre 2011 précise les obligations mises à la charge des éditeurs de sites Internet, ainsi que des éditeurs de logiciels et de bases de données et les services de médias audiovisuels à la demande.
La loi
de 2006, intégrée au Code du patrimoine, énonce que les personnes "qui éditent ou produisent en vue de la
communication au public par voie électronique (…) des signes, signaux, écrits,
images, sons ou messages de toute nature", doivent procéder au dépôt
légal dès lors que cette communication excède le cercle de famille. Ce dépôt consiste
"en la remise du document à
l'organisme dépositaire ou en son envoi en franchise postale, en un nombre
limité d'exemplaires". En l'occurrence, il s'agit d'archiver
l'internet français, d'en conserver une trace tangible à l'attention des
chercheurs "dûment accrédités".
Le dépôt
légal est connu des éditeurs français de presse papier depuis l'ordonnance
royale du 28 décembre 1537. Il a été progressivement étendu aux nouveaux
médias, notamment à l'audiovisuel en 1977. Il était donc logique que le web y
fût soumis un jour, même si, en pratique, il est difficile, voire impossible
pour un exploitant de site Internet de déposer systématiquement tous les
contenus qu'il diffuse au vu du nombre d'articles publiés chaque jour sur
certains sites, ce qui représente une masse colossale de données.
C'est pourquoi
le dépôt légal de l'internet français n'est pas un dépôt stricto sensu. La Bibliothèque Nationale de France
("BNF") ou l'Institut National de l'Audiovisuel ("INA"),
selon le type de contenu, vont se charger de collecter les informations grâce à
un robot qui va "scanner" chaque site au moins une fois par an et,
ainsi, copier et indexer l'ensemble des contenus. Les ayants droit ne pourront s'y
opposer en invoquant leurs droits de propriété intellectuelle, puisque cette
collecte constitue une exception au droit d'auteur [1]
.
Le texte
s'applique de manière extensive aux sites Internet dont le nom de domaine a été
enregistré auprès de l'AFNIC et aux sites exploités par une personne domiciliée
en France ou produits sur le territoire français. Chacun devrait donc se
préparer à la collecte, étant précisé que même les contenus non directement
accessibles au robot d'indexation doivent faire l'objet d'un dépôt.
Ceci concerne
notamment les contenus disponibles sur abonnement. Dans ce cas, l'éditeur du
site doit, sur demande de la BNF ou de l'INA, fournir des identifiants et mots
de passe lui permettant d'accéder aux contenus. Le mécanisme peut paraître
légèrement intrusif... Le décret prévoit donc la possibilité pour l'éditeur des
contenus de procéder à un véritable dépôt, en remettant une copie des documents
à la BNF, sachant que le refus de se soumettre à ce dépôt est sanctionné par
une amende de 75.000 euros.
La
quantité d'information à stocker et archiver ne constitue pas une difficulté
sur le plan technique : Archive.org et Google y parviennent depuis longtemps. Il
serait alors utile que les contenus indexés puissent être accessibles par des
tiers habilités, au-delà des seuls chercheurs, par exemple pour se ménager la
preuve de la diffusion d'un contenu. Les huissiers de justice, notamment,
pourraient retrouver la trace de contenus dommageables effacés par leurs
auteurs.
Mais, en pratique, une visite une fois par an risque de se révéler
insuffisante pour garder une trace exhaustive de la production numérique
française. Ceci pourrait atténuer grandement l'intérêt de cet archivage qui
fait pâle figure face au mastodonte Google.