Le droit d'auteur peut se cacher là où vous ne l'attendez pas
Si vous exploitez un site Internet destiné à présenter votre activité professionnelle, prenez garde aux photographies que vous diffusez sur ce site. En effet, dès lors qu'un objet protégé par un droit de propriété intellectuelle y est reconnaissable, vous vous exposez à un risque souvent sous-estimé.
En effet, le titulaire des droits sur cet objet peut vous assigner au titre d'actes de contrefaçon, alors même que vous avez pu légitimement acquérir le bien en question.
Les droits de propriété intellectuelle ont en effet tendance à être invoqués à l'appui de demandes qui peuvent surprendre de prime abord, comme dans cette affaire jugée par la Cour d'appel de Paris le 2 décembre 201, qui opposait l'exploitant d'un hôtel parisien à une société qui commercialise des luminaires.
Le gérant de l'hôtel avait acquis 48 lampadaires dénommés "totems lumineux", dont il avait agrémenté les chambres de son établissement. Assez classiquement, le site de l'hôtel présentait des photographies des lieux et, sur certains clichés, les "totems lumineux" étaient clairement reconnaissables.
Le fabricant et créateur des lampadaires avait
alors demandé à son client de faire mention du nom de l'auteur sur son site.
Cette demande pouvait paraître légitime, afin de respecter les prérogatives de
droit moral de l'auteur. Celles-ci incluent notamment le droit à la paternité
de l'œuvre, c'est-à-dire le droit à ce que les représentations de l'œuvre
soient associées au nom de l'auteur. Cependant, le gérant de l'hôtel ayant
refusé d'accéder à cette demande, le fabricant avait engagé une action en justice
pour réclamer une indemnisation à la fois au titre de l'absence de mention du
nom de l'auteur et de la diffusion illicite des photographies des lampadaires
sur Internet.
Sur le premier point, on peut relever que l'hôtel
aurait effectivement dû mentionner le nom de l'auteur des lampadaires. Non
seulement cela ne lui aurait rien coûté en pratique, mais cela aurait pu mettre
un terme rapide au litige, tout en respectant un droit difficilement
contestable.
Sur le second point en revanche, on pouvait
légitimement discuter de la validité du raisonnement du demandeur. Les juges
parisiens rappellent régulièrement que la reproduction et la représentation
d'une œuvre de l'esprit n'est pas toujours illicite, en particulier lorsqu'elle
est effectuée de manière fortuite : lorsque l'œuvre est photographie dans une
vue d'ensemble, sans que le cliché ne la reproduise "pour elle-même", sans mise en valeur particulière, alors
la jurisprudence considère classiquement qu'il n'y a pas contrefaçon, même si
le titulaire des droits n'a pas donné son accord en vue de cette diffusion.
Dans cette affaire, c'est ce que la Cour d'appel a
relevé pour la majorité des clichés litigieux : "la contrefaçon ne saurait être retenue lorsque ce lampadaire
apparaît sur les visuels annexés au constat de l'APP dans sa fonction
utilitaire, en arrière-plan, intégré à l'ensemble des éléments constituant le
décor et sans mise en valeur particulière".
Toutefois, la Cour a considéré que la diffusion des
images était contrefaisante pour certains clichés, en l'occurrence "les visuels (…) qui apparaissent en
gros plan sur toute la partie droite de l'image (…) sans nécessité et comme
participant à l'identité visuelle de l'hôtel". L'hôtel a été condamné,
comme en première instance, à payer 10.000 euros au fabricant des lampadaires.
Notons que, dans cette affaire, l'hôtel n'aurait
pas pu utiliser l'une des exceptions au droit d'auteur fondée sur le droit à
l'information du public, qui valide la reproduction et la représentation intégrale
ou partielle, d'une œuvre d'art graphique, plastique ou architecturale, par
voie de presse écrite, audiovisuelle ou en ligne, "dans un but exclusif d'information immédiate et en relation
directe avec cette dernière, sous réserve d'indiquer clairement le nom de
l'auteur".
Cette exception, visée à l'article L. 122-5 9° du Code de
la propriété intellectuelle, permet seulement la diffusion d'œuvres protégées
sur des supports d'information, ce que n'était pas, en l'espèce, le site de
l'hôtel.